12.11.12

Document historique : Jean Jaurès commente la note du cardinal Merry Del Val

Ce post se lit comme la suite d'un de mes posts transcrivant la note du cardinal Merry Del Val du 25 avril 1904 sur la visite du Président Loubet, lors Président de la République française, au Roi d'Italie, le 23 avril 1904. Ce jour-là, le Président de la République sera reçu au palais du Quirinal qui était le palais de résidence des papes (analogiquement : le palais de l'Elysée des papes).

Cela mettait la papauté dans une situation impossible, car le Pape ne pouvait se considérer comme sujet d'un Etat, or en l'occurrence on pouvait craindre que le Pape fût considéré comme sujet italien.

La note du cardinal n'avait rien d'agressif. D'ailleurs, les lecteurs pourront juger eux-mêmes lorsqu'ils lieront la "note" et la remettront dans le contexte historique.

Voici comment Jean Jaurès transforme le sens de la note :

C’est en effet, une double et insolente provocation à la France et à l’Italie. Le pape n’a pas hésité à mettre en accusation, devant les gouvernements, la République française et son président. C’est de haut et comme s’il dénonçait un coupable aux peuples et aux princes, que le pape juge et condamne M. Loubet.
Nous apprenons en outre par cette lettre que la papauté s’était efforcée d’empêcher le voyage de M. Loubet à Rome. Elle avait osé dire au gouvernement qu’elle y verrait une offense et jamais plus scandaleuse intervention ne s’était produite dans la politique extérieure de notre pays. Le roi d’Italie était venu à Paris ; il y avait été cordialement reçu comme représentant de l’Italie elle-même. N pas lui rendre sa visite, dans sa capitale même, ne pas aller à Rome, c’était pour la République française, rompre avec l’Italie. Et voilà pourtant l’acte insensé et antinational que le pape a demandé au gouvernement français, qu’il a tenté de lui imposer par la menace. C’est parce que la France républicaine n’a pas consenti à ce suicide que le pape la dénonce, elle et son premier magistrat, aux gouvernements et aux nations.
Contre l’Italie, la provocation est plus audacieuse encore, s’il est possible, et plus offensante. Non seulement le pape élève de nouveau sur Rome et l’Etat romain sa prétention irréductible ; non seulement il méconnaît et bafoue le droit national de l’Italie ; mais il semble avoir choisi systématiquement les termes les plus blessants pour la monarchie de Savoie jusqu’à revendiquer comme une partie de Rome pontificale la demeure même du roi. Il proclame que le roi d’Italie a invité M. Loubet à Rome dans le dessein d’humilier et d’offenser la papauté. C’est la déclaration de guerre la plus brutale lancée par la papauté à l’Italie moderne et à la Révolution.
Mais les gouvernements et les peuples s’étonneraient qu’il n’ait pas rappelé le nonce de Paris. C’était là, en effet, le moyen diplomatique le plus naturel pour protester contre ce qu’il prétend être une offense. Il déclare que seules des raisons spéciales l’ont empêché de rappeler, en effet, le nonce. C’est dire que celui-ci n’est plus dans la pensée du pape qu’un représentant précaire et provisoire.
Depuis que le pape a envoyé cette note, la rupture diplomatique de la papauté et de la France est virtuellement accomplie. Il ne reste plus au gouvernement de la République française qu’à déduire, sans fièvre mais sans faiblesse, les conséquences nécessaires de la provocation intolérable lancée par Pie X à deux grands peuples, à l’occasion de leur rapprochement. L’entière émancipation de la France, débarrassée enfin de toute ingérence politique de l’Eglise, n’est pas seulement la condition absolue de son libre développement intérieur ; elle apparaît maintenant comme une nécessité nationale.
Jean Jaurès

On note l'extrême insolence du ton.

Cet article du journal L'Humanité est une des pièces du dossier en faveur de la future loi du 9 décembre 1905 de "Séparation des Eglises et de l'Etat". Elle fait partie de la campagne. Mais elle prouve le ridicule des affirmations de Jaurès qui n'hésite pas à présenter le Pape comme menaçant (avec "combien de divisions" ?) et bafouant la liberté de la France, alors qu'il s'agit de la liberté du Pape. Le pape ne s'opposait en rien au rapprochement de la République française et du Royaume d'Italie. Jaurès présente la liberté de la France d'être catholique comme la volonté d'asservissement d'une puissance étrangère. Bref c'est un travestissement complet de la réalité jusqu'à l'inverser.

(Le 31 juillet 1914 Jaurès sacrifiera sa vie à la paix. En effet, en juillet 1914 il se trouvera uni dans la mort au même Pape Pie X. Pie X mourra quatre jours après lui, le 04 août 1914. On dit que le Pape est mort de chagrin en raison de guerre qui venait d'éclater. D'ailleurs on peut voir dans cette guerre source de l'affaiblissement perenne de l'Europe un châtiment de l'apostasie européenne dont un des éléments est cette loi de voleries qu'est la loi du 09 décembre 1905).

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