Mgr Fellay accuse le Pape et les évêques de traduire "tradition vivante" par tradition changeante autrement dit tradition traîtreuse.
Mais, selon moi, il confond ce qui doit être distingué.
La tradition est progressive, elle est purificatrice.
Dans l'histoire des conciles, nous voyons à chaque fois un nouveau dogme défini. Certains en concluent que la liberté se resserre au fur et à mesure des conciles, en réalité, elle se dilate par éclairage, par libération de l'erreur.. Par exemple le concile de Nicée en 325 définit que le Fils est consubstantiel au Père. Le concile Constantinople définit que l'Esprit-Saint est Dieu et qu'il est consubstantiel au Père et au Fils.
Les vérités étaient éternellement celles-là. Cependant des intellectuels soutenaient des erreurs, ils ont donc donné l'occasion de clarifier la foi. Ces intellectuels dans l'erreur ont provoqué la réflexion du Pape et des évêques en communion avec lui. Si le Pape vivant et les évêques vivants n'avaient pas eu autorité, s'ils n'avaient pas été un magistère vivant, personne n'aurait pu trancher, la controverse serait restée en l'état.
C'est cela la tradition vivante. Elle explicite ce qui avait toujours été contenu dans le message de Dieu à l'humanité. Elle le fait en un temps de l'histoire et elle le fait définitivement. L'Histoire est une succession d'événements définitivement fixés.
C'est pourquoi, par analogie, en ce qui concerne la liberté religieuse, définie au Concile Vatican II, elle a toujours été vécue par les chrétiens. Hitoriquement, les croisades avaient pour but de rétablir la liberté religieuse en Palestine. L'inquisition respectait la liberté religieuse des juifs et des mahométans. Elle désignait à la communauté populaire ceux qui se prétendaient catholiques sans l'être. Elle ne condamnait pas à mort. Saint Pie V luttait à Lépante pour la liberté religieuse de l'Europe.
Bien sûr, le magistère rend un service de clarification. La notion, pourtant accessible à la raison, restait comme enfermée dans l'obscurité et ne se découvrait que dans un agir tâtonnant, parce que non éclairé. Sous l'aiguillon des penseurs tels que Locke ou Kant, pourtant dans l'erreur sur de nombreux points et même sur celui de liberté, le magistère vivant la fait apparaître dans sa clarté, dans sa pureté. Avant Dignitatis humanae cette notion était implicitement vécue, d'où de nombreuses erreurs et des abus pratiques. Après Dignitatis humanae, cela devient clair et implique un progrès pratique. Sans le magistère vivant, la controverse se serait embourbée sans que personne ne voie clair, sans que personne ne puisse avoir même la seule prétention à la dirimer. L'autorité vivante libère.
Le protestantisme fut ainsi l'occasion d'un progrès de la théologie catholique. Pourtant cette notion, présente depuis toujours dans la message évangélique, ne fut dégagée qu'au XXe siècle (7 décembre 1965). On pourrait ainsi multiplier les exemples. C'est toujours par progrès et purification qu'agit le magistère. Paul VI allait nous donner aussi une mystérieuse leçon en s'acharnant contre la liberté religieuse des catholiques et des peuples européens, juste après avoir mis la notion au jour. C'est lorsque l'on vient d'échapper à un danger, on risque le plus d'être victime d'un autre (selon un aphorisme de Nietzsche). Le temps par progrès successifs découvre l'éternelle et immuable vérité.
Les générations qui nous succéderont verront chez nous des erreurs, des tâtonnements, que nous n'apercevons peut-être même pas. Plût à Dieu qu'elle ne nous condamnent pas avec aigreur et ne nous méprisent pas pour cela ! Ils seront les vivants, lorsque nous serons morts, ils feront vivre nos vérités et les purifieront parce qu'ils seront vivants, lorsque nous serons morts, donc totalement impuissants à purifier les vérités par nos esprits.
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