« LA MORT DES CATHÉDRALES
Une conséquence du projet Briand sur la Séparation
Supposez pour un instant que le catholicisme soit éteint depuis des siècles, que les traditions de son culte soient perdues. Seules, monuments devenus inintelligibles, mais restés admirables, d'une croyance oubliée, subsistent les cathédrales, muettes et désaffectées. Supposez ensuite qu'un jour, des savants, à l'aide de documents, arrivent à reconstituer les cérémonies qu'on y célébrait autrefois, pour lesquelles elles avaient été construites, qui étaient proprement leur signification et leur vie, et sans lesquelles elles n'étaient plus qu'une lettre morte; et supposez qu'alors des artistes, séduits par le rêve de rendre momentanément la vie à ces grands vaisseaux qui s'étaient tus, veuillent en refaire pour une heure le théâtre du drame mystérieux qui s'y déroulait, au milieu des chants et des parfums, entreprennent, en un mot, pour la messe et' les cathédrales, ce que les félibres ont réalisé pour le théâtre d'Orange et les tragédies antiques. Est-il un gouvernement un peu soucieux du passé artistique de la France qui ne subventionnât largement une tentative aussi magnifique? Pensez-vous que ce qu'il a fait pour des ruines romaines, il ne le ferait pas pour des monuments français, pour ces cathédrales qui sont probablement la plus haute mais indiscutablement la plus originale expression du génie de la France? Car à notre littérature on peut préférer la littérature, d'autres peuples, à notre musique leur musique, à notre peinture et à notre sculpture les leurs mais c'est en France que l'architecture gothique a créé ses premiers et ses plus parfaits chefs-d'œuvre. Les autres pays n'ont fait qu'imiter notre architecture religieuse, et sans l'égaler. »
Ainsi donc (je reprends mon hypothèse), voici des savants qui ont su retrouver la signification perdue des cathédrales les sculptures et les vitraux reprennent leurs sens, une odeur mystérieuse flotte de nouveau dans le temple, un drame sacré s'y joue, la cathédrale se remet à chanter. Le gouvernement subventionne avec raison, avec plus de raison que les représentations du théâtres d'Orange, de l'Opéra-Comique et de l'Opéra, cette résurrection des cérémonies catholiques, d'un intérêt historique, social, plastique, musical, ont rien que la beauté est au-dessus de ce qu'aucun artiste- a jamais rêvé, et dont seul Wagner s'est approché., en l'imitant, dans Parsifal. Des caravanes de snobs vont à la ville sainte (que ce soit Amiens, Chartres, Bourges, Laon, Reims, Rouen, Paris, la ville que vous voudrez, nous avons tant de sublimes cathédrales !), et une fois par an ils ressentent l'émotion qu'ils allaient autrefois chercher à Bayreuth et à Orange goûter l'œuvre d'art dans le cadre même 'qui a été construit pour elle. Malheureusement, là comme à Orange, ils ne peuvent être que des curieux, des dilettanti; quoi qu'ils fassent, en eux n'habite pas l'âme d'autrefois. Les artistes qui sont venus exécuter les chants, les artistes qui jouent le rôle des prêtres, peuvent être instruits, s'être pénétrés de l'esprit des textes; le ministre de l'instruction publique ne leur ménagera ni les décorations ni les compliments. Mais, malgré tout, on ne peut s'empêcher de se dire: « Hélas! combien ces fêtes devaient être plus belles au temps où c'étaient des prêtres qui célébraient les offices non pour donner aux lettrés une idée de ces cérémonies, mais parce qu'ils avaient en leur vertu la même foi que les artistes qui sculptèrent le jugement dernier au tympan du porche, ou peignirent la vie des saints aux vitraux de l'abside. Combien l'œuvre tout entière devait parler plus haut, plus, juste, quand tout un peuple répondait à la voix du prêtre, se courbait à genoux quand tintait la sonnette de l'élévation, non pas comme dans ces représentations rétrospectives, en froids figurants stylés, mais parce qu'eux aussi, comme le prêtre, comme le sculpteur, croyaient. Mais, hélas! ces choses sont aussi loin de nous que le pieux enthousiasme du peuple grec aux représentations du théâtre et nos « reconstitutions » ne peuvent en donner une idée ».
Proust, qui n'était pas juriste suppose, ce qui devait se répéter dans les médias de l'époque (sous l'influence des laïcistes qui le font encore aujourd'hui), que les cérémonies des cultes sont "subventionnées". En réalité, les cultes (catholique, israélite et protestant) n'étaient pas "subventionnés". Ils recevaient des sommes en compensation des spoliations révolutionnaires (nationalisations). Les cultes catholiques, israélites et protestants ont toujours été à la charge des fidèles. Ce qui est conforme à la justice (à la liberté religieuse).
Les cérémonies que décrit Proust sont celles du missel de saint Pie V. Il note, contredisant les acides détracteurs du "mouvement liturgique", que le clergé et les fidèles qui participent à la liturgie le font par foi. Une foi qui donne vie aux cérémonies. On mesure ici l'atroce injustice du "mouvement liturgique" et ses conséquences durant les années 60-70 du XXème siècle.
Enfin Proust confirme ce fait d'évidence que les cérémonies selon le rite de saint Pie V font partie de la culture française.
Enfin Proust confirme ce fait d'évidence que les cérémonies selon le rite de saint Pie V font partie de la culture française.
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