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Ce texte n'est pas inédit puisqu'il a été publié par le journal "L'Humanité" et qu'il est actuellement accessible sur "gallica", où je l'ai recopié. Cependant, il me semble intéressant de le publier sur mon blog en mode texte. Je le commente brièvement et je donnerai aussi le commentaire de Jean Jaurès sur le numéro du même journal dans un prochain post.
Voici donc le texte trouvé sur gallica, y compris la brève introduction non signée. J'ai mis mes commentaires entre crochets :
L’Humanité journal socialiste quotidien, directeur politique Jean-Jaurès n° du mardi 17 mai 1904 première année n° 30
Ce texte n'est pas inédit puisqu'il a été publié par le journal "L'Humanité" et qu'il est actuellement accessible sur "gallica", où je l'ai recopié. Cependant, il me semble intéressant de le publier sur mon blog en mode texte. Je le commente brièvement et je donnerai aussi le commentaire de Jean Jaurès sur le numéro du même journal dans un prochain post.
Voici donc le texte trouvé sur gallica, y compris la brève introduction non signée. J'ai mis mes commentaires entre crochets :
« Voici le texte authentique et certain de la lettre de protestation adressée par le pape à tous les gouvernements contre le voyage de M. Loubet à Rome :
Des Chambres du Vatican 25 avril 1904La venue à Rome en la forme officielle de M ; Loubet, président de la République française, pour rendre visite à Victor-Emmanuel III a été un événement de si exceptionnelle gravité que le Saint-Siège ne peut le laisser passer sans appeler sur la lui la plus sérieuse attention du Gouvernement que Votre Excellence représente. [la lettre est circulaire, elle avait de nombreux destinataires. Le Pape s'adresse à la communauté internationale devant laquelle, il ne veut pas laisser penser qu'il renonce à son indépendance. La note devait cependant rester secrète par délicatesse à l'égard du Président de la République.]
Il est à peine nécessaire de rappeler que les chefs d’Etats catholiques, liés comme tels par des liens spéciaux au Pasteur Suprême de l’Eglise, ont le devoir d’user vis-à-vis de Lui des plus grands égards, comparativement aux Souverains des Etats non catholiques, en ce qui concerne sa dignité, son indépendance et ses droits imprescriptibles. Ce devoir, reconnu jusqu’ici et observé par tous, nonobstant les plus graves raisons de politique, d’alliance ou de parenté, incombait d’autant plus au Premier Magistrat de la République française, [le cardinal rappelle la convention protégeant le Pape en Europe] qui, sans avoir aucun de ces motifs spéciaux, préside en revanche une nation qui est unie par les rapports traditionnels les plus étroits avec le Pontife Romain [tradition française], jouit, en vertu d’un pacte bilatéral avec le Saint-Siège, de privilèges signalés, a une large représentation dans le Sacré Collège des Cardinaux, et par suite dans le Gouvernement de l’Eglise universelle, et possède par singulière faveur le protectorat des intérêts catholiques en Orient [statut conventionnel privilégié de la France dans le gouvernement de l'Eglise universelle]. Par suite, si quelque Chef de Nation catholique infligeait une grave offense au Souverain Pontife en venant prêter hommage à Rome, c’est-à-dire au lieu même du Siège pontifical et dans le même palais apostolique [le Palais du Quirinal, construit par la papauté, et siège du gouvernement papal était occupé par le roi d'Italie] à celui qui contre tout droit détient sa souveraineté civile et en entrave la liberté nécessaire et l’indépendance [c'est sa dignité et son indépendance que revendique le Pape], cette offense a été d’autant plus grave de la part de Monsieur Loubet ; et si, malgré cela, le Nonce Pontifical est resté à Paris, cela est dû uniquement à de très graves motifs d’ordre et de nature en tout point spéciaux [motifs restés secrets, mais ce fait est rappelé afin de montrer qu'il ne signifie pas l'indifférence du Pape à l'offense qu'il reçoit]. La déclaration faite par M. Delcassé au Parlement français ne peut en changer le caractère ni la portée, - déclaration suivant laquelle le fait de rendre cette visite n’impliquait aucune intention hostile au Saint-Siège ; car l’offense est intrinsèque à l’acte d’autant plus que le Saint Siège n’avait pas manqué d’en prévenir ce même gouvernement.
Et l’opinion publique, tant en France qu’en Italie, n’a pas manqué d’apercevoir le caractère offensif de cette visite, recherchée intentionnellement par le Gouvernement italien dans le but d’obtenir par là l’affaiblissement des droits du Saint-Siège et l’offense faite à sa dignité, droits et dignité que celui-ci tient pour son devoir principal de protéger et de défendre dans l’intérêt même des catholiques du monde entier. [L'indépendance et la dignité de la papauté se confond avec l'intérêt des catholiques du monde entier].Afin qu’un fait aussi douloureux ne puisse constituer un précédent quelconque, le Saint-Siège s’est vu obligé d’émettre contre lui les protestations les plus formelles et les plus explicites, et le soussigné Cardinal Secrétaire d’Etat ["Premier ministre" du Pape], par ordre de Sa Sainteté, en informe par la présente Votre Excellence, en vous priant de vouloir porter le contenu de la présente Note à la connaissance du gouvernement de… [Le Saint-Siège est préoccupé de ce que ce fait ne constitue pas un précédent permettant de penser qu'il ne revendique plus ses droits à la dignité et à son indépendance]Il saisit en même temps cette occasion de confirmer à Votre Excellence les assurances… etc…Cardinal MERRY DEL VAL. »
En effet, le Pape ne pouvait devenir le sujet d'un souverain temporel. Il était chef d'Etat pour son indépendance et sa dignité, il entendait le rester. On imagine mal en effet, le Pape doté de la nationalité italienne et obligé de présenter sa carte d'identité aux policiers de l'Etat italien.
C'est la visite au Quirinal qui est visée.
Le commentaire de Jean Jaurès, paru en même temps que cette note confidentielle, ainsi que tous les commentaires jusqu'à ceux d'aujourd'hui travestiront la note pontificale. Elle deviendra un ultimatum menaçant par un pape tapant du pied comme un être pueril, puéril mais dangereux pour l'indépendance de la France en particulier et des nations en général. Certains en prendront prétexte pour légitimer la loi du 9 décembre 1905, loi de spoliation contraire à la laïcité de l'Etat.
En réalité, ce document pose le problème de la "question romaine" (et plus largement du statut particulier de la France et l'indépendance du Pape) qui dura du 20 septembre 1870 (occupation du palais pontifical du Quirinal) au 11 février 1929 (accords du Latran). Le Pape avait donc parfaitement raison en 1904 de rappeler ses droits puisque ses droits seront confirmés en 1929 et qu'aujourd'hui plus aucune puissance ne les conteste. Il rendait, ce faisant, un service non seulement aux « catholiques du monde entier », mais encore à l'humanité entière (comme l'histoire ultérieure l'enseignera).
L'indépendance du Saint-Siège est le bien commun de l'humanité, merci au cardinal Merry Del Val de l'avoir protégé et promu.
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