15.2.13

Pascal, Descartes et l'abbé de Tanoüarn


Guillaume de Tanoüarn [Jeudi La Procure 24/01/13] par Librairie-La-Procure

On peut écouter (ou pas, si l'on n'a pas envie de perdre son temps) cette effarante conférence du bon abbé de Tanoüarn sur Pascal. Ce bon abbé n'a semble-t-il pas les instruments culturels qui lui permettraient de comprendre ce qu'il dit. Commentant cet aphorisme de Pascal « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas. » qui signifie que l'homme n'obéit pas toujours à la raison raisonnante et qu'il y a chez l'homme une logique de la volonté que la raison est incapable d'exprimer, dont elle est incapable de rendre compte, il en déduit en y ajoutant que « l'ignorance est le siège de l'homme », ce qui signifie que l'homme connaît peu de choses (même celui qui possèderait toute la science humaine contemporaine resterait très ignoran), il en déduit Pascal est « agnostique »...

Pascal n'est évidemment pas agnostique ! Pascal est un réaliste (en ce sens que c'est la chose et non notre esprit qui mesure la vérité de notre connaissance), qui constate que notre esprit est fait pour la vérité et peut y accéder, mais que l'esprit humain fait pour la vérité est aussi sujet à l'ignorance. Pascal constate que l'esprit humain a des connaissances qui ne lui viennent pas de la raison (rares connaissances, mais non inexistantes), que contrairement à ce que prétend Descartes, la clarté des idées n'est  pas le critère de leur vérité, qu'il est des idées obscures vraies et des idées claires fausses. J'ai posté sur la question.

Voici par exemple ce Pascal écrit sur le doute, l'assurance, et la soumission de l'esprit.


« Il faut savoir douter où il faut, assurer où il faut, en se soumettant où il faut. Qui ne fait ainsi n'entend pas la force de la raison. Il y (en) a qui faillent contre ces trois principes, ou en assurant tout comme démonstratif, manque de se connaître en démonstration, ou en doutant de tout, manque de savoir où il faut se soumettre, ou en se soumettant en tout, manque de savoir où il faut juger. » 
La force de la prose de Pascal m'interdit le commentaire. Il dit en si peu de mots tant de choses et que faire sinon répéter ce qu'il dit ! Je vais donc tenter de paraphraser son texte : il faut parfois, en certaines matières, assurer à la suite de démonstrations, et en d'autres se soumettre en vue d'assurer. Ceux qui veulent tout démontrer (à mon avis c'est notamment Descartes qui est visé) ne comprennent pas l'essence de la démonstration, donc ses limites (quel reproche !). Ceux qui font profession de douter de tout, ne savent pas qu'il est des sujets où il faut se soumettre pour trouver la vérité, d'autre en revanche (les fidéistes) qui récusent les raisonnements et le doute et veulent tout soumettre à la foi pour trouver la certitude, alors que la raison doit parfois juger. J'ajouterais que la raison doit parfois juger la religion. 

Pascal n'est pas « agnostique », c'est-à-dire de ceux qui prétendent interdire certaines matières à la raison. Pascal, au contraire, est l'anti-agnostique, il dit oui, le raisonnement conduit à des certitudes que nous devons assurer, oui la foi conduit à des certitudes et il n'est ni raisonnable, ni rationnel de douter de tout, oui notre jugement doit critiquer nos croyances. J'ajoute, oui notre jugement doit critiquer nos croyances pour les purifier des affirmations contraires à la raison.

Gilson parle quelque part du "réaliste Pascal". Pascal, c'est l'anti-Descartes. Pascal c'est le philosophe chrétien dont la profondeur du génie et la remarquable sainteté de l'intelligence m'émeuvent aux larmes. Pascal est extraordinairement contemporain, il nous libère des torrents d'inepties que les prétendues "Lumières" ont déversés sur la civilisation (sans toutefois nier certains apports parfois fondamentaux). La fraîcheur de son intelligence libère de l'esclavagisme idéaliste, rationaliste, fidéiste. Comme un enfant, il dit : "le roi est nu." Les demi-savants du XIXe siècle ont voulu se l'annexer et à mon avis le bon abbé est victime de ces élucubrations semi-savantes sur l'"agnosticisme de Pascal". Mais comme un chrétien libre, Pascal échappe et leur échappera toujours aux semi-savants.

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