29.10.08

Daguesseau (Limoges 1668 Paris 1751) parle des magistrats de son temps.

Avoir de l'esprit n'est plus une ambition aujourd'hui. A l'époque de la culture française (jusqu'avant la guerre de quatorze environ) cela avait une certaine importance. Il ne fallait pas abuser de l'esprit, mais il servait à l'occasion. Aujourd'hui dans les jugements on mord, on déchire sans retenue ; après être monté sur ses grands chevaux, on maudit ; et souvent cette lourde agressivité s'exerce à l'encontre des innocents.

Ce passage de d'Aguesseau, grand magistrat, homme politique et écrivain de son temps nous fait songer à ce monde culturel français aujourd'hui presque disparu :

« Qu’est-ce que cet esprit dont tant de jeunes magistrats se flattent vainement ? Penser peu, parler de tout, ne douter de rien ; n’habiter que les dehors de son âme, et ne cultiver que la superficie de son esprit ; s’exprimer heureusement, avoir un tour d’imagination agréable, une conversation légère et délicate, et savoir plaire sans savoir se faire estimer ; être né avec le talent équivoque d’une conception prompte, et se croire par là au-dessus de la réflexion ; voler d’objets en objets sans en approfondir aucun, cueillir rapidement toutes les fleurs et ne donner jamais aux fruits le temps de parvenir à leur maturité : c’est une faible peinture de ce qu’il plaît à notre siècle d’honorer du nom d’esprit. » Daguesseau cité par l'abbé Vincent " Théorie de la composition littéraire 1916

« Etre né avec le talent équivoque d’une conception prompte, et se croire par là au-dessus de la réflexion », « ne douter de rien » voilà des traits qui caractérisent encore aujourd’hui les jeunes et même les vieux magistrats.

Les esprits des magistrats sont encore pollués par le positivisme et le relativisme qui ne vont pas sans le cynisme qui s’en suit. Cela est nouveau. Aussi nos magistrats français de ce début de vingt et unième siècle n’ont-ils ni esprit, ni réflexion et leurs mobiles sont de « vouloir plaire » mais ils ne parviennent pas à « se faire estimer »

La situation n’est pas plus brillante qu’au XVIIIème siècle, elle a même empiré sous l'influence de la brutalité et des idéologies ; lesquelles ont oblitéré la pensée personnelle en offrant aux magistrats (et aux autres) un « prêt à penser » quasi obligatoire sous la menace terrorisante de proférer une pensée incorrecte ou de s'éloigner du groupe.

Aucun commentaire: