6.12.12

Nous ne pouvons faire l'économie de l'amitié universelle

La lettre de « Paix liturgique » revient sur le livre de monsieur Robert de Mattei « La dictature du relativisme ».

Le titre du livre est repris d'une expression de l'alors cardinal Ratzinger. Cette phrase est la conclusion d'un historique de la pensée européenne dans le courant qui s'est détaché de l'évangile, parfois en croyant lui être plus fidèle.

Il faut probablement en revenir à la définition d'animal raisonnable donc capable de vérité donnée à l'homme comme donné de fait. Il faut aussi y ajouter cet autre fait : que nous avons été mystérieusement "jetés" (1) sur la terre. C'est la base. Si l'on part de plus loin, on fera abstraction de la base et l'on divaguera immanquablement.

Voici ce que « Paix liturgique » retient du livre de monsieur de Mattei :


« La société moderne semble bien s’être construite contre le christianisme, ou plutôt contre la chrétienté.  (…) L’Église a contre elle la mentalité ambiante et les grandes institutions supranationales comme l’ONU (impuissante pour maintenir la paix, elle s’est érigée comme la promotrice des nouveaux « droits » de l’homme, c'est-à-dire de la justification des comportements les plus aberrants, cf. pp. 45-56) et l’Union européenne (cf. le débat autour de la Constitution européenne relaté pp. 57-67 et l’étude de ses soubassements idéologiques), elles-mêmes soumises aux lobbys puissants qui militent en faveur du mariage homosexuel, de la légalisation de l’avortement ou de la destruction de la cellule familiale. La Cour de Justice européenne est devenue le pouvoir suprême dans l’Europe (ses décisions prévalent sur le droit constitutionnel des États) et elle est au service de l’application des droits humains tels qu’ils sont maintenant définis et défendus. Sa mission particulière est bien de lutter contre toutes les formes de discriminations provoquant ainsi « un tremblement de terre juridique » (Georges Berthu, cité p. 91). »


Ce qui n'est pas exact, c'est de croire que la "Cour de justice européenne" tout comme l'ONU sont hostiles à l'Eglise . La preuve, c'est que de nombreuses décisions de ces institutions sont conformes à la vérité, même si d'autres sont plus discutables. Mais ce qui est miraculeux est l'échec fréquent des relativistes dans ces institutions.

Ce que les papes ont fait depuis pratiquement deux siècles, au début avec difficulté et avec retard (l'abbé Meslier a écrit au début du XVIIIe siècle, Descartes au début du XVIIe…), c'est de répondre à la révolution intellectuelle. Le mouvement papal s'est accéléré à partir de Léon XIII. Il n'a pas été sans erreurs. Celle de Paul VI imposant avec violence en compagnie de son épiscopat les idées agressives et injustes du "mouvement liturgique" a été une affreuse injustice, contraire à la liberté religieuse et a donné des fruits très mitigés (il ne faut pas nier certains aspects positifs des nouveaux missels… lorsqu'ils sont respectés). La communion dans la main reste une horreur qui fait frissonner d'effroi.

Mais le travail qui a donné la "Doctrine sociale de l'Eglise" doit nous remplir de joie. Le fruit de ce travail doit être exploité par l'étude, qui elle-même suppose une culture préalable, notamment en métaphysique et en logique préalable minimum. (2)

Ce travail montre que bien plutôt que la méchanceté, c'est l'ignorance qui fait l'indifférence ou l'agressivité à l'égard de la doctrine chrétienne.

On ne pourra donc se débarrasser des objections émises par les révolutionnaires en disant "ils sont méchants, ils sont inspirés par le diable." Le travail d'étude de ces idéologies à la lumière de la doctrine sociale est nécessaire. Il en sortira un esprit apaisé.

Car à mon avis, le problème posé à la société aujourd'hui l'est autant par les relativistes que par les "traditionalistes". Si les révolutionnaires n'ont en face de leurs idéologies que des objections du genre de "vous êtes méchants, vous êtes inspirés par le diable" ou, pire sans doute, des objections inopérantes. Ils se verront comme des gens raisonnables, eux.

Donc en premier lieu travailler, étudier y compris les idéologies. Ensuite présenter des objections aux idéologies. L'idéologie de la "non-discrimination" tente de "fonder" des droits naturels inexistants. C'est vrai. Mais il me semble bien plus nécessaire de montrer ce qui est juste et ce qui est faux dans cette idéologie que de se mettre en colère contre la Cour européenne des droits de l'homme et le journal "Le Monde".

Nous sommes tous "embarqués", nous avons tous été "jetés", les bons comme les méchants (et Jésus nous demande de ne pas juger), nous sommes tous solidaires, nous cherchons tous le bonheur (3), nous cherchons tous la vérité. Et ne croyez pas avoir fait un pas dans l'humilité, si vous ne vous croyez pas le plus indigne.

Nous ne ferons pas l'économie de l'étude ni de l'amitié universelle.


(1) Pascal écrit "Notre âme est jetée dans le corps" 

(2) L'ouvrage de monsieur Thibaudeau sur la logique me semble indispensable. Les ouvrages de Jacques Maritain et d'Etienne Gilson sont aussi une propédeutique très utile.

(3) « Tous les hommes recherchent d'être heureux. Cela est sans exception, quelques différents moyens qu'ils y emploient. Ils tendent tous à ce but. Ce qui fait que les uns vont à la guerre et que les autres n'y vont pas est ce même désir qui est dans tous les deux accompagné de différentes vues. La volonté fait jamais la moindre démarche que vers cet objet. C'est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre. » Pascal "Pensées" 128-145 seconde partie

Ce que l'on peut résumer en cette sentence « Tout le monde cherche le bonheur… jusqu'à ceux qui vont se pendre. » (Je ne sais plus où j'ai lu cette sentence) Vérité tragique !

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