Tous deux sont des catholiques qui ne sont pas révoltés, ils sont finalement dans la ligne de ce qu'ils ont appris.
On m'objectera que l'abbé Meslier voyait dans l'Eglise une vaste mystification à laquelle seuls les imbéciles croyaient. On en conclut hâtivement qu'il était révolté. Révolté, il l'était certainement contre la société laïque de son temps, contre les puissants, contre les nobles, oui. Mais dans son œuvre il n'y a pas de révolte contre ce qu'il avait appris au séminaire. Je n'y ai vu aucune déclaration de haine contre ses maîtres. Très probablement, il a puisé ses idées dans sa formation. Son évêque ne l'a jamais ennuyé, il était curé de deux paroisses rurales pendant des dizaines d'années et n'a jamais subi aucune sanction. Ses deux meilleurs amis étaient prêtres. Les sites anarchistes tiennent absolument à le faire passer pour révolté persécuté par l'autorité ecclésiastique, qu'on l'aurait enterré dans son jardin parce que l'Eglise n'en voulait pas, même mort… En réalité, il semble qu'il a été enterré dans le jardin du presbytère à sa demande…
Il en est de même à propos de madame Duflot qui a donné une interview au journal "La Vie" (anciennement "La Vie catholique").
Elle y déclare (lien vers un site "écologiste", car "La Vie" a supprimé l'interview de son site)
La Vie : Qu’est-ce que vous avez gardé de ce parcours [ A la Jeunesse ouvrière chrétienne ]?Cécile : D’abord des valeurs : l’expression « catho de gauche », je l’associe à la solidarité, au partage, à l’éthique de responsabilité. J’ai aussi conservé un attachement au dialogue interreligieux, l’absence d’une vérité absolue, le goût d’un apprentissage de la différence. Enfin, je garde le souvenir d’une vraie joie de vivre.
(...)
C'est donc bien dans l'Eglise et sous le regard de l'évêque que madame Duflot a appris qu'il n'y avait pas de vérité absolue que tout était relatif et que, dans le fond, tout est dans la différence qu'il faut expérimenter (si l'on veut trouver un sens intelligible à "apprentissage de la différence"). Ce qui est l'expression d'un relativisme ("tout est relatif") modéré par un empirisme (ce qui, curieusement, apparente sa pensée à celle de Maurras, même si Maurras allait trouver la vérité dans l'expérience collective, la société historique - doctrine inspirée du positivisme - et madame Duflot dans l'expérience individuelle).
Il y aurait une histoire du communisme athée à écrire. Je pense qu'elle prendrait racine dans les milieux catholiques français et sous le regard d'un certain épiscopat. L'histoire de l'abbé Jean Meslier en est un premier témoignage. L'abbé Meslier (1664-1729) est bien antérieur à Marx (1818 - 1883), soient cinq générations environ. Pourtant leurs pensées sont analogues sur beaucoup de points. L'œuvre de l'abbé Meslier a certainement fait partie de la culture de Marx. On peut penser aussi au plaidoyer pour la pilule de l'épiscopat, désavouant publiquement mais hypocritement l'encyclique de Paul VI humanæ vitæ (25 juillet 1968), sans réaction de la papauté. On peut se documenter sur cet épisode sur le site "Salve Regina".
Les évêques restent les évêques ; en 2012 il y en a de saints. Il y a eu, il y a de saints prêtres, de saintes religieuses françaises, c'est une vérité historique. Ils ont foi en Jésus-Christ et en son Eglise. Mais cette vérité doit être agencées avec cette autre vérité historique d'une partie du clergé catholique français athée et relativiste. Il faudrait, bien sûr, ajouter que ce n'est pas parce qu'il y a un clergé relativiste (actuellement dominant) que les catholiques sont des saints… C'est encore une autre histoire.
Lorsque l'on écrit en matière d'histoire sociale on doit garder à l'esprit que la réalité est nécessairement plus subtile que nos classifications intellectuelles.
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