La liturgie fut fixée une fois pour toutes, devenant ainsi une image encroûtée et perdant d’autant plus le contact avec la piété concrète des fidèles qu’on veillait davantage à l’intangibilité des ses formes extérieures. Pour s’en rendre compte, il suffit de rappeler qu’aucun des saints de la Contre Réforme catholique ne parvint à nourrir sa spiritualité de la liturgie. Un saint Ignace de Loyola, une sainte Thérèse d’Avila, un saint Jean de la Croix ont bâti leur spiritualité à côté de la liturgie, sans lien profond avec elle, essentiellement par une rencontre personnelle avec Dieu et par leur expérience individuelle de l’Eglise.L’époque baroque s’en tira grâce à une paraliturgie populaire qui prospéra à partir de la liturgie authentique mais fossilisée. Par l’éclat de ses représentations orchestrales, la messe solennelle baroque tourna à l’opéra sacré où les parties chantées par le prêtre avaient leur place à l’instar des récitatifs. L’ensemble apparaissait comme une solennelle élévation du cœur, comme une fête magnifique pour l’oreille ou pour l’œil. Aux jours ordinaires où de telles magnificences n’avaient pas lieu d’être, la messe était recouverte d’une multitude de dévotions qui correspondaient à la mentalité du peuple. Il suffit de rappeler que Léon XIII recommanda la récitation du Rosaire pendant la messe.
Ce texte étonnant ne fait que reprendre les arguments du "mouvement liturgique" devenu fanatiquement hostile à la liturgie romaine. Ce mouvement liturgique que saint Pie X encouragea. L'idée principale à la base de ce mouvement est qu'il faut encourager et faciliter la participation des fidèles aux prières officielles de l'Eglise. Le texte du cardinal semble bien avoir été inspiré par les idées de Dom Lambert Baudoin, un des principaux membre de ce mouvement.
Peut-être que si le peuple et le clergé veillait à l'intangibilité des rites c'était parce que l'on croyait que ces rites venaient du fond des âges et exprimaient une foi. Est-il vrai que les fidèles admiraient plus qu'ils ne participaient personnellement ? Qui peut se flatter de le savoir, mais je ne le crois pas, lire ici une citation de Chateaubriand à propos de la messe ?
En tous cas, cette liturgie qui enflamme les critiques du futur pape a donné lieu à une culture que personne ne peut détruire sous prétexte de spiritualité. La liberté de conscience et la liberté de la culture populaire s'opposent à ce que le clergé veuille imposer la destruction de cette culture religieuse. Il n'y avait aucune faute morale dans cette forme de culture. La mise en musique par de grands compositeurs (Bach, Mozart, Rossini etc.) permettait d'ailleurs la méditation des textes et est aussi la preuve que le peuple participait. Si un pape comme Léon XIII a pu recommander la récitation du chapelet pendant la messe, personne ne peut condamner cette recommandation au nom de la morale, c'est la liberté des peuples et des individus de le faire et de continuer à le faire. Ce que je peux dire aussi, c'est que la messe et la liturgie étaient populaires et respectées par le peuple dont les fils participaient à cette action majestueuse et divine (les mamans participaient par leurs fils). Certaines vocations sacerdotales étaient d'ailleurs motivées uniquement par l'attrait de la beauté liturgique, par l'art religieux catholique. Les pauvres eux-même pouvaient, gratuitement, vivre pendant le temps de la liturgie dans le grand luxe et une beauté fascinante que leurs ancêtres avaient, eux aussi, connues.
En tous cas ce texte confirme que, contrairement à ce que l'on répète, le Pape actuel est très hostile à la culture religieuse romaine, européenne et universelle classique. (Il a tenté d'interdire la liturgie traditionnelle par son motu proprio en s'inventant un titre à le faire. Son titre prétendu c'était que les fidèles qui avaient accepté "volontiers" le nouveau rite, ce qui est contraire à la vérité. En réalité, la destruction de la liturgie a souvent été imposée par la terreur).
Ce que les fanatiques de la participation active du peuple à la liturgie, peuple considéré comme inculte, le peuple est une sorte de tabula rasa, n'ont pas aperçu, c'est qu'en promouvant avec menaces et violences leur liturgie explicatrice, claire, appauvrie, et en voulant détruire la culture incarnée dans l'art, entre autres, de l'agencement et de la décoration des églises et de la musique, à l'existence d'une langue sacrée difficile, ils s'en prenaient à un droit du peuple, au droit du peuple à sa culture presque deux fois millénaire. Ils ont donc été très surpris de la résistance que le peuple leur a opposée dans certains endroits. Ils s'attendaient à de l'enthousiasme alors que beaucoup leur ont tourné le dos jusqu'à ce que des diocèses soient, aujourd'hui en voie de disparaitre (en France notamment) et que la religion catholique devienne en France presque minoritaire…
Lorsque des fanatiques, pour satisfaire leur monomanie, veulent ravir sa liberté et ses richesses à un peuple, certains individus et groupes d'individus s'en aperçoivent. Ce n'était pas prévu au programme du "Mouvement liturgique".
Lorsque des fanatiques, pour satisfaire leur monomanie, veulent ravir sa liberté et ses richesses à un peuple, certains individus et groupes d'individus s'en aperçoivent. Ce n'était pas prévu au programme du "Mouvement liturgique".
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