Lu sur Media-presse-info une interview de l'abbé Pagès datée du 24 décembre 2016 :
« Dernière question: que pensez-vous de la liberté religieuse tolérée par l’Eglise actuellement? Ne va-t-elle pas à l’encontre du message du Christ ?
Je pense que personne ne peut remettre en question l’enseignement traditionnel de l’Église à l’égard de la liberté religieuse, que quelques papes ont ainsi formulé : « Quelle mort plus funeste pour les âmes, que la liberté de l’erreur ! » disait saint Augustin.(Grégoire XVI, Mirari vos) » ; « Il s’en trouve beaucoup aujourd’hui pour oser enseigner que le meilleur régime politique et le progrès de la vie civile exigent absolument que la société humaine soit constituée et gouvernée sans plus tenir compte de la Religion que si elle n’existait pas, ou du moins sans faire aucune différence entre la vraie et les fausses religions. (Pie IX, Quanta cura, n°5) ; (…) La liberté religieuse dont a parlé le dernier concile signifie le droit pour tout homme de chercher la vérité, non celui de croire et enseigner l’erreur. (…) »
La liberté religieuse n'est pas une tolérance, c'est un droit fondamental de l'homme donné directement par Dieu à tout homme dès sa conception et jusqu'à sa mort.
Bien sûr que l'homme a le droit d'enseigner l'erreur. Il existe d'ailleurs un droit à faire le mal (sous certaines conditions et dans une certaine limite, la limite notamment de l'ordre public). Sur ce blog je l'ai écrit à la suite de l'enseignement de Pie XII sur la question. Il existe un droit de mentir joyeusement (faire une plaisanterie idiote). Il existe un droit d'enseigner des erreurs (sinon l'abbé devrait se taire). Il existe un droit de perdre son temps. Il existe un droit de penser à une mauvaise action. Il existe un droit de flirter entre personnes non-mariés et même le droit de forniquer. Pourtant tous ces droits portent sur des actions moralement condamnables.
Cette affirmation choque beaucoup parce qu'on a l'habitude de penser: droit = bien, non-droit = mal. Mais le droit est une notion sociale. Or la société ne pénètre pas partout. Le droit n'appréhende pas tout. Il n'est pas autorisé à tout appréhender. Donc, il existe un droit à faire (un certain) mal.
Il existe donc un droit à enseigner l'erreur. D'ailleurs qui décidera de ce qu'est l'erreur ou la vérité en matière de foi ? Personne à part le pape si on veut bien l'écouter. Mais les autorités civiles n'ont aucune compétence sur ce sujet. Évidemment.
Alors (re)lisons Dignitatis humanæ (préambule):
« (…) Or, puisque la liberté religieuse, que revendique l’homme dans l’accomplissement de son devoir de rendre un culte à Dieu, concerne l’exemption de contrainte dans la société civile, elle ne porte aucun préjudice à la doctrine catholique traditionnelle au sujet du devoir moral de l’homme et des sociétés à l’égard de la vraie religion et de l’unique Église du Christ. (…) »
Donc la Déclaration dans son préambule opère une distinction fondamentale:
- société civile (donc droit civil)
- devoir moral (donc devoir moral, pas juridique)
Ainsi j'ai le devoir civil de payer mes impôts sous peine de sanctions civiles. Mais j'ai le devoir moral de montrer ma reconnaissance à mon bienfaiteur. Mais rien ne m'y oblige juridiquement.
De même les individus et les sociétés doivent moralement, proclamer le Christ-Roi (dans le respect des droits de l'homme et de l'ordre public laïc), mais rien ne doit les y obliger juridiquement. À tout instant, ils ont le droit de ne plus reconnaître le Christ-Roi. Même si l'obligation morale subsiste...
Faute de remarquer cette distinction, on continuera de ne rien comprendre à la question. On continuera de s'en s'apercevoir de l'incohérence de son propre discours confondant les matières. On mettra ainsi en contradiction des textes qui s'accordent parfaitement.
Il y a au moins deux distinctions nécessaires préalables à tout discours sur ce sujet: 1) faculté et obligation d'une part et 2) morale et droit d'autre part. Il faudrait encore distinguer ce qui est juridiquement d'ordre public (obligatoire) pour le législateur, pour le sujet de la loi et ce qui est moralement obligatoire et ce qui est moralement possible. Ce ne serait d'ailleurs que le début des distinctions...
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