16.1.15

Apologie d'acte de terrorisme: un droit qui bafoue les droits de l'homme


Le nouveau code pénal de 1993 a remplacé l'ancien code pénal de 1810.

Autant l'ancien code pénal s'efforçait-il d'être clair, autant le code pénal de 1993 est-il souvent obscur et d'accès difficile. Ce qui bafoue les droits de l'homme.

Voici pourquoi:

La société est instituée pour le bien de tous. Or la loi pénale prévoit les cas dans lesquels la société peut infliger une peine. Ce qui est normalement contraire au but pour lequel la société est voulue de Dieu (la société est instituée pour l'entr'aide). En conséquence, la loi pénale, toute loi pénale est une loi d'exception. Elle doit donc être claire et ne viser que les cas où l'intervention du juge répressif est nécessaire, socialement nécessaire et même dans ce cadre du nécessaire, son application cède devant la nécessité plus pressante de principes tels que la présomption d’innocence et le caractère d’exception du droit pénal.

La loi doit observer des règles que la raison universelle de l’homme lui impose, faute quoi, elle n’est une authentique loi. En conséquence toute infraction doit être définie par la loi, c'est ce que les pénalistes appellent l'élément légal. 

Une définition est une formule brève de deux ou trois lignes.

Vous pouvez lire la définition pénale de l'"acte de terrorisme" de l'article 421-1 du code pénal dans sa rédaction de novembre 2014 sous le lien ci-dessus.

Voici un extrait de la définition que donne la loi de l’infraction de « terrorisme » :

« Constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes :(…)4° Les infractions en matière d'armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par les articles 322-6-1 et 322-11-1 du présent code, le I de l'article L. 1333-9, les articles L. 1333-11 et L. 1333-13-2, le II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4, les articles L. 1333-13-6, L. 2339-2, L. 2339-14, L. 2339-16, L. 2341-1, L. 2341-4, L. 2341-5, L. 2342-57 à L. 2342-62, L. 2353-4, le 1° de l'article L. 2353-5 et l'article L. 2353-13 du code de la défense, ainsi que les articles L. 317-4, L. 317-7 et L. 317-8 à l'exception des armes de la catégorie D définies par décret en Conseil d'Etat, du code de la sécurité intérieure ; »

Quelle dérision ! (1)



Aux termes de cette « loi », la définition du terme complexe "acte de terrorisme" est scindée en deux, une « définition » d’ambiance suivie d’une liste d’infractions matériellement identifiables.

I

D'abord, nous avons une partie de la "définition" qui tient en deux lignes et donne l’ambiance. Au lieu d’actes précis, nous avons des termes flous ("en relation", "terreur", "entreprise" etc.) qui ne caractérisent aucun fait précis. La  « loi » se fait maître en sociologie, elle décrit une ambiance dans laquelle l’acte répréhensible devient plus répréhensible. Or on ne peut imputer à faute pénale à une personne qu'un acte dépendant strictement de l'auteur. Ici l’élément constitutif de l’infraction dépendra de circonstances indépendantes de la volonté de l’auteur. Ce seront surtout les médias qui établiront qu’il y a du « terrorisme », qu’il s’agit d’une « entreprise » (éventuellement entreprise unipersonnelle de terrorisme) en vue d’établir la « terreur ». Autrement dit la propagande d’État sera un élément constitutif de l’infraction. Ainsi par exemple dans l’affaire Charlie-Hebdo, c’est la vérité des médias qui accuse Coulibaly d’avoir voulu exercer, à lui tout seul ou presque, la « terreur ». C’est pourquoi dire « je suis Charlie Coulibaly » est constitutif d’apologie du terrorisme, même si Coulibaly n’a jamais été jugé et qu’il est mort présumé innocent. Un des éléments matériels de l’infraction est à aller chercher dans les rumeurs, dans les sentiments exprimés par les médias officieux. Ces rumeurs font partie de la matérialité de l’infraction. Sans articles de journaux, pas d'infraction.

En outre, cette infraction appréhende les mobiles de l'auteur de l'infraction : « ayant pour but ». Or les mobiles psychologiques ne peuvent entrer dans la définition d'une infraction. Par exemple si je met le feu à une voiture dans le but d'intimider un rival dans une love affair, je ne commets pas un acte de terrorisme. Pourtant, je trouble gravement l'ordre public que ce soit mon but ou non. Si je mets le feu à une voiture dans le but de faire peur à la population, je trouble aussi l'ordre public, mais je pense, moi, que c'est pour rétablir l'ordre public, par hypothèse et selon moi, troublé par le gouvernement. L'acte est le même: incendie volontaire. D'ailleurs si je veux passer pour un héros auprès de la femme que j'aime, je pourrais prétendre avoir agi dans un but religieux en accusant mon rival d'être un mécréant. À l'inverse si j'agis dans un but politique pour échapper à la circonstance aggravante de mobile idéologique (car c'est de cela qu'il s'agit), je pourrais prétendre que j'ai mis le feu pour intimider mon rival, mais que je me suis trompé de voiture. Ces exemples prouvent que les mobiles sont par nature inconnaissables et que leur incrimination invalide la « loi » répressive. Les mobiles ne peuvent être que probables. Nous ne sondons pas les reins et les cœurs (seul Dieu le fait). Les mobiles ne peuvent donc entrer dans la définition légale d'une infraction.

Or comme la définition de l'infraction de "terrorisme" comprend les mobiles psychologiques, elle est inconstitutionnelle par violation de l'article 7 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

En effet, la Déclaration des droits de l'homme de 1789 (article 7 première phrase) dispose :

« Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la Loi, (...) »

Mais la loi, pour pouvoir être qualifiée de loi, doit correspondre à la définition de la loi. La loi n'est pas n'importe quel texte qualifié de loi par le législateur. Il faut encore qu'elle satisfasse aux exigences de la raison universelle de l'homme.

II 

La seconde partie de la définition légale, c'est la liste, dans mon post partielle, des infractions qui font partie du délit complexe de "terrorisme". Il est nécessaire d'avoir commis au moins une de ces infractions pour que l'infraction de "terrorisme" puisse être constituée si l’infraction primaire entre dans les prévisions du premier paragraphe.

La lecture de l'article 421-1 du code pénal suggère que le législateur se moque des citoyens. 

La définition de l'infraction s'étend sur plusieurs pages puisque chaque référence à un autre article de loi est une référence à un texte qui comporte plusieurs lignes. En outre ces pages ne figurent pas dans la définition originelle... ce qui oblige à un travail de recherche pour le lecteur anxieux de connaître ce que le gouvernement pourrait lui reprocher.

Comme cette « loi » est contraire aux droits de l'homme, une magistrature digne de ce nom relaxerait les individus poursuivis sur le "fondement" de ce texte, qui bafoue la raison.


Envisageons maintenant la nouvelle infraction d'apologie d'acte de terrorisme. L'agencement de ces infractions entre infractions primaires (assassinat, vol, incendie volontaire), infraction secondaire de "terrorisme" qui aggrave la répression par contextualisation, infraction tertiaire d'apologie d'acte de terrorisme évoque une poupée russe législative: une série d'infractions est insérée dans la définition du "terrorisme" et l'infraction de terrorisme est insérée dans la définition du délit de « apologie du terrorisme ». 

L'apologie d'acte de terrorisme incriminée par l'article 421-2-5 du code pénal se compliquera de la définition du mot "apologie": nous aurons donc 1) la définition d'ambiance contextuelle première partie de la définition de l'«acte de terrorisme » 2) la liste des crimes et délits spéciaux et chacune de leurs dizaines de définitions: nous auront alors « défini » l'« acte de terrorisme » une fois cette définition acquise nous auront à 3) définir l'« apologie ». Nous aurons alors la définition exhaustive de l'infraction d'« apologie de l'acte de terrorisme ». Elle peut tenir sur des dizaines de pages et forme l’élément « légal » d’un seul délit. (2)

Nous sommes en présence d'une sorte de jeu intellectuel, impénétrable au commun des hommes.

Ce jeu bafoue la nature du droit pénal. Le droit pénal doit être très ferme, très clair, très simple dans ses définitions légales, s'il ne l'est plus, il n'est plus un droit, mais un méchant texte, un texte pervers (pervers parce qu'il permet "légalement" de faire du mal à des innocents ou d'aggraver arbitrairement les peines de coupables).

La France n'est pas un État de droit. Son droit n'est plus du droit, c'est un genre littéraire nouveau  au service d'une arbitraire répression politique et religieuse. Nous nous enfonçons dans la barbarie.

Ceux, législateurs, commentateurs, acteurs judiciaires qui collaborent à la mise en œuvre de ces textes seront difficilement jugés exempts de fautes morales d'une gravité exceptionnelle. Qu'ils songent qu'ils seront un jour jugés par le Dieu qu'aucun mensonge ne trompe.

(1) Une Convention internationale pour la prévention et la répression du terrorisme du 16 novembre 1937 est consultable ici ; La définition du "terrorisme" tient en environ 10 lignes. Cette Convention était conclue sous l'égide de la Société des Nations. Mise en ligne aujourd'hui par les Nations unies. 

(2) Passons sur le fait que ce nouveau délit est extrait du droit de la presse pour être inséré dans le code pénal (droit commun). Ce qui est très grave mais que je ne peux commenter pour l'instant dans le cadre de ce post.

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