29.4.13

À l'abbé Laguérie, sur la liberté religieuse



On lit sur le blog de l'abbé Laguérie à propos de la liberté religieuse :
b) La médiation universelle de la conscience. Toute loi morale, toute vérité qui vient aux hommes doit évidemment passer par le jugement de la conscience de chaque homme. Nul n’en disconvient et surtout pas St Thomas d’Aquin. Mais ce n’est pas dire pour autant qu’à défaut d’un jugement correct l’homme ne serait plus soumis à la vérité ni à la morale. Et que les données externes de la Révélation et même du droit naturel perdraient auprès de lui leur caractère contraignant. Ces données externes s’imposent précisément à la conscience elle-même. Il y a là une conception tout à fait erronée de la conscience, celle-ci n’est pas une recomposition subjective du paysage intellectuel mais un jugement de l’intelligence qui se soumet au réel ontologique auquel appartiennent évidemment la vérité et la loi de Dieu. L’homme qui ne s’y soumet pas pèche contre sa conscience, tout simplement. C’est cette conception erronée de la conscience qui induit ce fameux droit à la liberté religieuse, fondée sur la structure métaphysique de l’homme (sa dignité) puisqu’aucune loi extérieure ne saurait lui être imposée du dehors, si ce n’est dans de justes limites (pourquoi ?) du bien commun ( ?).

Clocher de l'église de Desertes
Pour comprendre "les limites du bien commun" : lire l'article 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

La conscience, pour être un jugement de l'homme, homme par nature rationnel, n'en est pas moins sujette de la raison universelle de l'homme, sinon elle n'est plus un jugement, mais un jugement erroné.

La liberté religieuse, donc la liberté d'adhérer à une croyance, témoigne de la transcendance de la destinée humaine. Elle est une donnée juridique de droit naturel. La liberté religieuse est une notion juridique qui témoigne de l'ultime frontière entre la rationalité et la croyance. Elle n'a rien à voir avec la notion de "conscience". L'une est une donnée strictement individuelle (ou, plus précisément, personnelle puisqu'il s'agit de l'être humain), l'autre est une donnée juridique donc nécessairement sociale (1). La liberté religieuse est attribuée directement par Dieu à tout homme en raison de sa nature raisonnable. La raison universelle de l'homme ne peut juger la croyance, sauf en que la croyance serait, par hypothèse, contraire à la raison, raison ne l'oublions pas capable de vérité.

Les conséquences juridiques de cet enseignement se trouvent en particulier dans le génial article 30 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (10 décembre 1948). Les « justes limites » sont des limites rationnelles universelles. Ces données universelles sont signifiées dans l'ordre juridique universel par l'ordre public, point de repère central de la vie en société. L'ordre public ce n'est pas, comme le croient le droit administratif français et à sa suite le droit pénal, l'ordre dans la rue (sécurité, tranquillité, hygiène), ce sont des valeurs bien plus élevées dont les valeurs de sécurité, tranquillité, hygiène ne sont que des applications. Les valeurs d'ordre public ce sont : justice, vérité, droits de l'homme (donc devoir de l'homme). (Voir sur mon blog différents post sur l'ordre public)

C'est ce qu'enseigne la Déclaration Dignitatis humanæ à la suite de saint Pie X. C'est donc dans l'être même de l'homme que se trouve cette liberté.

La contrainte qu'exerce l'ordre public et que mettent œuvre, normalement (2), les autorités est donc fondée sur la raison universelle de l'homme fondant l'ordre public, et ne peut invoquer aucune foi au monde, même pas la catholique. C'est pourquoi la liberté religieuse s'exerce même contre ceux qui par hypothèse invoqueraient la foi catholique. Cette liberté s'exerce dans de justes limites qui sont l'ordre public et le bien commun (vérité, justice, droits universels de l'homme).

L'abbé Laguérie pourrait méditer sur les valeurs respectives de la foi et de la raison et leurs domaines respectifs, la différence entre ordre individuel et ordre social, les connaissances venant de la raison et les connaissances venant de la foi etc. : voir Fides et ratio et sur d'autres textes également, dont ceux de Benoît XVI et du Concile Vatican II, voir aussi "Contra gentes" de saint Thomas d'Aquin... et d'autres textes fondamentaux.

(1) "Social" au sens le plus étendu du terme, c'est-à-dire mettant en relation au moins deux individus jusqu'à un nombre indéfini d'individus. L'ordre social se distingue alors de l'ordre individuel (ou plutôt personnel s'agissant d'humains).
(2) Sauf dans le cas de la "loi" Taubira, par exemple.

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