15.10.11

"Principe et fondement" les vrais et les faux

On le sait les "Exercices spirituels" de saint Ignace de Loyola sont une pomme de discorde entre intégristes purs et durs et gens de bon sens. Pour les uns, disciple du Très Révérend Père Vallet, c'est le nec plus ultra de tout, ils vont résoudre tous les problèmes avec les "Exercices". Ils sont le fondement de tout, y compris de la doctrine sociale, de la vie de famille etc. Ce n'est pas vrai.

Car ce petit livre spirituel est un livre spirituel qui traite de spiritualité.

Il est construit selon un plan précis. D'abord quelques "annotations" pour aider à profiter de ce livre. Ce livre est un guide pour deux personnes (celui qui "donne" les exercices et celui qui les "reçoit"), il est bon en conséquence de donner d'abord quelques règles, y compris de savoir-vivre. C'est ce que fait saint Ignace.

J'ai déjà dit sur ce blog, que les exercices en cinq jours en raison de la séparation entre le prédicateur qui donne et les exercitants qui reçoivent est une tromperie.

Puis viennent les "principe et fondement". Dans les exercices tels que je les ai reçus ou au moins perçus, ce paragraphe de "principe et fondement" se résumait à : "- chacun d'entre nous, individuellement, est appelé par Dieu à sauver son âme et pour cela il lui faut se détacher de toutes les créatures (sous-entendu, voire explicitement, y compris des créatures humaines)." La sainte indifférence, devient l'égoïsme spirituel absolu. C'est une sorte de darwinisme, de rousseauisme dans le fond (deux pensées apparentées). La spiritualité devient une horreur morale.

Mais voici le texte des "principe et fondement" tel que l'on peut les lire sur le site "Livres mystiques" :

"23 L'homme est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur, et, par ce moyen, sauver son âme. Et les autres choses qui sont sur la terre sont créées à cause de l'homme et pour l'aider dans la poursuite de la fin que Dieu lui a marquée en le créant. D'où il suit qu'il doit en faire usage autant qu'elles le conduisent vers sa fin, et qu'il doit s'en dégager autant qu'elles l'en détournent. Pour cela, il est nécessaire de nous rendre indifférents à l'égard de tous les objets créés, en tout ce qui est laissé au choix de notre libre arbitre et ne lui est pas défendu; en sorte que, de notre côté, nous ne voulions pas plus la santé que la maladie, les richesses que la pauvreté, l'honneur que le mépris, une longue vie qu'une vie courte, et ainsi de tout le reste; désirant et choisissant uniquement ce qui nous conduit plus sûrement à la fin pour laquelle nous sommes créés."

Ici le terme "homme" ne correspond pas au terme d'"individu humain". "Homme" c'est-à-dire l'ensemble de l'humanité, comme l'on dit les "droits de l'homme". Ce terme ne renvoie pas à une individualité, mais à un ensemble défini comme "animal raisonnable".

Dans ce cadre, le détachement n'est pas un détachement à l'égard du salut des autres hommes (certains sortent des exercices en cinq jours en disant : "- Que m'importe que ma femme et mes enfants se damnent, si je me sauve." Il n'est même pas seulement un détachement à l'égard de leurs saluts respectifs, mais un détachement à propos de leur bonheur, de leur souffrance et de toute leur vie d'ici-bas. Le fruit des exercice en cinq jours est la plupart du temps une indifférence totale à l'égard de l'humanité). Le détachement ne doit s'étendre qu'aux "objets" créés. Or l'homme (l'ensemble de l'humanité) n'est pas à proprement parler un objet, il est un sujet, car transcendant à l'égard de tout ce qui est créé, il n'est jamais "utile", il est digne. L'homme est d'ailleurs, il n'est pas d'ici. "- Une seule pensée de l'homme, vaut mieux que toute l'univers." disait saint Jean de la Croix. C'est pourquoi, je ne dois pas l'assimiler à "tous les objets créés", l'homme est un sujet. Le terme "tous les objets créés", ne désigne pas l'homme, car bien que créé, il n'est pas un "objet".

Les objets créés nous concernant personnellement sont la santé, la maladie, la vie courte, la vie longue, les richesses, la pauvreté etc. Le détachement à l'égard de ces objets n'anéantit pas le devoir moral de soigner sa santé et, pour les pères de famille notamment, de défendre leur patrimoine, d'aimer leur femme et leurs (éventuels) enfant. En général, il ne faut pas cultiver une antinomie entre spiritualité et morale. Elles doivent s'accorder. Ainsi, si malgré tous mes efforts raisonnables, d'injustes juges me spolient, je dois rester détaché intérieurement. Ainsi, si malgré les soins que j'y apporte ma santé se dégrade ou que, malgré ma prudence, un accident vient l'altérer, voire si je suis appelé dans l'autre monde, je dois être profondément détaché de tout cela, y compris de ma vie physique pour m'abandonner à la Providence. Mais, c'est, comme le dit le texte, cela me concerne personnellement, c'est "de mon côté". Car je dois avoir un soin raisonnable, par exemple, de ma santé, comme de celle des autres.

En ce qui concerne l'humanité en général et mon entourage en particulier, je dois les aimer comme moi-même et considérer leur vocation sublime qui est aussi la mienne et ne pas me détacher de leurs saluts, mais espérer pour eux (voir Spe salvi de Benoît XVI) et mettre tout en œuvre pour le leur faciliter. Je dois garder à l'esprit que mes semblables, comme moi, sommes appelés à une autre vocation que celle des bêtes sans raison, ou que celles des belles montagnes parfois dangereuses et que celle des océans beaux et effrayants. Je dois finalement me souvenir que "l'homme [- soit l'humanité -] est créé pour louer, honorer et servir Dieu, notre Seigneur, et, par ce moyen, sauver son âme" et que "l'homme", ce n'est pas moi tout seul. En décider autrement, mettre les exercices de saint Ignace à la sauce rousseauisto-darwiniste, comme je les ai perçus lorqu'ils m'ont été prêchés, ne peut que conduire à un désastre spirituel et moral et aussi social. Corruptio optimi, pesssima. La corruption du meilleur est la pire. Les exercices en cinq jours sont une des pires choses qui soient.

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