3.10.11

Adoption et kafala, droits universels de l'enfant

Un magistrat très critique à l'égard de ses collègues a écrit un article intéressant sur la perte de la notion de droits universels dans la jurisprudence française.

Dans cet article, j'extrais un exemple : celui de la Kafala (institution de droit musulman) qui ne crée aucun lien de filiation, mais permet le recueil d'un enfant en dehors de sa famille. Il n'y a pas d'adoption dans la plupart des pays musulmans laquelle, dans ces droits, est expressément interdite.

Ce magistrat signant "Justinien" critique ainsi la jurisprudence française :

"inscription de la khafala (impossibilité d’adoption selon la charia appliquée dans la quasi totalité des Etats à constitution théocratique – excepté la Turquie, et l’Indonésie) dans notre droit positif au mépris de la Convention Internationale des Droits de l’enfant (dont celui d’avoir une famille), voir l’article 370-3 du code civil et la jurisprudence en découlant…"
Ce magistrat fait probablement allusion à l'arrêt de la 1ère chambre civile de la cour de cassation du 25 février 2009. le pourvoi avait invoqué l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le principal "attendu" de cet arrêt de la Cour de cassation est ainsi formulé :

"Mais attendu qu’après avoir relevé que la règle de conflit de l’article 370-3, alinéa 2, du code civil, renvoyant à la loi personnelle de l’adopté, était conforme à la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, celle ci n’ayant vocation à s’appliquer qu’aux seuls enfants adoptables, excluant ceux dont le pays d’origine interdit l’adoption, c’est sans établir de différence de traitement au regard de la vie familiale de l’enfant et sans méconnaître le droit au respect de celle-ci, que la cour d’appel, constatant que l’article 46 du code de la famille algérien prohibe l’adoption mais autorise la kafala, a rejeté la requête en adoption, dès lors que la kafala est expressément reconnue par l’article 20, alinéa 3, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, comme préservant, au même titre que l’adoption, l’intérêt supérieur de celui-ci ; que le moyen ne peut être accueilli ;"

La cour de cassation considère que la Convention du 26 janvier 1990 sur les droits de l'enfant préserve la possibilité de la kafala. Elle en déduit que l'interdiction de l'adoption est conforme aux droits de l'enfant.

Plus curieusement encore, la Convention de La Haye de 1993 sur la protection de l'enfant et l'adoption internationale, également invoquée par la Cour, ne traite nullement de la kafala et ne peut donc valider l'article 370-3 du code civil qui, effectivement, donne indûment priorité aux lois positives du pays d'origine, sans considérer la violation de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Curieux "raisonnement" qui, prenant prétexte de l'approbation d'une institution, en déduit la validité de l'interdiction d'une autre, et qui donne à une disposition prohibitive arbitraire, une valeur supérieure aux intérêts supérieurs de l'enfant et à la liberté native de l'être humain, soient en définitive aux droits universels. Curieuse "justice".

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