10.11.11

Le Pape a-t-il prôné une autorité politique mondiale ?

Monsieur Sandro Magister tient un blog où il critique le dernier document publié par la conseil pontifical "Justice et paix". Il prétend que les autorités du Vatican auraient été indisposées par ce document selon lui non approuvé par le cardinal Tarcisio Bertone.

J'extrait ce passage de son article :


(...) ce qui a le plus irrité beaucoup de lecteurs compétents du document du conseil pontifical Justice et Paix, c’est qu’il est en contradiction flagrante avec l'encyclique "Caritas in veritate" de Benoît XVI.
Dans son encyclique, le pape Joseph Ratzinger ne fait pas du tout appel à une "autorité publique à compétence universelle" pour la politique et l’économie, c’est-à-dire à cette espèce de grand Léviathan, inventé on ne sait ni comment ni par qui, dont le document du 24 octobre parle si favorablement.
Dans "Caritas in veritate" le pape parle plus justement de “governance" (c’est-à-dire de réglementation, en latin "moderamen") de la mondialisation, à travers des institutions subsidiaires et polyarchiques. Cela n’a rien à voir avec un gouvernement monocratique du monde.

Or, ce que dit monsieur Magister est le contraite de ce qui est dit dans "Caritas in veritate". L'encyclique parle explicitement d'une autorité politique mondiale :

La mondialisation réclame certainement une autorité, puisque est en jeu le problème du bien commun qu’il faut poursuivre ensemble; cependant cette autorité devra être exercée de manière subsidiaire et polyarchique [138] pour, d’une part, ne pas porter atteinte à la liberté et, d’autre part, être concrètement efficace.

La philosophie chrétienne dit en effet que les éléments constitutifs de la société sont le bien commun (but de la société), une association d'humains, un statut constitutif, et une autorité. Le bien commun étant devenu mondial, il faut donc une autorité mondiale. Il est logique que à bien commun mondial corresponde la création d'une autorité politique mondiale, sinon ce bien mondial ne pourra être efficacement mis en œuvre.

Seulement le Pape demande que cette autorité soit "polyarchique". Il semble viser ici le renouvellement des autorités (la référence renvoie à l'encyclique "Pacem in terris" qui prône la rotation des autorités pour éviter leur vieillissement), à moins qu'il ne vise un gouvernement à plusieurs, par conseil. Selon l'encyclique, l'autorité doit aussi être subsidiaire, c'est-à-dire protectrice de la liberté des sociétés de degrés inférieurs. Elle ne devra donc pas absorber les autorités régionales ou nationales.

Dans un autre paragraphe (le n° 67), il assigne ses buts à cette autorité mondiale :

"Pour le gouvernement de l’économie mondiale, pour assainir les économies frappées par la crise, pour prévenir son aggravation et de plus grands déséquilibres, pour procéder à un souhaitable désarmement intégral, pour arriver à la sécurité alimentaire et à la paix, pour assurer la protection de l’environnement et pour réguler les flux migratoires, il est urgent que soit mise en place une véritable Autorité politique mondiale telle qu’elle a déjà été esquissée par mon Prédécesseur, le bienheureux Jean XXIII. Une telle Autorité devra être réglée par le droit, se conformer de manière cohérente aux principes de subsidiarité et de solidarité, être ordonnée à la réalisation du bien commun [147]s’engager pour la promotion d’un authentique développement humain intégral qui s’inspire des valeurs de l’amour et de la vérité. Cette Autorité devra en outre être reconnue par tous, jouir d’un pouvoir effectif pour assurer à chacun la sécurité, le respect de la justice et des droits [148]. Elle devra évidemment posséder la faculté de faire respecter ses décisions par les différentes parties, ainsi que les mesures coordonnées adoptées par les divers forums internationaux. (...) Le développement intégral des peuples et la collaboration internationale exigent que soit institué un degré supérieur d’organisation à l’échelle internationale de type subsidiaire pour la gouvernance de la mondialisation [149] et que soit finalement mis en place un ordre social conforme à l’ordre moral et au lien entre les sphères morale et sociale, entre le politique et la sphère économique et civile que prévoyait déjà le Statut des Nations Unies."

Donc le document du conseil pontifical sur la crise mondiale respecte l'esprit et la lettre de "Caritas in veritate" ou au moins il ne les viole pas celle-ci en réclamant une autorité mondiale. En conséquence, monsieur Magister, avec une vision "droitière" qui l'aveugle, ne semble pas bien posséder les sujets qu'il traite. Le Salon beige, quant à lui, une nouvelle fois retranscrit sans sourciller ces contre-vérités flagrantes. Il confirme involontairement ainsi qu'il mêle à d'immenses services, des positions partisanes qui le rendent peu fiable au moins dans certains cas.

Non, monsieur Magister, le Pape n'a pas parlé de "governance" ou de seule "réglementation", il a parlé d'une autorité, il a prôné une autorité mondiale subsidiaire, solidaire et polyarchique, certes, mais d'une autorité en chair et en os, et pas seulement d'une "réglementation".

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