« Cette remise en cause de notre pacte social est plus difficile à percevoir dans l'affaire Dieudonné. Les décisions ultimes prises par le Ministre de l'Intérieur sont pourtant lourdes de sens. Il a choisi de faire prévaloir une vision élastique du "trouble à l'ordre public", voire du trouble "potentiel", sur le principe, lui très solide, de la garantie de la liberté d'expression. Quel que soit le caractère abject des spectacles visés, cette démonstration de force porte en germe toutes les interdictions possibles, tout rassemblement de plus de trois personnes portant en lui la potentialité d'un "trouble à l'ordre public". Les veilleurs et manifestants de tout poil contre le mariage en ont quelques souvenirs, parfois musclés... Et pour couronner le tout, le Ministre de l'Intérieur déclare vouloir interdire désormais "tous les mots qui divisent la République" (sic). Ça pourrait en faire quelques-uns, et nous attendons la liste avec impatience. Potentiellement en tous cas, tout discours d'opposition au Gouvernement, toute critique du Chef de l'Etat ne peuvent-ils pas être regardés - par un œil certes peu bienveillant - comme des "mots qui divisent la République" ? Nous sommes ici bien plus dans un numéro de lyrisme mal assis que dans le maintien de l'ordre et le respect des libertés fondamentales. De là à considérer que nous sommes entrés dans la partialité et le parti pris, dans le seul but de bâillonner les opposants, il y a bien peu. (…) ? »
Monsieur Poisson n'a rien compris aux décisions des juges relativement à l'affaire Dieudonné. Il n'a pas compris que l'ordre public ce sont des valeurs sociales ainsi que l'a confessé le juge du Conseil d'État. L'ordre public ce sont donc les valeurs qui fondent la société: vérité, liberté, justice, droits de l'homme. En ce sens la jurisprudence de la formation de référé du Conseil d'État est valable.
Monsieur Poisson ne semble pas avoir compris non plus que le Préambule de la Constitution était appliqué par les juges et qu'il avait un côté d'ordre public ferme et clair. Ce Préambule, mêlé de vrai et de faux, permet de fragmenter l'humanité, certes, mais il la fragmente sous le seul rapport de l'histoire de la deuxième guerre mondiale seulement. Ce préambule viole les droits de l'homme au nom des droits de l'homme. C'est cela qui est inquiétant. Ce n'est pas la décision des juges. Aucun des risques que monsieur Poisson évoque n'est donc réel.
Pour en sortir prenons de la hauteur grâce au Compendium. La justice doit être inspirée par la miséricorde. Miséricorde à l'égard de tous (Compendium 204):
« 204 Entre les vertus dans leur ensemble, et en particulier entre les vertus, les valeurs sociales et la charité, il existe un lien très fort qui doit être toujours plus profondément reconnu. La charité, souvent réduite au domaine des relations de proximité, ou limitée aux seuls aspects subjectifs de l'agir pour l'autre, doit être reconsidérée selon sa valeur authentique de critère suprême et universel de l'éthique sociale tout entière. Parmi toutes les voies, y compris celles recherchées et parcourues pour affronter les formes toujours nouvelles de l'actuelle question sociale, la « meilleure de toutes » (1 Co 12, 31) est la voie tracée par la charité. »
Or le Préambule de la Constitution est un préambule sur le sujet de la deuxième guerre mondiale est un texte de haine et d'exclusion.
Notre droit d'ailleurs est en partie fondé sur la haine et l'exclusion. Par exemple par l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité dont on n'a pas commencé à constater combien elle est contraire à la justice, au droit à un procès équitable, combien elle fractionne l'humanité. Mais cela est encore une autre histoire...
Lisons par exemple l'accord de Londres du 8 août 1945 (à peu près au même moment où le gouvernement américain lançait des bombes atomiques sur le Japon - 6 et 9 août - massacrant des centaines de milliers de civils, bébés, enfants, femmes, malades...), accord conclu entre le Gouvernement provisoire de la République française (qui n'avait aucune légitimité démocratique) et, entre autres, le gouvernement de Staline.
« Considérant que la Déclaration publiée à Moscou le 30 octobre 1943 sur les atrocités allemandes en Europe occupée a spécifié que les officiers et les soldats allemands et les membres du parti nazi qui sont responsables d'atrocités et de crimes, ou qui ont pris volontairement part à leur accomplissement, seront renvoyés dans les pays où leurs forfaits abominables ont été perpétrés, afin qu'ils puissent être jugés et punis conformément aux lois de ces pays libérés et des Gouvernements libres qui y sont établis ; »
Peut-on ne pas voir que ce texte fragmente l'humanité en désignant une catégorie d'homme jugés criminels non par un jugement mais par un texte général les condamnant d'avance ? De plus ces textes fragmentent l'humanité puisqu'ils sont rédigés par les ennemis des accusés. Un ennemi ne peut juger équitablement son ennemi, je m'excuse de le rappeler.
Donc si l'on ne remet pas en cause ces textes (dont celui de Moscou de 1943, qui ne fut pas signé par des Français, mentionne par allusion le massacre de Katyn, en réalité perpétré par des staliniens), on n'est pas en dehors de l'« ordre public » de haine. Mais si on remet en cause ces textes, on est en dehors de l'«ordre public » de la haine. C'est cela qui est reproché à Dieudonné, de se mettre en dehors de l'anti-ordre public de 1943 et de 1945 confirmé plusieurs fois par la suite. Il n'y a pas de risque pour ceux qui ne remettent pas en cause cet « ordre public » formé de l'anti-valeurs de haine assurant, prétendument, la cohésion républicaine (Il n'y pas de danger par exemple pour les défenseurs de la vie, les défenseurs du mariage, les défenseurs de la liberté religieuse). Du moins pas de risque fondé sur ces textes et cette jurisprudence. Les décisions de jurisprudence du Conseil d'État et l'interprétation de l'ordre public par monsieur Valls ne sont pas arbitraires, elles sont précisément fondées sur des textes nationaux et internationaux, mais étrangers à la charité universelle et à la justice (ne serait-ce qu'en faisant du droit pénal, un droit commun d'application nécessaire, alors qu'il est un droit d'exception, strictement limité, non absolument nécessaire et destiné à disparaître avec le temps).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire