12.5.13

Existence de devoirs moraux sans devoirs juridiques

Le droit subjectif suppose un créancier et un débiteur. Si l'un a le droit, c'est que l'autre à des devoirs. Dans le cas du droit universel, la nature a doté les hommes pris dans leur universalité (qui n'en excepte aucun) d'un droit opposable à tous. Cela se traduit concrètement par l'article 30 de la Déclaration universelle et, moins parfaitement, par la notion d'"abus de droit" de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

Mais en ce qui concerne la fraternité ou la solidarité, nous avons à faire à un devoir sans droit. Chacun est tenu de manifester sa solidarité ou sa fraternité envers tout homme, mais celui qui est privé de fraternité ne peut exiger l'exécution d'un droit. Il n'y a pas de droit à la fraternité.

Il s'agit donc d'un cas particulier de devoir sans droit correspondant. La raison profonde de cet élément du droit universel, c'est que la fraternité n'est, à l'origine, qu'un fait. Ce fait se constate : nous sommes tous de la même famille d'Adam et Ève.  Ce fait est non seulement historique, mais se constate aussi en ce que lorsque quelque chose de va pas dans l'humanité, toute l'humanité souffre. Ce fait entraîne un devoir (voir sur ce point "Populorum progressio" 17 in fine). Ce fait crée un devoir moral sans droit strict correspondant.

Selon l'enseignement de Jean-Paul II dans Sollicitudo rei socialis la solidarité est, en outre, une vertu chrétienne :


« 40. La solidarité est sans aucun doute une vertu chrétienne. Dès le développement qui précède on pouvait entrevoir de nombreux points de contact entre elle et l'amour qui est le signe distinctif des disciples du Christ (cf. Jn 13, 35).
À la lumière de la foi, la solidarité tend à se dépasser elle-même, à prendre les dimensions spécifiquement chrétiennes de la gratuité totale, du pardon et de la réconciliation. Alors le prochain n'est pas seulement un être humain avec ses droits et son égalité fondamentale à l'égard de tous, mais il devient l'image vivante de Dieu le Père, rachetée par le sang du Christ et objet de l'action constante de l'Esprit Saint. Il doit donc être aimé, même s'il est un ennemi, de l'amour dont l'aime le Seigneur, et l'on doit être prêt au sacrifice pour lui, même au sacrifice suprême: «Donner sa vie pour ses frères» (cf. 1 Jn 3, 16). »

D'où la devise de la France "Liberté, égalité, fraternité" est une devise chrétienne en son troisième terme (les deux premiers termes sont connaissables par la raison, ils sont donc universels). La solidarité ou fraternité est une notion de morale, un devoir moral, qui n'est sanctionnée dans l'ordre juridique qu'indirectement. Il se traduit pas la liberté juridique universelle de satisfaire son devoir moral.

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