La contradiction entre le sacrifice de sa vie et le bien commun semble manifeste. Si l'on sacrifie sa vie au bien commun, le bien n'est plus commun.
En effet, De Koninck fait observer que le bien commun est commun, c'est-à-dire que si un quelconque des membres de la société n'en est pas l'objet, il n'est plus commun (ayant été élevé dans une famille libérale et relativiste, je n'ai saisi ce sens qu'après la lecture de De Koninck). Dans ces cas le bien commun semble s'être retourné contre le droit de l'homme à la vie. Dès lors, le "bien commun" des communistes et des nationaux-socialistes (monsieur Reynouard) serait à bon droit défini comme le Léviathan dévorant les droits fondamentaux des hommes.
Comment résoudre cette apparente contradiction ? Ne recèlerait-elle pas un éclaircissement potentiel des difficultés soulevées par les communistes et les nationaux-socialistes (ainsi que d'autres modernes comme les maurrassiens) ?
Allons donc chercher dans l'oracle de la vérité qu'est la papauté la solution à cette apparente insoluble contradiction.
Jean XXIII dans Mater et magistra définit le bien commun comme le bien qui
« embrasse (1) l'ensemble des conditions sociales qui permettent et favorisent dans les hommes le développement intégral de leur personnalité. »
Autrement dit : le bien commun est social, son but s'apprécie dans les hommes, c'est de favoriser leur développement (dont eux seuls seront les auteurs et non la société qui ne fait que créer des conditions favorables au développement des individus). Le bien commun, ce sont des conditions sociales. Le bien commun a pour but le développement de la personnalité de chaque homme.
Le bien commun laisse subsister un bien individuel et particulier qui le transcende. Loin d'être plus bas comme l'enseigne De Koninck, ce bien est d'un ordre supérieur au bien commun, mais il intéresse les autres.
Gloire et honneur à la mère de famille espagnole (jardin public de Vigo) |
Il aurait été loisible à Oasts, il aurait été loisible à Hélène Merlin, il aurait été loisible au sous-lieutenant, à saint Maximilien Kolbe de ne pas faire le sacrifice de leurs vies. Ils n'auraient commis aucune faute contre la justice, contre le bien commun.
S'ils ont donné leurs vies pour les autres (en la risquant dans des conditions extrêmes, ils ne se sont pas suicidés), ce n'est pas parce qu'il était juste qu'ils le fassent, mais parce que, obéissant aux conseils du Seigneur, ils aimaient les autres jusqu'à donner leurs vies pour eux. Cet amour tout le monde en bénéficie, mais il ne fait pas partie de l'ordre de la simple justice, de l'ordre du bien commun tel que l'entend la science juridique (qui doit le reconnaître toutefois). Il reste à l'appréciation de l'individu. Il est une possibilité juridique. Il témoigne de la sublimité de la vocation humaine qui n'est pas de ce monde, il transcende la justice et ouvre les hommes à d'autres horizons. Les héros se sacrifient au bien commun pour des motifs psychologiques et moraux qui le dépassent. C'est un acte de générosité individuelle, ils donnent plus que ce qu'ils doivent.
C'est pourquoi, en aucun cas, le bien commun ne peut être entendu comme contredisant les droits fondamentaux de l'homme. Au contraire le bien commun est au service des droits fondamentaux. (2)
(1) La traduction française de Mater et magistra me semble défectueuse sur ce point : le terme "comporte" semble suggérer que l'ensemble des conditions n'épuise pas le bien commun, or il l'épuise. Voici le texte original latin :
« summam complectitur earum vitae socialis condicionum, quibus homines suam ipsorum perfectionem possint plenius atque expeditius consequi. »
Voici la traduction que j'en propose avec l'aide de la traduction automatique google :
« Qui embrasse l'ensemble des conditions de la vie sociale, conditions au moyen desquelles les hommes peuvent plus pleinement et plus facilement atteindre(2) Naturellement, je m'en remets au jugement de l'Église sur ce point de morale.
à leur propre perfection. »
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