15.6.13

Critique de la notion d'abus de droit


Au sens propre il n’y a jamais deux droits en compétition, il n’y a pas d’abus de droit. Le droit existe ou n’existe pas.

Parce que les droits de l’homme sont fondés sur la raison et la dignité de l’homme, il n’est pas possible qu’il y ait compétition entre deux droits.

Par exemple, l’homme jouit du droit à la liberté d’expression. Il jouit également du droit à sa réputation.

Prendre la plume pour diffamer n’est donc pas abuser d’un droit, c’est violer un droit et il n’y a pas de droit subjectif contre le droit objectif. Les droits de l’homme sont un bloc. Car le diffamateur a, lui aussi, droit à sa réputation, quand il viole le droit de l’autre, il viole le l’humanité dont il fait partie.

Le droit à la liberté religieuse n’existe plus lorsqu’il serait le prétexte à prêcher la violence. Là non plus il n’y a pas de compromis.

Il est donc faux de voir l’application des droits de l’homme comme une sorte de compromis entre plusieurs droits.

C’est pourquoi la Déclaration universelle des droits de l’homme en son article 30 est juste :

« Article 30
Aucune disposition de la présente Déclaration ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits et libertés qui y sont énoncés. »


Elle exprime qu’il n’y a pas de droit contre le droit. Il n’y a donc, au sens propre, jamais de conflit de droits.

Cette rédaction est supérieure à celle de l’article 17 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, au moins dans son titre :

Article 17 – Interdiction de l'abus de droit
 
« Aucune des dispositions de la présente Convention ne peut être interprétée comme impliquant pour un État, un groupement ou un individu, un droit quelconque de se livrer à une activité ou d'accomplir un acte visant à la destruction des droits ou libertés reconnus dans la présente Convention ou à des limitations plus amples de ces droits et libertés que celles prévues à ladite Convention. »

Le titre pourrait faire croire qu’il peut y avoir conflit de droits (c’est d’ailleurs dans ce sens et à tort que statue très souvent la Cour européenne des droits de l’homme, on dirait qu’il peut y avoir une violation « proportionnée » des droits de l’homme dans certains cas). D’autre part la Convention par la formulation retenue dans cet article 17 implique que le droit objectif peut limiter les droits. Or, au sens propre, un droit existe ou n’existe pas, il ne peut être limité. Il ne nous apparaît limité que parce que nous avons une conception individualiste (cartésienne, hobbessiste, rousseauiste, marxiste) du droit subjectif. Or l’homme est naturellement social. Il est un être « avec » et un être « pour » et cela fait partie de sa nature, il en va de son bonheur d’être inséré dans la société, d’aimer et de respecter ses semblables. La société le fait s’accomplir, il n’est donc pas « libre » (en réalité esclave de son ignorance, de ses erreurs, de ses passions) de bafouer les droits des autres. Parce que bafouer les droits des autres, c’est se faire esclave de ses passions et bafouer la raison qui fait partie de sa nature, c’est l’empêcher, en cet acte mauvais, de satisfaire la véritable liberté qui est de se conformer à sa nature d’animal raisonnable.


C’est pourquoi au sens propre il ne peut  y avoir conflit de droits résolu par un compromis. Il y a les droits universels de l’homme.

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