Controverse avec Bède (pseudonyme) sur le Salon beige :
Le passage de l’encyclique de Léon XIII que vous citez [Arcanum] dit que le Christ, auteur de la nouvelle alliance, a transformé en sacrement cette institution qui était seulement réglée par la loi naturelle, et qu'il a transmis à son Eglise le pouvoir législatif et judiciaire sur ce qui concerne le lien conjugal.La rédaction par le pouvoir legislatif de l’Eglise en terme juridique de ce qui concerne le lien conjugal est la suivante : canon 1055 § 1 « L’alliance matrimoniale par laquelle un homme et une femme constituent entre eux une communauté de toute la vie, ordonnée par son caractère naturel au bien des conjoints ainsi qu’à la génération et à l’éducation des enfants, a été élevée entre baptisés par le Christ Seigneur à la dignité de sacrement. » C’est donc seulement entre baptisés que l’on peut parler de mariage sacramentel.
Ah ! La belle objection ! Assénée un peu trop doctoralement, mais elle mérite qu'on s'y arrête.
Voici ma réponse :
Non ! Le texte juridique ne dit pas "exclusivement", donc il ne contredit pas Arcanum qui dit expressément :
"En effet, le mariage a Dieu pour auteur. Il a été dès le principe comme une figure de l'incarnation du Verbe de Dieu. Il y a par cela même en lui quelque chose de sacré et de religieux, qui n'est pas surajouté, mais inné, qu'il ne doit pas aux hommes, mais qu'il tient de la nature. C'est pourquoi Innocent III et Honorius III, Nos prédécesseurs ont pu, avec raison et sans témérité, affirmer que le sacrement de mariage existe chez les fidèles et chez les infidèles."
Ce n'est pas parce que le mariage a été élevé à la dignité de sacrement entre les baptisés, qu'il n'a pas été élevé à cette dignité entre les non-baptisés ou, selon l'expression du Pape "les infidèles". Le droit canon est un droit spécial aux baptisés.
Bède insiste :
« Qui n’a pas reçu le baptême ne peut être validement admis aux autres sacrements » (c. 842) y compris au sacrement de mariage.
Tant qu’il n’a pas reçu le baptême l’être humain n’a pas la capacité de recevoir les autres sacrements car il n’est pas né à la vie chrétienne dont le développement sacramentel ultérieur implique toujours la naissance préalable de l’eau et de l’Esprit Saint.
Ceci étant dit si votre interprétation de ce que dit l’encyclique que vous citez était exacte, il me semble qu’il vous faut considérer par exemple que le mariage polygame des « infidèles » est sacramentel. Il me parait évident que Léon XIII ne voulait pas dire cela.
De même si tout mariage est sacramentel, donc ne pouvant être dissous par aucune puissance humaine ni par aucune cause sauf la mort, pourquoi existe-t-il un privilège Paulin et un privilège Pétrinien permettant de dissoudre certains mariages particuliers ?
Je n’ai pas à interpréter l’encyclique de Léon XIII mais il me semble que dans la phrase que vous citez et qu’il lie très spécifiquement à Innocent III (texte cf. DZ 777) et Honorius III il faille prendre le mot sacrement dans le sens qu’il avait a leur époque et non pas dans le sens qu’il a acquis au cours des siècles grâce au développement de la dogmatique et du droit liturgique et canonique."
Je lui réponds :
"L'autorité du Code de droit canonique est moindre que celle du magistère. C'est pourquoi je m'en tiens à la doctrine de l'encyclique, d'autant plus que le droit peut énoncer des principes qui souffrent des exceptions. Ce que la doctrine ne peut pas.
Exemple : le droit peut prévoir que le mariage est présumé valide, sauf preuve contraire. Ce qui signifie que le mariage est, en principe, valide. Donc on peut dire qu'en principe la réception valide des sacrements n'est valide que si le baptême a été conféré, sauf exceptions et nous en tenons au moins une en le mariage entre deux personnes dont une n'est pas baptisée.
Le mariage entre une personne incroyante et une personne croyante catholique peut être reçu à l'Eglise (après autorisation). Or, je ne pense pas que vous allez me dire qu'il est sacramentel pour l'une et pas pour l'autre qui le recevrait invalidement et que l'une administre un sacrement, alors que l'autre exprime seulement une volonté d'être engagée par un contrat naturel. Un mariage valide et sacramentel non consommé peut être annulé par l'Eglise (qui par le jugement crée le droit).
L'encyclique (1880) n'est pas d'Innocent III, mais de Léon XIII. Innocent III n'était pas un ignorant ne sachant ce qu'est un sacrement. L'argument historique en l'occurrence n'est pas valable, surtout s'agissant de la doctrine d'un pape.
(,,,)En cas de polygamie, le deuxième mariage est évidemment invalide, comme le "mariage homosexuel" et tout autre forme aberrante de "mariage".
Le privilège paulin est un... privilège qui permet le divorce (la dissolution) d'un mariage valide et sacramentel. Il est confié à l'Eglise qui seule a ce pouvoir. (Privilège = cas exceptionnel relié à un cas très particulier). Tous les mariages se dissolvent. La plupart se dissolvent par la mort, d'autres, exceptionnellement, d'une autre manière. (Voir également plus haut la question du mariage annulé au motif qu'il n'est pas consommé).
Concluons : je ne veux pas abuser de l'hospitalité du Salon beige (un grand merci à lui). Il est d'autre part assez gênant de discuter avec un anonyme sur des sujets aussi graves.
Je n'attache pas d'importance à "avoir raison", et naturellement en cette matière, je m'en remets au jugement de l'Eglise. Mais pour l'instant ma conviction est celle exprimée par Léon XIII dans Arcanum."
Belle question : le Code de droit canonique semble contredire le magistère. Le Code de droit canonique doit être la source de l'erreur (selon moi) répandue dans la monde catholique. Le droit canon a valeur de texte juridique et non de doctrinal, c'est à dire qu'il peut énoncer des principes qui comportent des exceptions. En l'occurrence, effectivement le baptême est nécessaire pour la validité des sacrements de confession, de confirmation, de l'ordre,des malades, probablement pour l'eucharistie, mais je n'ai aucune autorité pour imposer mon opinion. Pour le mariage je ne crois pas, c'est l'exception au principe et cela se constate dans le mariage avec dispense d'une personne non-baptisée avec une autre personne baptisée, la personne non-baptisée reçoit un sacrement, selon moi.
Bien entendu dans ces matières, je soumets mon jugement à Rome et aux autorités doctrinales catholiques, étant moi-même catholique.