Petite confidence de blogueur.
Je suis né dans une famille très libérale. Mon père était une sorte de libéral extrêmiste, fils de l'école laïque du début du XXème siècle, à peine baptisé, il n'avait pratiquement aucune formation religieuse.
Il s'était fait une religion fruste, faite d'un matérialisme naïf mais nostalgique de la vie éternelle, puisque nous sommes tous taraudés par l'idée de la mort et donc de notre mort. Il vivait une sorte de catholicisme totalement personnel, très empreint de son éducation laïque.
Pour lui la non communication des consciences, le fait que la conscience ne peut se communiquer entièrement aux autres était quelque chose de vécu intensément.
Or, chacun de nous ne connaît la psychologie des autres pas directement mais par l'introspection. Regardant en nous ce qui s'y passe, nous voyons que cela se passe chez les autres.
Lui il ignorait cela, sa "doctrine" confinait d'ailleurs au solipsisme (doctrine de ceux qui pensent que n'existe que la conscience de soi, tout le reste n'étant qu'apparence et langage que nous tient une sorte de démiurge inconnu). Solipsisme = étymologiquement seul avec soi-même.
Il était en conséquence bien adapté au libéralisme extrêmiste pour qui il n'y a rien de commun aux hommes.
Aussi le terme "commun" ne signifiait pour moi que "habituel", "déjà vu", "pas exceptionnel".
Lorsque j'ai découvert que le terme commun très tard, probablement vers quarante ans, que le terme "commun" signifiait surtout quelque chose que plusieurs possédaient. Qui était à la fois à plusieurs et à chacun et donc que c'était quelque chose qui sans être "singulier" était "propre" à plusieurs. Cela a été renversant pour moi. J'ai découvert cela en lisant De Koninck, un philosophe catholique qui a écrit sur la notion de "bien commun", un bien donc qui n'est pas extérieur à nous, mais que nous partageons. Un bien qui n'est pas extérieur parce qu'alors il n'est plus commun et un bien à plusieurs parce sinon il serait singulier.
Les plus hauts bien communs sont évidemment moraux. Si j'ai un droit à la vie commun à tous les hommes, c'est mon bien, c'est aussi celui de tous mes frères humains. Cela a pour moi été une véritable libération. Je sortais du cauchemar de l'égoïsme et du solipsisme.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
Ce cauchemar d'égoîsme et de solipsisme dans lequel vous vous trouviez est fort répandu de nos jours; nos contemporains sont persuadés du caractére inédit des malheurs qui les frappent et des sentiments qui les occupent. Ils ne peuvent imaginer que d'autres ont déja traversé les mêmes épreuves.
Ce sentiment aigu de nouveauté induit la froideur, l'égoîsme et la perte de sens; il accompagne la babélisation de notre société.
Il est comme une réponse perverse à la parole "Qui est mon prochain ?"
Merci de votre commentaire, cher pef.
Je crois que l'idéalisme est source de la "babélisation" selon votre expression de la société. C'est la confusion des langues, mais au niveau individuel. Mon père avait été élevé dans une ambiance laïque, idéaliste et socialiste (genre début du XXème siècle), il en avait tiré une sorte de d'individualisme absolu, modéré par une morale laïque et "romaine" (du genre de celle des anciens Romains)
Pour moi, les lectures de De Koninck et de Gilson (lectures toutes deux conseillées par Madiran) ont été déterminantes. Les textes de De Koninck sur le bien commun (parus, je crois dans Itinéraires et accessibles gratuitement aujourd'hui sur Internet) et les textes sur les "Constantes Philosophiques de l'Etre" de Gilson avec ses méditations sur le discours et le concept, un petit passage d'un catéchisme pour adulte d'un jésuite du XIXème sur les critères de la vérité m'ont grandement aidé à sortir de l'ambiance idéaliste dans laquelle j'ai grandi. Le solipsisme dans le cadre idéaliste, est irréfutable. C'est ce qui a fait dire à Nietzsche "le solipsiste est un fou enfermé dans un bunker inexpugnable", car effectivement la philosophie idéaliste ne peut rien contre le solipsiste.
http://www.devoir-de-philosophie.com/dissertation-faut-nier-monde-pour-decouvrir-conscience-1831.html
Heu, ce n'est pas Nietzsche, mais Schoppenhauer en 1918 qui, dans la perspective idéaliste, prétend que le solipsiste est irréfutable.
Enregistrer un commentaire