6.3.14

Les "valeurs non-négociables" du pape François et les "principes non-négociables" de Benoît XVI (différences substantielles)

On lit sur Zenit:

« Quant aux « valeurs non négociables », le pape répond sans détour: « Je n’ai jamais compris l’expression « valeurs non négociables ». Les valeurs sont des valeurs un point c’est tout. Je ne peux pas dire que parmi les doigts de la main il y en a un de moins utile que l’autre. Alors je ne comprends pas comment il peut y avoir des valeurs négociables. Ce que j’avais à dire sur le thème de la vie, je l’ai dit dans Evangelii Gaudium. »

Parmi les doigts de la main, certains sont plus utiles que d'autres. D'abord, le pouce qui est le seul opposable aux autres doigts. Ensuite l'index, ensuite le majeur qui est le plus fort des doigts non opposables etc. Je trouve l'image du pape bien bancale.

L'expression "valeurs non négociables" n'est pas une expression de Benoît XVI. Il a employé le terme de "principes" en matière de programmes politiques. Ce sont ces principes nécessairement sociaux au nombre de trois:

1) Sacralité de la vie
2) Mariage monogame et indissoluble
3) Liberté d'enseignement

François ne vise donc pas l'expression de Benoît XVI.

Pour comprendre rapportons-nous au Compendium de doctrine sociale:

« 197 La doctrine sociale de l'Église, au-delà des principes qui doivent présider à l'édification d'une société digne de l'homme, indique aussi des valeurs fondamentales. Le rapport entre principes et valeurs est indéniablement un rapport de réciprocité, dans la mesure où les valeurs sociales expriment l'appréciation à attribuer aux aspects déterminés du bien moral que les principes entendent réaliser, en s'offrant comme points de référence pour une structuration opportune et pour conduire la vie sociale de manière ordonnée. Les valeurs requièrent donc à la fois la pratique des principes fondamentaux de la vie sociale et l'exercice personnel des vertus, donc des attitudes morales correspondant aux valeurs elles-mêmes.426 »

Autrement dit, les valeurs sociales (vérité, liberté, justice, amour) permettent d'apprécier le bien moral que les principes mettent en œuvre. Elles sont des références. Ces références établissent les rapports de la vie sociale, et les critères pour une conduite ordonnée de la vie sociale. Du point de vue personnel (donc non-social), les valeurs sociales commandent 1) la mise en œuvre des principes de la doctrine sociale (par exemple les principes de subsidiarité, de destination universelle des biens, de solidarité, de participation…) 2) l'exercice des vertus (dire la vérité, respecter la liberté des autres et la sienne, rendre à chacun ce qui lui est dû, aimer). Elles commandent à chacun donc d'être cohérent dans ses mœurs avec elles. Voilà ce que j'ai compris des phrases du Compendium. Ces phrases, j'espère les avoir clarifiées pour mes lecteurs.

C'est pourquoi les valeurs qui ne sont, évidemment, jamais "négociables", fondent des principes dont certains sont négociables. Par exemple, la destination universelle des biens ne décide pas des taux précis des taxes et impôts. Ces points précis peuvent faire l'objet de négociations ; mais les valeurs de vérité, de liberté, de justice et charité ne sont pas, ne sont jamais, "négociables", évidemment.

C'est pourquoi le mot d'ordre sur les PRINCIPES non-négociables n'est pas critiqué lorsque le pape jésuite parle des VALEURS (par définition non-négociables).

Il faut se méfier du piège jésuite du pape François qui ne semble pas avoir averti ses auditeurs qu'il ne visait pas les "principes non-négociables" de son prédécesseur. François parle des "valeurs", non-négociables (allez savoir à qui il fait allusion lorsqu'il vise ceux qui parlent de "valeurs non-négociables" !). Attention ! Le pape François est subtil.

Les principes non-négociables, restent donc non-négociables.

Toutefois, Benoît XVI a bien parlé de "valeurs non-négociables". Mais dans un autre contexte. Ce ne sont plus les valeurs de la politique, donc des valeurs sociales (la politique est une partie de la morale sociale), mais des valeurs individuelles (Benoîot XVI traite dans le texte en lien de conversion des cœurs).

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