L'arrêt se fonde sur une interprétation de l'article 5.3 de la "Convention européenne des droits de l'homme" de 1950 qui dispose :
« 3. Toute personne arrêtée ou détenue, dans les conditions prévues au paragraphe 1 c) du présent article, doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires et a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable, ou libérée pendant la procédure. La mise en liberté peut être subordonnée à une garantie assurant la comparution de l'intéressé à l'audience. »
Cet article réglemente le cas d'une personne détenue mais non condamnée. Il s'agit du cas prévu au paragraphe 1.c du même article.
L'arrêt de la Cour européenne dénie au magistrat du Parquet français le statut de "magistrat" en raison de sa dépendance hiérarchique à l'égard du pouvoir exécutif.
S'agissant d'une convention (La Convention européenne de 1950), restreignant la liberté des Etats contractants, les juges devraient l'interpréter restrictivement. Or le texte même de l'article 5.3 ne semble pas exiger l'indépendance, puisque l'indépendance est expressément visée à l'article 6 (juridiction de jugement). L'indépendance n'est pas mentionnée au paragraphe 5.3. Cet article 5.3 ne vise que les fonctions. La définition de "magistrats" n'implique nullement l'indépendance, elle se définit par les fonctions, donc la qualité de la formation juridique et la valeur morale de la personne investie de fonctions judiciaires, mais nullement par l'indépendance.
Je ne compte pas ici discuter de l'opportunité d'accroitre l'indépendance des magistrats du Parquet en vue de leur permettre de décider de privations de liberté avant jugement, mais de la simple technique juridique, en cause dans cet arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme ; de cette technique juridique qui est gardienne de la liberté et de la vérité (1). Dans cette perspective, on ne peut que constater que la CEDH dépasse ses pouvoirs et ajoute à la Convention une notion qui n'y est pas contenue. Elle ajoute une obligation pour l'Etat qui n'a pas consenti cette limitation de sa liberté d'appréciation. C'est un attentat contre la liberté des peuples. On me pardonnera ce gros mot, mais il me semble correspondre à la vérité.
Une nouvelle fois on constate la mauvaise qualité technique des arrêts de la Cour. Cela n'a pas que des implications esthétiques. Cette constatation procure un certain vertige quant à la fragilité de la liberté et des droits de l'homme, malmenés par la CEDH elle-même.
(1) Je serais plutôt favorable à l'accroissement de l'indépendance du Parquet.
1 commentaire:
Comment l’exécutif intervient dans les affaires judiciaires
Sur le site du Sm (15 nov 2010)
INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE:
Selon les textes et les discours publics en vigueur, les interventions de l’exécutif dans les affaires judiciaires sont légitimées par l’intérêt général ou la nécessité d’une politique pénale uniforme sur l’ensemble du territoire national et sont d’une transparence à toute épreuve, les très rares et très éventuelles instructions du garde des Sceaux faisant l’objet d’écrits motivés versés au dossier…
Malheureusement, ces propos sont… « pour les nuls ». Au quotidien, dans les affaires « sensibles », « signalées » ou tout simplement médiatisées, c’est tout le contraire ! Ainsi que le savent les magistrats du parquet qui traitent au quotidien ces dossiers et que le prouve ce témoignage exclusif d’un magistrat, en poste à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), dont nous avons évidemment préservé l’anonymat *…
http://syndicat-magistrature.org/J-essaime-pour-une-autre-justice,1365.html
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