21.1.13

Lettre de Mgr Di Noia au clergé lefebvriste

Trouvé sur le blog de monsieur Jean-Marie Guénois (et signalé par de nombreux sites et blogs)



Lefebvristes : texte intégral de la lettre de Rome à la Fraternité Saint Pie XPar Jean-Marie Guénois le 20 janvier 2013 17h31
 La perspective d'un accord entre Rome et la Fraternité Saint Pie X semble s'éloigner. Ce dossier - l'un des plus symboliques du pontificat de Benoît XVI - fait pourtant l'objet d'un soin tout particulier de la part du Saint-Siège.

Voici les extraits de la lettre (extraits du blog de monsieur Guénois) qui me semblent retracer les grandes idées dont j'extrais les plus édifiantes :

 Avent 2012
 Excellence, chers frères prêtres de la Fraternité sacerdotale saint Pie X,
 C'est avec joie que j'ai appris la satisfaction que vous a donnée notre dernière déclaration en date du 28 octobre. Il était important d'affirmer de manière publique et autorisée que les relations du Saint-Siège avec la Fraternité sacerdotale saint Pie X restent ouvertes et pleines d'espérance. Jusqu'ici, à part ses décisions officielles, le Saint-Siège s'est, pour différentes raisons, abstenu de rectifier certaines affirmations inexactes au sujet de sa conduite et de sa compétence dans ces relations. Quoi qu'il en soit, vient le moment où, dans l'intérêt de la vérité, le Saint-Siège sera obligé de faire état de certaines de ces indélicatesses. Particulièrement douloureuses ont été les prises de position qui attaquent la mission et la personne du Saint-Père: cela, désormais, demande une réponse. (...) en revoyant l'histoire de nos relations depuis les années 1970, on est amené à faire le constat objectif que les termes de notre désaccord au sujet du Concile Vatican II demeurent, en fait, inchangés. Avec son autorité magistérielle, le Saint-Siège a toujours affirmé qu'il fallait interpréter les textes du Concile à la lumière de la Tradition et du Magistère, et non l'inverse, tandis que la Fraternité a insisté pour dire que certains enseignements du Concile sont erronés et donc non susceptibles de recevoir une interprétation en harmonie avec la Tradition et le Magistère. (...) Dans ces circonstances, (...) il est clair qu'un élément nouveau doit être introduit dans nos échanges, si nous ne voulons pas apparaître à l'Église, au grand public et, au fond, à nous-mêmes, comme engagés dans un échange courtois, mais sans issue ni fruit. Il faut développer des considérations nouvelles, de nature plus spirituelle et théologique, qui transcendent les désaccords importants et apparemment insurmontables sur l'autorité et l'interprétation du Concile Vatican II (...)
Le maintien de l'unité de l'Église (...) Afin de persévérer dans l'unité de l'Église, saint Thomas d'Aquin remarque que, d'après saint Paul, « il faut cultiver quatre vertus et proscrire les quatre vices qui leur sont opposés »  (...) Que faut-il éviter sur la voie de l'unité? L'orgueil, la colère, l'impatience et le zèle désordonné.  (...)
[Ici le bon Monseigneur Di Noia donne des conseils moraux et spirituels adaptés au clergé lefebvriste, mais qui sont valables pour tout homme, y compris votre serviteur… ] Si nous insistons tant sur l'unité de l'Église, c'est qu'elle reflète la communion de la sainte Trinité et s'opère par elle. (...) L'unité de l'Église n'est pas une chose que nous obtiendrions pour nous-mêmes par notre propre pouvoir, mais c'est un don de la grâce divine. (…) 
                                                                     La place de la Fraternité sacerdotale dans l'Église
 Que vous est-il donc demandé dans la situation présente ? Non pas de perdre le zèle de votre fondateur, Monseigneur Lefebvre. Loin de là ! Au contraire, il vous est demandé de raviver la flamme de son zèle ardent pour la formation des hommes au sacerdoce de Jésus-Christ. Le moment est sûrement venu d'abandonner la rhétorique âpre et contre-productive qui a surgi au cours des années passées. (...) Le charisme authentique de la Fraternité consiste à former des prêtres pour le service du peuple de Dieu, non à se donner la mission de juger et de corriger la théologie ou la discipline d'autrui dans l'Église. (...)
Sur la question de savoir qui est compétent pour corriger un abus, nous pouvons considérer le cas de saint Pie X.
[Mgr Di Noia prend l'exemple de saint Pie X qui agit dans le même but, mais différemment, lorsqu'il écrivit 1) comme auteur un texte sanctionnée par une Congrégation, 2) lorsqu'il fut patriarche de Venise ou enfin 3) Souverain Pontife ]  Même si nous sommes convaincus que notre point de vue sur une question particulière disputée est le bon, nous ne pouvons pas usurper la mission du Souverain Pontife en nous arrogeant le droit de corriger publiquement les autres dans l'Église. Nous pouvons proposer et chercher à influer, mais non pas manquer de respect à l'égard des autorités locales légitimes ou agir contre elles. (...) Ce fut une erreur de faire de tout point difficile de l'interprétation théologique de Vatican II la matière d'une controverse publique, en cherchant à pousser ceux qui ne sont pas compétents en théologie à adopter notre point de vue au sujet de points théologiques délicats.

 (...) [La renonciation à l'expression publique d'une opinion] peut être un appel à souffrir dans le silence et la prière, avec la certitude que si la vérité est vraiment en cause, elle finira nécessairement par s'imposer » (§ 31). Toutefois, un examen critique des actes du Magistère ne doit jamais devenir une sorte de « magistère parallèle » des théologiens (cf. § 34), car il doit être soumis au jugement du Souverain Pontife (...) Intellectuellement parlant, de toute façon, nous ne pouvons pas nous centrer uniquement sur la controverse. Les problèmes théologiques difficiles ne peuvent être adéquatement traités que par l'analogie de la foi, c'est-à-dire la synthèse de tout ce que le Seigneur nous a révélé. Nous verrons chaque doctrine et article de foi comme soutenant les autres et apprendre à comprendre les liens internes qui existent entre chacun des éléments de notre foi. [ Suivent ensuite des recommandation pour les bases nécessaires, longues et difficiles à acquérir, pour commencer des études de théologie, notamment en philosophie. ] (…)
 Conclusion
 Avec sa façon magnanime d'exercer le munus Petrinum, le pape Benoît XVI est extrêmement désireux de surmonter les tensions qui ont existé entre l'Église et votre Fraternité. Une réconciliation ecclésiale immédiate et totale mettra-t-elle fin aux soupçons et à la méfiance qui ont surgi de part et d'autre? Sans doute pas si facilement.
 Mais ce que nous cherchons n'est pas une œuvre humaine : nous cherchons la réconciliation et la guérison par la grâce de Dieu, sous la conduite aimante du Saint-Esprit. Rappelons-nous les effets de la grâce articulés par saint Thomas: guérir l'âme, désirer le bien, réaliser le bien qu'on s'est proposé, persévérer dans le bien et, pour finir, obtenir la gloire (cf. Somme Théologique la Irae, 111, 3). (…) Le Seigneur nous donne la grâce de désirer certains biens: en ce cas, le bien d'une unité et d'une communion ecclésiales totales.
C'est un désir que bon nombre d'entre nous partagent, humainement parlant, mais ce que nous avons besoin de recevoir du Seigneur, c'est la communication de ce désir à nos âmes, de manière à nous faire désirer le ut unum sint avec le désir même du Christ. C'est seulement alors que la grâce de Dieu nous permettra de réaliser le bien que nous nous proposons. C'est Lui qui nous pousse à chercher une réconciliation et la porte à son achèvement.
  (...) Le seul avenir imaginable pour la Fraternité sacerdotale saint Pie X se trouve sur le chemin d'une pleine communion avec le Saint-Siège, dans l'acceptation d'une profession de foi inconditionnelle en sa plénitude, et donc avec une vie sacramentelle, ecclésiale et pastorale convenablement ordonnée. (...)
Sincèrement vôtre dans le Christ,  + J. Augustine Di Noia, O.P. »

Je n'ai pu me procurer le texte original en anglais. Les textes originaux permettent souvent de se faire une idée plus claire des intentions de l'auteur.

Mgr Di Noia insiste bien sur les opinions théologiques que personne sinon le Pape ne peut ériger en dogme. Si je me persuade que ce que je dis est vrai, je n'aurais pour autant aucune autorité doctrinale pour entraîner les autres à penser comme moi.

C'est bien de foi qu'il s'agit. Il s'agit d'une "foi inconditionnelle" qui élimine tout désordre.

Comptons sur la prière, car aujourd'hui, humainement, les chances d'accord me semblent, comme elles me le semblaient depuis toujours (voir mes précédents posts), extrêmement ténues, pour ne pas dire inexistantes. Il faudra alors vivre avec un nouveau schisme et une nouvelle hérésie. Car je continue de penser qu'il y aura un texte du Saint Siège de condamnation au sujet du lefebvrisme. Et cela d'autant plus que les lefebvristes se croient catholiques et crient à la persécution si on leur dénie cette qualité.

Cependant, cette lettre a non seulement une valeur de circonstance, mais encore une valeur morale et spirituelle impressionnante. Elle apprend en particulier la résignation, la confiance en la Providence. Il ne nous appartient pas de "sauver l'Eglise", mais d'avoir foi en Elle. L'Eglise est un mystère de miséricorde divine agissant dans nos vies. Quand on a lu ce document, on a envie de devenir meilleur... Et l'on remercie le Seigneur d'avoir une vocation de laïc. Merci à Mgr Di Noia pour ce document instructif et édifiant.

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