Sur le fond, je ne suis pas d'accord du tout avec monsieur Reynouard. Je crains, malgré ses assurances, que si ses amis ou lui arrivaient au pouvoir, je n'aille moisir dans un camp de concentration en vue de ma rééducation. Je ne suis donc pas d'accord avec lui, mais je respecte sa dignité, donc je ne crois pas juste de faire semblant de l'ignorer ou de le traiter par des insultes.
Donc, j'émets les objections suivantes à ses critiques de la Déclaration universelle des droits de l'homme.
1) Le droit de s'associer est un droit naturel de l'homme. L'État doit protéger ce droit et non le combattre. Il n'est donc pas licite à l'État d'interdire les associations de travailleurs, comme d'ailleurs les corporations.
« l'Eglise défend et approuve la création de ce qu'on appelle couramment des syndicats, non certes par préjugé idéologique ni pour céder à une mentalité de classe, mais parce que s'associer est un droit naturel de l'être humain et, par conséquent, un droit antérieur à sa reconnaissance par la société politique. En effet, « il n'est pas au pouvoir de l'Etat d'interdire leur existence », car « l'Etat est fait pour protéger et non pour détruire le droit naturel. En interdisant de telles associations, il s'attaquerait lui-même »
Centesimus annus de st Jean-Paul II.
Musée de la Révolution Vizille Marie-Joseph Chalier à proprement parler, contrairement à ce que prétend wikipedia, Beaulard dépend des vallées cédées et non du Piémont, bien qu'aujourd'hui il fasse partie de la région Piemonte. |
2) Il est vrai que le fondement de l'autorité ne se trouve pas dans la volonté du peuple au moins directement. Il n'y a pas d'autorité qui ne vienne de Dieu.
« (...) les catholiques (...) vont chercher en Dieu le droit de commander et le font dériver de là comme de sa source naturelle et de son nécessaire principe. » Léon XIII Diuturnum illud.
Il ne suit pas de là que l'autorité puisse être arbitraire et indéfinie en son étendue. Son fondement même s'y oppose. Elle est insérée dans les droits de l'homme, dans l'ordre public, c'est-à-dire dans des valeurs de vérité et de justice.
En décider autrement violerait d'ailleurs le principe d'égalité des êtres humains. Le fondement de l'autorité ne se trouve ni dans les talents de celui qui gouverne, ni dans le nombre de ceux qui l'ont choisi. C'est Dieu, Être infiniment parfait et infiniment élevé au-dessus de toute créature, Dieu seul qui fonde l'obéissance.
Il ne suit pas de là non plus que les élections libres soient illicites. Les chefs sont désignés par le peuple, et alors ?
Il ne suit pas de là non plus que les chefs soient irremplaçables. Au contraire, un roulement est nécessaire. Il faut que les chefs retournent à l'obéissance après avoir exercé leurs mandats divins pendant un temps raisonnable qui ne doit pas être trop long (voir le Compendium).
3) L'autorité unit les volontés dans l'œuvre commune qui est le bien commun. Le bien commun est aussi un bien particulier, sinon il ne serait pas commun. Mais le bien commun qui est avant tout justice, vérité, liberté, égalité, fraternité, droits de l'homme est le meilleur des biens particuliers parce que parmi les biens particuliers il est transcendant. Alors que les biens particuliers, comme être riche au milieu de pauvres, ne sont que des biens subordonnés au bien commun. Vivre dans une société où chacun dit la vérité, rend à chacun ce qui lui est dû est supérieur à celui d'être riche. C'est pourquoi il est parfois meilleur de mourir (par exemple en étant tué), malgré le grave devoir de chacun de se conserver en vie, que de vivre dans le mensonge et l'injustice, voire l'indifférence aux autres.
4) Le bien commun a aussi un caractère changeant, évolutif. Tout change tout le temps. Le bien commun de 2015 n'est pas le même que celui de 1930.
5) C'est pourquoi, même s'il est vrai que le fondement de l'autorité ne réside pas dans une volonté arbitraire, serait-elle collective, il est inexact, du moins imprudent de condamner toute la Déclaration pour cette erreur (?). D'ailleurs si le fondement de l'autorité des pouvoirs publics résidait uniquement dans la volonté du peuple, il n'y aurait nul besoin d'énoncer les droits de l'homme.
Donc la critique de monsieur Reynouard (qu'il emprunte à l'école contre-révolutionnaire) n'est pas pertinente. L'article 30 de la Déclaration, au contraire, énonce une vérité extrêmement précieuse. Elle éclaire toute la doctrine des droits de l'homme dont il faut évidemment exclure, l'affirmation contestable que toute autorité vient d'une volonté humaine arbitraire. La Déclaration universelle de 1948 est bien une "pierre milliaire" (Compendium 152) dans le parcours intellectuel de l'humanité. Elle forme un tout dont les différentes parties s'interprètent les unes par les autres.
Ailleurs, reprenant le cardinal Bertone, je parle de la liberté. On constate que la définition de monsieur Reynouard qu'il dit tirer du Mgr de Ségur est par trop sommaire.
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