20.11.12

Ordre public français et juifs d'Algérie au XIXe siècle

A tous ceux qui contestent aux juifs d'Algérie la qualité de Français, je rappellerais ces faits.

Lorsque la France commence à exercer sa souveraineté en Algérie, le divorce n'existe pas en France, encore moins la répudiation ni la polygamie.



Revenant sur un décret de 1834 qui instaurait une vraie intégration des juifs et des musulmans et leur reconnait la qualité de Français sans aucune discrimination, le sénatus-consulte de 1865 permet aux juifs et aux mahométans d'Algérie de choisir leur statut civil ou de demander à être soumis au droit français. Ce décret est inspiré par un musulman, apostat de la foi catholique Ismael Urbain (par ailleurs saintsimonien, mais l'important est qu'il était musulman, ce que l'on occulte le plus souvent pour ne pas dire systématiquement). De fait la quasi unanimité des musulmans a refusé l'ordre public français (le bienheureux Charles de Foucault explique en partie pourquoi dans sa fameuse lettre à René Bazin)

L'article 2 prévoit que les israélites peuvent sur leur demande être régis par la loi française. A l'époque cela signifie qu'une fois marié, le citoyen quelle que soit sa religion, est marié. Il n'y a pas de divorce dans la loi française qui respecte les enseignements du Pape.

Ce sénatus-consulte de 1865 (pris par ce vieux franc-mac de Napoléon III) brise l'ordre public matrimonial français pour faire sombrer la France dans le relativisme. Mais grâce à cette permission, on constate que, sociologiquement, les juifs d'Algérie choisiront l'ordre public français, pourtant contraignant pour eux, cependant que les mahométans choisiront la "loi musulmane", c'est-à-dire la chariah.

Donc de 1865 à 1884 les juifs d'Algérie se seront soumis volontairement à un ordre public juridique excluant le divorce. Ce fait historique découvre que le mariage civil est une excellente institution, il permet à l'Etat de contrôler les mariages et de veiller à l'ordre public matrimonial pour tous les citoyens quelles que soient leurs convictions.

Les antisémites et les anticolonialistes font grand cas du décret Crémieux du 24 octobre 1870 (ha ! c'était un juif ce Crémieux, mais en réalité les autres signataires n'étaient pas juifs, eux…) qui conféra d'office la nationalité française aux juifs. La France était discriminante. Elle méprisait les arabes et était au service des juifs. C'est la thèse antisémite et celle des anticolonialistes.

En réalité, il était impossible de conférer d'office aux musulmans la pleine nationalité française (car les musulmans étaient français et jouissaient de la protection de la France, mais du fait du texte de 1865, ils pouvaient choisir la chariah, ce qui avait des conséquences sur leur statut politique), car la nationalité française pleine et entière supposait un statut civil qui excluait le divorce (et encore plus la répudiation). Il était en revanche possible de conférer la nationalité française pure et simple aux juifs car ceux-ci avaient choisi le statut de Français pur et simple avec un statut matrimonial excluant le divorce. Compte tenu du caractère contraignant d'un statut excluant le divorce (ce que les populations ont du mal à comprendre) on peut déduire un véritable amour de la France de la part des juifs d'Algérie.

Il n'y avait donc de caractère raciste ni dans le sénatus-consulte de 1865, ni dans le décret de 1870. Au contraire, sous l'influence d'un musulman et d'un franc-maçon, la France avait très discrètement renoncé à son ordre public dès 1865. La France, sous l'influence pernicieuse de ces individus, avait fait de la chariah un élément possible de l'ordre public français. Les juifs en revanche, paradoxalement grâce à ce texte anti-français, avaient démontré leur amour de la France, y compris de son ordre public contraignant. Ils l'avaient fait en renonçant à leur statut propre pour épouser l'ordre public français, ce qui a rendu possible le décret de 1870. 

C'est l'histoire à l'endroit et l'honneur de la France rétabli contre les antisémites et les anticolonialistes. 


C'est aussi une histoire complexe mais instructive, et pour cela occultée, qui permet de mieux saisir les relations entre institution du mariage et ordre public, institution du mariage et Etat.

Mise à jour du 19 mai 2015: me relisant, je ne changerais pas la substance. Mais je condamnerais la décision de Vichy de revenir sur le décret "Crémieux" (je l'ai fait dans d'autres posts). J'expliquerais aussi que les Juifs d'Algérie avaient droit à la pleine nationalité française, donc à participer à l'élaboration des lois (éventuellement par leurs représentants) parce qu'ils avaient choisi le code civil et que les musulmans en revanche ne pouvaient pas participer à l'élaboration des lois, non par "racisme" des Français, mais parce qu'ils récusaient l'autorité de la loi française. Quant au code civil de 1865, je serais moins sûr de sa conformité à l'ordre catholique, car en matière de mariage (donc de divorce), même des non-catholiques, seul le pape a autorité. (Le mariage est une institution sacrée depuis Adam et Ève et le pape est la seule autorité religieuse au monde).

On mesure à cet épisode combien l'extrême-droite antisémite de Drumont et compagnie fut une malédiction pour le pétainisme, pour la France et pour l'Algérie française et une grave injustice à l'égard de toute une catégorie de Français.

1 commentaire:

MASSACRES DES FRANCAIS D'ALGERIE a dit…

merci pour toutes ces informations que beaucoup d'entre nous ignorons.

je vais suivre votre blog.

A bientôt

José Arnau