10.11.12

Les trois conditions du Pape selon Mgr Fellay

Selon un sermon de Mgr Fellay du 1er novembre 2012, notre Pape Benoît XVI pose trois conditions aux lefebvristes pour leur réintégration dans l'Eglise :

1) Magistère juge authentique
• La première est qu’il nous faut reconnaître que le magistère est le juge authentique de la Tradition apostolique – cela veut dire que c’est le magistère qui nous dit ce qui appartient à la Tradition. C’est vrai. Mais évidemment les autorités romaines vont l’utiliser pour dire : vous reconnaissez cela, donc maintenant nous décidons que le Concile est traditionnel, vous devez l’accepter. 


Mgr Fellay est d'accord pour dire que le magistère est le juge de la Tradition. Mais il n'est pas d'accord à cause des conséquences de cette affirmation doctrinale. Donc il est d'accord et il n'est pas d'accord. C'est typique de Mgr Lefebvre. Il ne veut pas accepter les conséquences pratiques de son affirmation doctrinale.

Et c’est d’ailleurs la deuxième condition.
 
• Il faut que nous acceptions que le Concile fasse partie intégrante de la Tradition, la Tradition apostolique. Mais là nous disons que la constatation de tous les jours nous prouve le contraire. Comment pourrait-on tout à coup dire que ce Concile est traditionnel ? Il faut avoir complètement changé le sens du terme ‘Tradition’ pour pouvoir dire une telle chose. Et effectivement on se rend bien compte qu’ils ont changé le sens du mot ‘Tradition’ ; car ce n’est pas pour rien qu’au concile Vatican II ils ont refusé la définition de saint Vincent de Lérins qui est la définition tout à fait traditionnelle : « Ce qui a été cru par tous, partout et toujours ».

Je ne sais pas d'où Mgr Fellay tire que Vatican II a « refusé » la « définition » de saint Vincent de Lérins. D'ailleurs cet événement, serait-il authentique, il ne prouverait rien contre les textes de Vatican II. Si le Pape décide que  le Concile Vatican II fait partie de la Tradition, je ne vois pas à quel titre, en vertu de quelle autorité, Mgr Fellay refuse d'écouter le Pape à ce sujet. Il semble qu'il invoque sa raison, ses constatations. Mais le seul argument de fait qu'il invoque est le prétendu refus de la formule de saint Vincent de Lérins extrinsèque aux textes. C'est une anecdote rapportées par on ne sait qui, et ne présente en tous cas qu'une importance très marginale. Il faut discuter des textes, pas des anecdotes rapportées par tel ou tel (de même qu'il ne faut pas croire les rumeurs au sujet du Pape, elles n'ont aucun intérêt).

Monseigneur poursuit :

« "Ce qui a été cru" est un objet. Maintenant, pour eux, la Tradition est quelque chose de vivant, ce n’est plus l’objet, c’est ce qu’ils appellent le « sujet Eglise », c’est l’Eglise qui grandit. C’est cela la Tradition, qui d’âge en âge fait de nouvelles choses, accumule ; et cette accumulation est une Tradition qui se développe, qui augmente. Ce sens est vrai aussi mais il est accessoire. »

La tradition est vivante parce qu'elle est représentée par un vivant et des vivants. Le Pape est vivant, il est dans l'histoire. Les évêques sont vivants, ils sont dans l'histoire. Lorsque le Pape parle, il prophétise. Il décide, il enseigne. La Tradition, c'est ce qui a toujours été cru, mais dont le père de famille vivant tire du neuf avec du vieux (Mt. 13, 52) . 

Profondément, ce qu'il y a derrière de reproche de Mgr Fellay, c'est la conviction que le Pape est moderniste.

Voici comment Monseigneur voit l'aggiornamento : Il pense que l'aggiornamento , c'est du modernisme. C'est le passage de Pascendi du pape saint Pie X auquel Monseigneur fait allusion : 

33. Et d'abord pour la foi. Commune à tous les hommes et obscure, disent-ils, fut la forme primitive de la foi: parce que précisément elle prit naissance dans la nature même et dans la vie de l'homme. Ensuite elle progressa, et ce fut par évolution vitale, c'est-à-dire non pas par adjonction de nouvelles formes venues du dehors et purement adventices, mais par pénétration croissante du sentiment religieux dans la conscience. Et ce progrès fut de deux sortes: négatif, par élimination de tout élément étranger, tel que le sentiment familial ou national; positif, par solidarité avec le perfectionnement intellectuel et moral de l'homme, ce perfectionnement ayant pour effet d'élargir et d'éclairer de plus en plus la notion du divin, en même temps que d'élever et d'affiner le sentiment religieux.
Pour expliquer ce progrès de la foi, il n'y a pas à recourir à d'autres causes qu'à celles-là mêmes qui lui donnèrent origine, si ce n'est qu'il faut y ajouter l'action de certains hommes extraordinaires, ceux que nous appelons prophètes, et dont le plus illustre a été Jésus-Christ. Ils concourent au progrès de la foi soit parce qu'ils offrent dans leur vie et dans leur discours quelque chose de mystérieux dont la foi s'empare et qu'elle finit par attribuer à la divinité, soit parce qu'ils sont favorisés d'expériences originales, en harmonie avec les besoins des temps où ils vivent. Le progrès du dogme est dû surtout aux obstacles que la foi doit surmonter, aux ennemis qu'elle doit vaincre, aux contradictions qu'elle doit écarter. Ajoutez-y un effort perpétuel pour pénétrer toujours plus profondément ses propres mystères.
Ainsi est-il arrivé, pour nous borner à un seul exemple que, ce quelque chose de divin que la foi reconnaissait en Jésus-Christ, elle est allée l'élevant et l'élargissant peu à peu et par degrés, jusqu'à ce que de lui finalement elle a fait un Dieu. Le facteur principal de l'évolution du culte est la nécessité d'adaptation aux coutumes et traditions populaires, comme aussi le besoin de mettre à profit la valeur que certains actes tirent de l'accoutumance. Pour l'Eglise enfin, c'est le besoin de se plier aux conjonctures historiques, de s'harmoniser avec les formes existantes des sociétés civiles.
Comparaison n'est pas raison contrairement suppose le discours de Mgr Fellay. Mgr Fellay ne voit pas que l'adaptation du discours aux circonstances nouvelles, n'est pas le changement de substance de la foi. Approfondissement n'est pas changement. A la décharge de Mgr Fellay, il faut dire qu'il est aidé dans son erreur par un certain nombre d'autorités catholiques qui, en fait, adhérent à cette idée du changement de substance de la foi. Par exemple lorsque Mgr Podvin attaque Pie IX (voir mon post sur la question). D'autres aussi prétendent que la chrétienté n'est plus permise, même en espoir, contre la doctrine du Christ-Roi. Alors que la doctrine de Vatican II ne condamne l'idée de chrétienté en rien, elle ne fait que l'affiner en faisant observer que le chrétien est solidaire de l'humanité entière, ce qui est dans l'évangile (Mt 7,12), donc que la chrétienté respecte les droits universels de l'homme qui comprennent la liberté religieuse. Vatican II est ainsi purification de la religion (condamnation de la doctrine de la tolérance religieuse, par exemple)

• En troisième point, il faut accepter la validité et la licéité de la nouvelle messe.
 J’avais envoyé à Rome les documents du Chapitre général, notre Déclaration finale qui est claire, et nos conditions pour éventuellement, lorsque cela viendra, être d’accord sur une possible reconnaissance canonique. Conditions sans lesquelles il est impossible de vivre ; ce serait se démolir tout simplement. Car accepter tout ce qui se fait aujourd’hui dans l’Eglise, c’est nous démolir. C’est abandonner tous les trésors de la Tradition.

On ne voit pas à quel titre Mgr Fellay voudrait imposer juridiquement son opinion selon laquelle le nouveau rite (ou, selon Summorum pontificum, la nouvelle forme du même rite) serait illicite et invalide. Il est de foi qu'un rite promulgué et édité par un Pape ne peut être scandaleux. L'Institut du Bon Pasteur démontre qu'il est possible de ne célébrer que selon l'ancien rite en restant en communion avec le Saint-siège. Mgr Fellay n'a aucun titre à imposer son opinion à l'Eglise universelle. De plus il affirme que le mouvement "traditionaliste" ne vit que des critiques et que sans les critiques, il meurt. Mais on ne vit pas pour critiquer, on vit par amour pour Celui qui nous aimé en premier (ce qui est fort rassurant, dans le fond). Il faut vivre pour édifier. Le mouvement traditionaliste peut vivre sans imposer ses opinions, ne serait-ce parce qu'il na pas autorité pour le faire. Il n'y a qu'une autorité doctrinale souveraine au monde : c'est le Pape et personne d'autre. En face de lui, les hommes ne peuvent invoquer juridiquement que leurs droits naturels et pas la foi.

Les lefebvristes ont été scandalisés par l'attitude des autorités ecclésiastiques qui ont bafoué les droits de fidèles, c'est vrai. Aussi je comprends les "traditionalistes", et les désapprouve en même temps. Il faut garder la foi malgré les scandales.

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