J'ai connu François Duprat si mes souvenirs sont bons de 1969 environ à 1972. J'étais un adhérent de "Ordre nouveau" et c'est à ce titre que j'ai fait sa connaissance.
J'ai participé avec lui au comité de rédaction de "Pour un ordre nouveau" et à la rédaction du programme du parti. Aujourd'hui cela me fait rire, car je pense que ce que je pensais et ce que je croyais alors n'a pas grand'chose à voir avec ce que je pense aujourd'hui. J'avais surtout le défaut de n'avoir pas de culture. Alors que à l'époque je n'étais même pas croyant, je passais pour un calotin dans ce curieux parti. Il avait voulu que j'écrive un article pour sa revue d'histoire du fascisme. Finalement je ne sais qui l'a écrit, mais il est paru sous mon nom, devenu un pseudonyme. C'est dire la délicatesse du personnage. Il était aussi très perspicace puisque c'est le premier à m'avoir compris comme un enfant maltraité, ce qui était vrai, mais que je ne savais pas. (Les enfants maltraités ne veulent pas avouer qu'ils le sont). Les enfants maltraités sont des proies faciles pour les hommes, ma vie me l'a confirmé.
Une biographie de Duprat vient de paraître. Elle le présente comme un militant d'extrême-droite pur et dur. Il me semble que ce n'est pas vrai. François Duprat était un marxiste, probablement trotskiste. Il a d'ailleurs milité à l'extrême-gauche et naviguait entre l'extrême-droite et l'extrême-gauche, pour finalement se fixer à l'extrême-droite car l'extrême-gauche l'avait, semble-t-il, passé à tabac, ce qu'il n'avait pas apprécié du tout. Il était profondément anti-raciste et anti-sémite. Il était athée "fanatique" m'a-t-il dit. Il n'était pas baptisé et il était anti-sémite parce qu'anti-chrétien. Les juifs et le christianisme sont profondément liés.
Moi, j'avais une formation anti-raciste et laïque en même temps que je m'étais formé une petite culture religieuse et j'avais été confirmé parce que je suivais les cours de religion catholique de l'aumônier (l'abbé Combaluzier, connu pour son theihardisme flamboyant) dont tout le monde se fichait dans ma famille, même mes parents. D'ailleurs à ma confirmation mes parents n'étaient même pas présents... et il n'y eut aucune fête, exactement comme pour ma prestation de serment d'avocat. Hänschen klein ging allein in die weite Welt hinein. (Le petit Jean, s'en allait seul dans le monde lointain). Sous le bombardement laïciste de mes professeurs et de mon père, je crois que j'avais fini par m'éloigner de la foi et de la religion. Mais je restais croyant et vaguement sympathisant de la foi catholique.
Duprat m'impressionnait (je suis toujours un petit peu petit garçon). Il me semblait avoir une science et une intelligence, sans commune mesure avec la mienne. Je le prenais pour un oracle... Il est vrai que les marxistes donnent toujours l'impression de tout savoir. Ah ! les idées "claires et distinctes" de Descartes, qui donnent l'impression d'avoir la "Science" !
Je ne crois pas non plus que Duprat ait pu inspirer quoi que ce soit à Jean-Marie Le Pen. Il a copié la technique communiste du "front" et a suscité le "Front national" dont le nom était repris d'ailleurs d'une organisation communiste de l'époque de la Libération...
L'idée est que se présenter sour l'étiquette du parti repousse bien d'éventuels sympathisants effrayés par les idées tranchées. Ce genre d'organisation permet aussi de limiter l'influence de l'anti communisme (ou de l'anti-fascisme dans le cas de l'extrême-droite, cas envisagé par Duprat). Il faut donc utiliser la technique du front. Dans le "front" sont présents des partis, des personnalités indépendantes, des associations civiques. C'est exactement la même technique que nous voyons mise en œuvre dans le "Front de gauche" par le parti communiste. La même technique que le Front de libération nationale (FLN) etc. Mais le vrai animateur du front est le parti. ("Il faut toujours être pour l'unité quand on est les plus forts" disait Duprat). Mélanchon, c'est le Le Pen du parti communiste, dans le fond. Mais je crois que Mélanchon n'a aucune chance de prendre le contrôle du "Front de gauche" qui restera une création du Parti communiste et sous son contrôle. Ici la technique du front marchera et elle semble même turbiner à plein tuyau (personne ne dit que Mélanchon est l'homme des communistes sans être du parti). Mélanchon est un fantoche.
Quand on voit ce qu'est devenu le "Front national", qui n'est qu'un parti, voire pas un parti, on mesure l'influence de la pensée marxiste de Duprat sur monsieur Le Pen... L'influence était nulle, les deux personnalités s'ignoraient intellectuellement. Bien que je ne sache pas ce qui s'est passé de 1972 à 1978, je ne vois pas pourquoi cela aurait pu changer. Duprat était un idéologue. Le Pen, lui, c'est tout autre chose. (Je ris amèrement quand je lis la prose de Daoudal à propos de Le Pen... Daoudal se moque du monde).
Duprat avait de nombreux ennemis partout où il passait. En bon marxiste, il n'avait pas beaucoup de scrupules... Il était en relation avec les polices dont il tirait des renseignements pour écrire ses articles dans Rivarol. Monneyait-il ces renseignements par ailleurs ? Il vivait dans la peur des attentats dont il parlait tout le temps, sans jamais menacer lui-même. Mais il vivait dans un milieu dangereux, cela l'obsédait.
J'ajoute que Duprat était un handicapé, il n'y voyait presque pas (il ne pouvait pas conduire) et il avait souffert, disait-on, d'une poliomyélite, il avait donc une jambe déformée, ce qui se voyait à sa démarche. Il était obèse.
J'ai écrit antisémite. A vrai dire, il était anti-sioniste fanatique parce que le sionisme est fondé sur la Bible et finalement sur la foi biblique. Mais il était en même temps anti-raciste. Il aimait beaucoup les arabes et les noirs, il n'avait rien à objecter à la franc-maçonnerie, ni à l'islam, il rêvait d'une confédération mondiale socialiste anti-sioniste et athée où tous les hommes seraient unis dans la détestation du judéo-christianisme. Il pensait aussi à la réussite personnelle et se voyait bien en responsable politique de haut niveau libéré des soucis d'argent.
Un jour, je lui ai dit "- François dans le fond tu es resté de gauche." Il a pâli, comme si j'allais lui révéler un secret qu'il ne voulait révéler à aucun prix. Je l'ai immédiatement rassuré, je n'avais aucun secret (Dieu m'en garde !), j'avais seulement des intuitions fondées sur des faits. Je crois qu'il m'aimait bien, me prenant pour ce que j'étais et que je suis encore à bien des égards.
La biographie de Duprat telle qu'elle semble avoir été écrite par Nicolas Lebourge et Joseph Beauregard me semble en revanche, à la lecture de la jaquette (un terme que j'ai appris de Duprat), me semble essentiellement fantaisiste, au moins sur le fond, car Duprat n'était pas de droite.
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