4.3.11

La justice contre les mathématiques ? Bref commentaire de l'arrêt de Cour de justice


Un arrêt de la Grande chambre de la Cour de justice des communautés européennes du 1er mars 2011 semble condamner les différences de traitements entre les hommes et les femmes en matière d'assurances.

Le contrat d'assurance est un contrat fondé sur les découvertes mathématiques en matière de statistiques. Les actuaires sont des mathématiciens qui effectuent des calculs statistiques, et, par ce moyen, évaluent les risques en fonction souvent (mais pas uniquement) du futur cocontractant (l'assuré). Le contrat d'assurance est tributaire de la raison mathématique.

Les critères de base qui sont des discriminations, notamment en matière d'assurance de personnes, des calculs mathématiques ne sont pas eux-mêmes mathématiques. Dès lors la question est peut-on prendre n'importe quel critère pour évaluer le risque ? Il semble bien que le facteur d'âge ne pose (pour l'instant) pas de problèmes. Il est évident que l'on a plus de risque de mourir à 80 ans qu'à 20. Partant le risque de décès est plus grand à 80 ans et son assurance va donc coûter plus cher. Il se peut que le risque soit si grand qu'il devienne inassurable (cas du trop grand âge, par exemple).

Mais en est-il de même du critère du sexe ? Statistiquement, les femmes sont plus prudentes en voiture et causent moins d'accidents. Les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Les femmes vont moins souvent, beaucoup moins souvent, en prison. Les femmes rendent des services non rémunérés comme lorsqu'elles sont enceintes et assurent ainsi le renouvellement de la population, avec les difficultés spéciales à la grossesse sans contre partie.

Si les femmes causent moins d'accidents, le coût de leurs contrats d'assurance responsabilité sera moindre. En revanche comme elles vivent plus longtemps le coût des rentes viagères est plus important pour elles que pour les hommes. Dans le cadre de l'assurance maladie, elles consomment plus de services médicaux, mais en partie cette surconsommation est due au service qui leur est propre et qu'elles seules rendent à l'ensemble de la population.

Les services de l'Europe veulent abolir le critère du sexe qui fondent les calculs actuariels (relatifs aux calculs des actuaires).

Il est constant que le but poursuivi par la directive 2004/113 dans le secteur des services d’assurance est, ainsi que le reflète son article 5, paragraphe 1, l’application de la règle des primes et des prestations unisexes. Le dix‑huitième considérant de cette directive énonce explicitement que, afin de garantir l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes, l’utilisation du sexe en tant que facteur actuariel ne devrait pas entraîner pour les assurés de différence en matière de primes et de prestations. Le dix-neuvième considérant de ladite directive désigne la faculté accordée aux États membres de ne pas appliquer la règle des primes et des prestations unisexes comme une «dérogation». Ainsi, la directive 2004/113 est fondée sur la prémisse selon laquelle, aux fins de l’application du principe d’égalité de traitement des femmes et des hommes consacré aux articles 21 et 23 de la charte, les situations respectives des femmes et des hommes à l’égard des primes et des prestations d’assurances contractées par eux sont comparables.

En clair le facteur "sexe" des calculs actuariels est interdit, il n'est que toléré pour un temps. Il est dés lors évident que le facteur "âge", le facteur "maladie" et tous autres critères de discriminations sont menacés. La directive ne distingue même pas entre les assurances de personnes et les assurances de dommages !

Dès lors le principe d'égalité risque de détruire tout un secteur économique qui est celui de l'assurance par corrosion du principe même de l'assurance qui repose sur l'évaluation d'un risque donc discrimination du risque à assurer qui est fonction, entre autres, du sexe, de l'âge, de l'état de santé, donc des particularités de la personne. Nous pouvons même penser que sur ce chemin toute résiliation du contrat fondée sur le trop grand nombre de sinistres (mais certains type de contrats, notamment le contrat d'assurance décès, ne connaissent aucun renouvellement de sinistres)

Le principe d'égalité corrode ainsi tout le droit de l'assurance. Il attaque aussi la liberté de la science.

En réalité, l'égalité des droits fondamentaux coexiste avec le principe de liberté contractuelle. Il est anormal que les assureurs ne puissent pas discriminer en fonction des critères statistiques qu'ils ont librement établis car c'est leur liberté contractuelle. Nous sommes en matière de droit privé (1).

Les rédacteurs du texte aberrant sur l'assurance (la directive 2004/113) auraient dû méditer l'article 17 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. (L'article 17 prévoit qu'il n'y a pas de liberté contre une liberté, il est la transcription de l'article 30 de la Déclaration universelle de 1948.)


(1) Autre chose est le problème de justice sociale qui doit faire en sorte que les femmes ne soient pas discriminées en raison des services non rémunérés qu'elles rendent à la société, mais cela doit être pris en charge par la société et non par les particuliers. L'assurance, en ce qu'elle est une activité privée, est régie par d'autres critères.

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