29.2.12

Liberté religieuse et droit de se syndiquer, pas de panique !




Dans un arrêt récent la Cour européenne des droits de l'homme a eu à trancher un différent entre l'église orthodoxe roumaine et ses employés de haut rang, dont des prêtres.

Sur le Salon beige est retranscrit la traduction d'un article de monsieur Introvigne. `Cet article est très critique à l'égard de l'arrêt de la Cour du 31 janvier 2012. Il considère que la liberté religieuse est attaquée.

L'auteur se scandalis de l'arrêt qui constate que le syndicalisme des prêtres n'est pas contraire à la foi orthodoxe. Il considère que nous sommes en présence d'une ingérence des juges laïcs dans les affaires religieuses. Non ! Il ne s'agit que d'un fait constaté par la Cour et pas d'une vérité de foi édictée par une juridiction laïque, ce qui serait contraire à la liberté religieuse. Une juridiction civile laïque peut toujours constater un fait.

La cour a relevé que le droit à se syndiquer avait existé dans la  jurisprudence roumaine.

http://cmiskp.echr.coe.int/tkp197/view.asp?item=1&portal=hbkm&action=html&highlight=Sindicatul%20%7C%20Pastorul%20%7C%20cel%20%7C%20Bun%20%7C%20c.&sessionid=87393434&skin=hudoc-fr

"84.  La Cour est consciente du contexte particulier de l’espèce, notamment de la place qu’occupe la religion orthodoxe dans l’histoire et la tradition de l’Etat défendeur. Toutefois, ce contexte ne saurait, à lui seul, justifier la nécessité de l’ingérence, d’autant que le syndicat requérant n’a nullement entendu contester cette place et que le droit des employés de l’Eglise orthodoxe de se syndiquer a déjà été reconnu, au moins à deux reprises, par les juridictions internes (voir les paragraphes 30 et 31 ci-dessus et, mutatis mutandis, Partidul Comunistilor (Nepeceristi) et Ungureanu c. Roumanie, no 46626/99, § 58, CEDH 2005-I (extraits))."

A mon sens le seul vrai problème qui n'a pas été invoqué par aucune des parties, ni soulevé par la cour est le conflit entre deux droits : celui de se syndiquer et celui à la liberté religieuse.

Le droit à la liberté religieuse étant un droit pivot (c'est parce que l'homme est un animal religieux en quête de vérité et capable de vérité, créé à l'image de Dieu, que la liberté religieuse est un droit pivot).

"Cette exigence de liberté dans la société humaine regarde principalement les biens spirituels de l’homme, et, au premier chef, ce qui concerne le libre exercice de la religion dans la société."

(Dignitatis humanæ & 1)

Il en résulte que seule l'Eglise a autorité en matière spirituelle et religieuse.

En revanche, le droit d'association est un droit plus périphérique. Pour tout ce qui regarde les conditions matérielles des employés, matière de justice, c'est l'œuvre de la raison de l'homme qui est maîtresse. Dès lors, si une limitation du droit d'association est justifiée par des considérations raisonnables relatives à la liberté religieuse, il peut être limité, mais si cette limitation n'est pas justifiée, elle doit être écartée, ce qui semble le cas de l'interdiction des syndicats dans l'église orthodoxe roumaine, laquelle ne repose pas sur des motifs de foi orthodoxe. L'arrêt n'a donc rien de totalitaire.

Il semblerait qu'il en serait différemment de l'Eglise catholique qui, de foi, se désigne comme mère et maîtresse de vérité (1) et peut donc ne tolérer aucun syndicat, conformément a un droit qu'elle tient de la liberté religieuse. Etant observé que l'arrêt de la cour laisse intact le droit pour un groupement religieux l'interdiction de l'existence de syndicat en son sein, si c'est fondé sur ses dogmes.  Le droit à se syndiquer est un droit moins pressant que le droit à la liberté religieuse, une foi peut donc interdire les syndicats au sein du groupement qu'elle fonde.


En conclusions, l'article retranscrit me paraît excessivement alarmiste.


(1) A cette Eglise, « colonne et fondement de vérité » (1), son saint fondateur a confié une double tâche : engendrer des fils, les éduquer et les diriger, en veillant avec une providence maternelle sur la vie des individus et des peuples, dont elle a toujours respecté et protégé avec soin la dignité. (Mater et magistra § 1 Jean XXIII)

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