17.4.10

Une question bien posée dans le discours de Ratisbonne


Il est de bon ton dans la presse, y compris dans la presse officiellement catholique comme "La croix" de dire que le pape est "maladroit".

En effet dans son "discours de Ratisbonne" du 12 septembre 2006 Benoît XVI citait le dialogue de Manuel II Paléologue avec un Persan au début du quatorzième siècle. Le Byzantin faisait observer au musulman que le djihad, l'imposition de la foi par la force était contraire à la nature raisonnable de l'homme car « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le Logos, est en contradiction avec la nature de Dieu ». C'est la conception chrétienne de la nature de Dieu qui nous a créé "à son image", lui qui est Logos, il nous a fait capable de vérité. Il y a une analogie, très lointaine, certes, mais certaine, entre notre esprit et Dieu lui-même. D'où cette conclusion inattendue : en n'agissant pas en conformité avec notre nature, nous contredisons la nature de Dieu.

Cela lui servait d'introduction et de conclusion à son propos sur le dialogue des cultures.

Selon le pape le dialogue des cultures ne peut se faire que par la raison, faculté universelle de l'homme, appliquée aux grands questionnements métaphysiques

Ce dialogue nécessite une conversion préalable de l'Occident. Nécessaire conversion de cet Occident, car il est appliqué, dans un courant de pensée devenu dominant chez lui, à nier la possibilité pour la raison d'accéder aux vérités métaphysiques et, pire encore, appliqué à imposer cette "vérité" comme une donnée UNIVERSELLE de la raison elle-même.

Or le danger de cette négation universelle c'est qu'elle interdit tout dialogue des cultures car les cultures religieuses considéreraient, à juste titre, cette négation universelle comme un outrage (la religion serait une sous-culture, sous culture échappant à la raison donc en proie à l'arbitraire). Benoît XVI défend ici la valeur de l'islam pour l'Occident.

L'écoute des traditions et des grandes intuitions religieuses, particulièrement de la tradition chrétienne (mais pas exclusivement) est une nécessité préalable au dialogue des cultures.

En d'autres termes, la raison métaphysique est le seul élément universel fondant un dialogue.

Les médias font un contre-sens sur la signification profonde du discours qui n'est pas tant une critique "maladroite" de l'islam qu'une exhortation de l'humanité à sortir de l'impasse superstitieuse dans laquelle elle s'est enfermée : interdiction de la métaphysique à la raison.

Et pour ne pas rester dans une note négative, le pape fait observer que l'esprit scientifique de soumission à la vérité et la constatation de la structure rationnelle de la matière forment un fil pour sortir de cette impasse. Ce "fil" introduit la question rationnelle subséquente "pourquoi notre esprit découvre-t-il une structure rationnelle dans la matière ?"

Benoït XVI conclut sur l'idéologie occidentale que la raison scientifique
"doit tout simplement accepter comme un donné la structure rationnelle de la matière tout comme la correspondance entre notre esprit et les structures qui régissent la nature : son parcours méthodologique est fondé sur ce donné. Mais la question « pourquoi en est-il ainsi ? » demeure."

C'est ce que faisait observer Einstein : "Ce qui est incompréhensible, c'est que le monde soit compréhensible." J'oserais ajouter : "Ce qui est incompréhensible, dans une perspective positiviste, c'est que le monde soit compréhensible." Cette constatation avérée nécessairement contenue dans la méthode scientifique au titre de principe, est déjà de l'ordre de la métaphysique, c'est aussi un principe nécessaire au dialogue des cultures.

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