Je ne voudrais pas que l'on en retire l'impression que je suis foncièrement hostile à tout ce qu'a écrit Madiran.
C'est lui par exemple qui m'a fait découvrir Gilson. Ce n'est pas son moindre mérite que d'avoir fait remarquer ainsi l'importance de Gilson. Cela va un peu contre Maritain. Madiran semble le réduire au rôle subalterne de "professeur de philosophie", selon le mot de Schopenhauer, "le philosophe parle des choses, mais le professeur de philosophie parle de philosophie." Gilson p. 31 Difralivre 1992. "Gilson a été à la fois professeur et philosophe, ce qui le sépare de Maritain, excellent professeur à ses heures et trop souvent mauvais philosophe." Ibidem
C'est un peu dur, comme souvent chez Madiran. Moi, j'aime Maritain dans ce que j'ai lu de lui, j'aime aussi Gilson.
Ce post, c'est pour bien expliquer que la critique de Madiran au sujet de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 dans son l'article 3 n'est pas rien, elle est très pertinente.
"Art. 3. -
Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la Nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément."
Cet article 3 a rendu possible les dérives totalitaires du national-socialisme et des soviets. Il n'y a pas de souveraineté de la Nation. La Nation est soumise à la morale et aux droits de l'homme. Je ne suis pas sûr que l'idée exprimée par la phrsae ci-dessus soit intégralement de Madiran, elle est plutôt des papes depuis Jean XXIII.
D'autre part, et là c'est la critique de Madiran, l'autorité ne peut venir que de Dieu. Il en profite, à tort, pour critiquer les nouveaux papes qui semblent l'ignorer, ou faire semblant.
Que l'autorité vienne de Dieu est une garantie pour le peuple car il y voit une garantie d'égalité de tout être humain (ce n'est pas en raison de leur valeur, ou des sympathies qu'ils suscitent que les grands gouvernent) et une garantie de morale (l'autorité perd toute force si elle s'écarte du droit naturel). C'est la doctrine de saint Paul retransmise par Léon XIII dans Diuturnum Illud "sur l'origine du pouvoir civil", mais qui peut s'appliquer à toute autorité humaine.
C'est un immense mérite de Madiran d'avoir fait remarquer cette difficulté. Il a l'immense mérite de s'être écarté de l'idolatrie de cette "Déclaration".
Toutefois sa critique acerbe des papes et du clergé, fondatrice de l'intégrisme, tombe à faux comme je le démontre ci-dessus.
Mais il y a de pure perle chez Madiran : notamment cette idée que "La pensée est une histoire" ibidem p. 106.
Il s'agit bien sûr de la pensée de l'humanité. Depuis les origines jusqu'à nos jours la pensée est une histoire. L'expansion du savoir de l'humanité rend impossible que personne au monde soit aujourd'hui un penseur universel (en ce sens qu'il possèderait toutes les matières) ; mais cela rend nécessaire que nous connaissions, du mieux que nous le pouvons, cette histoire.
Nous pouvons voir aussi que notre pensée personnelle est une histoire, si chacun d'entre nous résume en lui l'humanité entière.
Ce qui fait l'inégalité de la pensée de Madiran, c'est son esprit idéologique hérité sans doute de Maurras ; par exemple dans son exposé sur la loi naturelle selon mon post précédent. Si la pensée de l'humanité est une histoire, cette pensée n'est pas uniquement philosophique ou plus précisément métaphysique, mais également celle des matière connexes que sont la morale et le droit.
La morale et le droit sont aussi une histoire, cette histoire commencée dès l'origine de l'humanité se poursuit jusqu'à nos jours. Il convient aussi de connaître cette histoire pour pouvoir parler de l'actualité et progresser.
Bref, Madiran nous met sous les yeux de joyaux de pensée, mais sa passion rendent ses jugements très durs, ses raisonnements souvent hâtifs, sa culture est "à trous", c'est pourquoi je le trouve très inégal.
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