Monsieur Madiran est un des principaux théoriciens de l’intégrisme. Mgr Lefebvre, l’abbé Aulagnier et les autres n’ont souvent fait que le suivre.
Monsieur Madiran a écrit un opuscule intitulé « Court Précis de la Loi Naturelle selon la doctrine chrétienne » Revue Itinéraires dépôt légal janvier 1995.
Selon cette idéologie, en effet, rien ne compte depuis saint Thomas d’Aquin les changements, les adaptations aux circonstances, les progrès de la morale et de la théologie sont ignorés. Certains comme l’abbé Zins vont chercher chez les pères de l’Église l’unique règle de la foi et dans le fond, c’est le lot de tous les intégristes. Ils ne reconnaissent pas le magistère vivant de l’autorité ecclésiastique actuelle, vivante qui est seule juge de la doctrine morale.
Ainsi Monsieur Madiran va écrire tout son opuscule à partir de saint Thomas d’Aquin (mort en 1274) pour ses lecteurs de 1995, sans aucun égard à la théologie morale résultant d'écrits ultérieurs.
Il ignore complètement la notion de loi positive. Or la loi positive dépend de la volonté arbitraire (jusqu’à un certain point, il faut qu’elle ne soit pas contraire à la raison) de l’autorité qui l’édicte. Il existe une loi divine positive : par exemple celle de Moïse (la circoncision, les interdits alimentaires etc.), ou celle de Jésus-Christ la loi du baptême. Des lois positives ecclésiastiques (exemple les lois pénitentielles), des lois positives civiles et pénales.
Or pour l’intégriste n’existe que la loi naturelle, tout le reste n’a de loi que le nom et est soumis à l’appréciation arbitraire de celui qui y est assujetti.
Alors, vous pensez les prescriptions de l’autorité, les préceptes des parents, il les juge. Car la loi naturelle est le critère et le seul critère. Or si la loi positive ou l’ordre d’un supérieur est jugé (et cela arrive facilement) contraire à la raison ou à la loi naturelle, il n’existe pas. C’est la doctrine lefebvriste de l’obéissance. De ce fait, bien sûr, c’est celui qui est raisonnable (Monsieur l’abbé le plus souvent) qui détient la véritable autorité dans la famille, dans l’État etc.
Pas plus que les préceptes des parents, (le plus souvent du père, car les intégristes catholiques s’appuient sur les femmes qu’ils bernent et corrompent), les lois de police n’ont de valeur morale.
Or selon la morale catholique les lois de police sont obligatoires en conscience. Je donne la définition de la loi de police dans son acception utile à mon propos : « ensemble des règles imposées par l’autorité publique aux citoyens en vue de faire régner l’ordre, la tranquillité et la sécurité dans l’État. Ex. loi de police et de sûreté (C. Civ. A. 3) » cette définition est celle du Vocabulaire Juridique Éditions PUF par Gérard Cornu mars 1987)
A l’appui de ce que je dis je pourrais citer le P. Jones (Précis de Théologie Morale Catholique), je préfère citer Gaudium et Spes :
« Un grand nombre ne craignent pas de se soustraire, par divers subterfuges et fraudes, aux justes impôts et aux autres aspects de la dette sociale. D'autres négligent certaines règles de la vie en société, comme celles qui ont trait à la sauvegarde de la santé ou à la conduite des véhicules, sans même se rendre compte que, par une telle insouciance, ils mettent en danger leur propre vie et celle d'autrui. »
Gaudium et Spes 07 décembre 1965
Si vous n'êtes pas soumis aux lois de police, c'est-à-dire « ensemble des règles imposées par l’autorité publique aux citoyens en vue de faire régner l’ordre, la tranquillité et la sécurité dans l’État. » On voit quel citoyen vous pouvez être.
Alors que pour le catholique, Dieu s’incarne dans l’autorité, dans la loi, pour l’intégriste l’homme n’est soumis qu’à Dieu dans les dix commandements et selon son jugement propre. En effet selon les Exercices Spirituels de saint Ignace (comme ils les interprètent) le pape, les évêques, le chef de l’Etat, les gendarmes et les juges n’ont qu’une autorité préalablement jugée par l’individu à qui elle s’adresse.
Je ne vois pas d’autre passage plus exemplaire que celui-là dans l’opuscule de Madiran « (…) il n’y a rien dans la loi naturelle qui ne se ramène à l’un des dix commandements du Décalogue. C’est la tâche notamment des philosophes, des législateurs et des juristes d’étudier jusque dans le détail tout ce qui est conforme à la raison et à la nature de l’homme » (pp. 23 et 24)
Cette formulation suggère que le travail des juristes actuels ne serait que de traduire en détail la loi naturelle. Comme si le travail de tout juriste était d'écrire pour l’éternité !
C’est ignorer les circonstances mouvantes dans lesquelles se trouve la société. C’est ignorer aussi la part d’arbitraire que comporte la loi positive ou le précepte, mais l'arbitraire ne leur enlèvera pas leur caractère obligatoire.
C’est ignorer le travail du conseil juridique et du juge qui créent le droit pour les particuliers, mais un droit mouvant, prudentiel, adapté au circonstances et auquel le particulier notamment devra nécessairement se soumettre.
Tout ce travail n’est pas purement arbitraire bien sûr et le droit naturel doit éclairer tous les juristes, mais ignorer totalement les circonstances, la contingence et la société conduit un individualisme asocial.
Car comme il s'infère de l'assertion de Madiran que les lois de détails et les décisions des autorités (y compris celles du père de famille) doivent n'être que la traduction du droit naturel sans qu'il ne soit fait place aux circonstances et à l'arbitraire de l'autorité (pourtant nécessaire), la doctrine intégriste fait de celui qui y adhère, un asocial par refus de communion avec ses frères.
2 commentaires:
Bel éclairage sur l'intégrisme, qui est à mon sens une véritable psychopathologie.
Il n'est pas faux seb que par son asocialité l'intégrisme peut avoir des rapports avec un pathologie psychique.
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