Bien que le français soit une des quatre langues officielles du Tribunal de Nürnberg, on peut considérer que l'anglais était, de fait, la langue authentique sur laquelle les traductions étaient opérées.
Comparons donc les versions française et anglaise officielles de l'article 19 du Statut du Tribunal du 8 août 1945:
Article 19
Le Tribunal ne sera pas lié par les règles techniques relatives à l'administration des preuves. Il adoptera et appliquera autant que possible une procédure rapide et non formaliste et admettra tout moyen qu'il estimera avoir une valeur probante.
Article 19
The Tribunal shall not be bound by technical rules of evidence. It shall adopt and apply to the greatest possible extent expeditious and non-technical procedure, and shall admit any evidence which it deems to have probative value.
Je propose ma propre traduction de l'anglais :
« Le Tribunal ne sera pas lié par les règles techniques de preuve. Il adoptera et appliquera autant que possible une procédure d'administration de la preuve expéditive et non technique, et admettra toute preuve qu'il estimera avoir une valeur probante. »
Le tribunal était invité à être partial et à considérer comme preuve des crimes donc fournies par l'accusation, des documents en réalité sans valeur.
Le tribunal pouvait ainsi admettre comme « preuve » des rumeurs, des articles de journaux de propagande, des «témoignages » délirants etc. Il était dispensé d'ordonner des expertises techniques, de pratiquer ou faire pratiquer des reconstitutions, d'organiser des confrontations etc.
Cet article 19 laissait une grande liberté au tribunal en ne faisant que l'inviter à agir, mais, pire, l'article 21 liait le Tribunal en lui interdisant de discuter certaines « preuves ». Il était tenu d'admettre certaines preuves fournies par l'accusation.
En effet, l'article 21 disposait que le Tribunal
devait considérer comme établis certains faits allégués par l'accusation. C'est le sens de l'expression anglaise
Take judicial notice". Il devait considérer les faits allégués par l'accusation comme authentiques, sans possibilité de faire vérifier les allégations contenues dans les rapports, soviétiques par exemple.
A fortiori les accusés ne pouvaient pas contester les faits. Le Tribunal n'était plus saisi que de l'imputabilité des faits et, en cas d'imputabilité aux accusés, du quantum de la peine à infliger. Encore que l'imputabilité ne pouvait être discutée que dans une certaine mesure puisque par exemple les crimes de Katyn devaient être imputés aux Allemands, au gouvernement allemand. L'imputabilité ne pouvait être discutée que relativement aux personnes physiques dans la mesure où elle n'avaient pas été déjà condamnées par d'autres tribunaux alliés, cas dans lequel même cette imputation devenait indiscutable.
Voici le texte de cet article 21 en anglais :
« Article 21
The Tribunal shall not require proof of facts of common knowledge but shall take judicial notice thereof. It shall also take judicial notice of official governmental documents and reports of the United Nations, including the acts and documents of the committees set up in the various Allied countries for the investigation of war crimes, and the records and findings of military or other Tribunals of any of the United Nations. »
Ainsi non seulement le Tribunal pouvait s'affranchir des règles d'établissement des preuves, mais encore il lui été fait obligation de considérer comme moyens de preuve le liant, des rapports établis par les puissances ennemies des accusés et des décisions judiciaires des alliés ennemis des accusé. Par exemple les décisions judiciaires rendues par les juridictions soviétiques faisaient foi sans discussion possible des fait qu'elles avaient en quelque sorte « authentifiés ». Sans discussion possible même des accusés ou de leurs avocats. On peut d'ailleurs penser que ceux qui contesté ce mode d'établissement des preuves, auraient pu alors être traités, c'est une interprétation possible, comme des perturbateurs et expulsés (article 18 c). Le principe du contradictoire était complètement ignoré par les rédacteurs de ce statut. Mais comme le fait remarquer monsieur Reynouard dans une de ses vidéos, c'était des "nazis", donc... J'ajoute c'était des nazis, donc... pas de droits de l'homme...
Il existe une terrible disproportion entre la portée des décisions prises par ce « tribunal » et la désinvolture affichée dans l'administration des preuves qui fonde ces mêmes décisions. Car cette affaire conditionne aujourd'hui notre ordre public universel et reste invoquée à longueur de journée, y compris par les officiels du Vatican dont le pape François.
Pourtant, les décisions judiciaires prises dans ces conditions étaient et restent sans valeur morale au regard du droit des gens et des droits de l'homme. Ceux qui ont participé à cette parodie de justice se sont déshonorés à jamais, car morts aujourd'hui ils ne peuvent plus, le scandale ayant été public, faire une pénitence publique.
L'humanité de 2014 doit condamner l'ensemble des textes et décisions judiciaires de 1945-1946. La condamnation sera une conséquence, entre autres, de la nullité absolue des textes qui les ont fondés.
Il faudra une longue pénitence pour purifier l'humanité de cette tache qui la souille depuis environ 70 ans.