24.10.07

Le secret des tribunaux en France et au Canada

Un arrêt de la Cour suprême du Canada, (signalé par Mme Preuss-Laussinote du CREDA) du 11 octobre 2007 que l'on peut consulter en français ici :

http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/2007/2007csc43/2007csc43.html

a l'intérêt de nous faire pénétrer dans une atmosphère juridique bien différente de celle des tribunaux français.

On respire ici, un air plus pur, une ambiance plus sereine. Les discussions sont des discussions de philosophie morale, vraiment libres. Les décisions française enfermées dans des principes absurdes et restrictifs de la liberté comme celui de ne pas pouvoir invoquer l'autorité de la jurisprudence, alors qu'elle fait l'objet de perpétuelles discussions et est omniprésente dans les préoccupations du juge et des auteurs, traduisent une ambiance judiciaire de dissimulation irrespirable.

Voici l'avis d'un juge dissident (le juge Le Bel) à propos du secret nécessaire à la protection des "indicateurs de police".

Ce qui m'intéresse ici, c'est ce principe de la discussion libre par le public des décisions de justice. Ce principe pour entrer en application entraîne un corollaire qui est celui de la publicité de la justice.

Voici le paragraphe un peu technique (mais le droit est nécessairement technique) :

"Reconnu bien avant son adoption, le principe de la publicité des débats judiciaires est maintenant consacré par la Charte canadienne des droits et libertés. Cette reconnaissance découle du lien qu’entretient ce principe avec le droit à la liberté d’expression. Le public doit avoir accès aux tribunaux afin de pouvoir s’exprimer librement sur leur fonctionnement et sur les affaires qui y sont débattues, et le droit à la liberté d’expression garanti à l’al. 2b) de la Charte protège non seulement le droit de s’exprimer sur un sujet, mais aussi celui de recueillir les informations nécessaires à une activité d’expression. Le principe de la publicité de la justice a également pour corollaire le droit de la presse d’avoir accès aux tribunaux et de publier des informations sur leur fonctionnement. Cependant, ce principe n’est pas absolu. Le privilège de l’indicateur de police constitue une limite au principe de la publicité des débats judiciaires mais, comme toute autre règle, ce privilège est assorti d’exceptions qui ne se limitent pas qu’à celle où l’accusé pourrait être empêché de démontrer son innocence. Il est plus conforme à la logique de la common law et aux valeurs de la Charte de reconnaître que le juge du procès conserve toujours le pouvoir discrétionnaire (à moins que la loi ne le lui retire) de permettre ou d’ordonner la communication d’informations susceptibles de permettre l’identification d’un indicateur de police dans les rares cas où le juge sera convaincu qu’une telle communication servirait mieux l’intérêt de la justice que le maintien du secret."

En quelque sorte ce juge dit 1) principe de la liberté d'expression entraîne ce corollaire 11) principe de la publicité de la justice 111) exception au principe de la publicité : le privilège de l'indicateur de police 1111) retour au principe de la publicité dans les cas où le juge nécessaire et où il y est autorisé par la loi.

Le raisonnement juridique est une sorte de labyrinthe ou si l'on veut de poupées russes mais plus compliqué que les poupées russes comme si la grosse surveillait la petite. Il faut tout garder en même temps à l'esprit.

On comparera la liberté qui règne au Canada avec l'article 434-25 du Code Pénal :

"Le fait de chercher à jeter le discrédit, publiquement par actes, paroles, écrits ou images de toute nature, sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance est puni de six mois d'emprisonnement et de 7500 euros d'amende.
Les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas aux commentaires techniques ni aux actes, paroles, écrits ou images de toute nature tendant à la réformation, la cassation ou la révision d'une décision."


Le discrédit, c'est le fait de faire perdre à quelqu'un le crédit dont il jouissait.

Cela crée un principe de non critique des décisions des tribunaux qui admet certes de larges exceptions, mais ne serait-il pas judicieux de supprimer cet article qui n'a pas empêché le discrédit de la magistrature française.

Les lois anglo-saxonnes sur la liberté présentent une évidente supériorité sur la loi française.

Comme toujours la liberté des esprits permet une bien meilleure qualité de la réflexion.

Une libération du carcan judiciaire où les juges, les avocats, les journalistes et le public sont constamment sous la menace est nécessaire en France.

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