14.10.07

Affaire Mohamed S. : la France condamnée pour violation du droit à la vie.

Appelés par la famille Saoud, les policiers interviennent dans un appartement de Toulon, où le fils Mohamed, atteint de maladie mentale, s’en prenait violemment à sa mère, et à ses deux sœurs.

Les policiers interviennent par le balcon car la porte blindée de l’appartement est fermée et Mohamed a les clés. Ils libèrent une des deux sœurs à laquelle s’en prenait Mohamed à coups de barre de fer après l’avoir ligotée.

Voici le récit des faits extrait de l’arrêt de la Cour, Strasbourg du 09 octobre 2007 :

13. Vers 10 heures 55, les policiers décidèrent de donner l'assaut par le balcon tandis qu'un moniteur de tir de la police nationale faisait usage d'un « flash-ball » (arme utilisant des balles en caoutchouc), avec lequel il atteignit Mohamed Saoud deux fois à l'abdomen.

14. La virulence de ce dernier ne faiblit que momentanément et il asséna plusieurs coups de barre de fer à un officier de police, qu'il blessa gravement aux mains, lui fracturant également le poignet gauche. Il atteignit à l'épaule un autre policier et en fit tomber un troisième dont les collègues amortirent la chute de la hauteur du balcon.

15. Le policier atteint à l'épaule parvint néanmoins à ceinturer Mohamed Saoud et un corps à corps violent s'ensuivit, au cours duquel, bien que maintenu au sol par un policier, le jeune homme parvint à s'emparer du revolver de service placé dans son étui et retenu par une dragonne, et tira quatre coups de feu au ras du sol, perforant la chaussure de l'un des policiers avant d'être désarmé.

16. Les premiers policiers, blessés, furent remplacés par leurs collègues qui, ne parvenant pas à menotter Mohamed Saoud dans le dos, le menottèrent les bras en avant, le maintenant plaqué au sol sur le ventre par la pression de leur poids. Un premier policier le maintint aux poignets, le deuxième aux chevilles et le troisième plaça ses bras tendus sur les épaules du jeune homme ainsi que son genou sur les reins. Mohamed Saoud avait également les chevilles entravées.

17. Selon les requérants, Mohamed Saoud aurait reçu de nombreux coups de la part des sept ou huit policiers venus en renfort, alors qu'ils tentaient de le menotter, puis une fois qu'ils y furent parvenus.

18. A leur arrivée, les sapeurs pompiers, obligés à leur tour de pénétrer dans l'appartement par le balcon, dispensèrent les premiers soins aux policiers blessés, attendant, au vu de la vigueur encore témoignée par Mohamed Saoud, l'intervention d'un médecin du service d'aide médicale urgente (SAMU), non encore présent, pour lui administrer un calmant.

Mohamed Saoud décéda du fait, semble-t-il, de l’immobilisation prolongée au sol (Trente cinq minutes) par le poids d’un policier pour le maîtriser.

La mère et les sœurs de Mohamed (vingt-six ans au moment de sa mort) se sont pourvues contre la France (après épuisement des voies de recours en France) devant la Cour Européenne.

Elles ont obtenu

« a) que l'État défendeur [la France]doit verser aux requérants [la mère et les sœurs et les frères] conjointement, dans les trois mois à compter du jour où l'arrêt sera devenu définitif conformément à l'article 44 § 2 de la Convention, 20 000 EUR (vingt mille euros) pour dommage moral et 5 000 EUR (cinq mille euros) pour frais et dépens, plus tout montant pouvant être dû à titre d'impôt ;
b) qu'à compter de l'expiration dudit délai et jusqu'au versement, ces montants seront à majorer d'un intérêt simple à un taux égal à celui de la facilité de prêt marginal de la Banque centrale européenne applicable pendant cette période, augmenté de trois points de pourcentage ; »

Le fondement juridique de l’arrêt de la Cour est l’article 2 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme

Article 2

« 1. Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi.

2. La mort n'est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d'un recours à la force rendu absolument nécessaire :

a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ;
b)
pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue (...) »

Il ne semble pas que la mère et les sœurs de Mohamed, pourtant présentes sur les lieux, n’ont demandé au policier de cesser sa contrainte. Elles devaient estimer, alors, que la contrainte était nécessaire. C’est un argument qui n’a pas été invoqué par le représentant de la France.

Nos policiers exercent décidément une profession difficile, très difficile.

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