29.10.13

Romanus pontifex et la doxa sur l'esclavage

La bulle Romanus pontifex fut prise le 8 janvier 1454, soit quelques mois après la chute de Constantinople (29 mai 1453).

Elle fait l'objet d'un traitement spécial car elle autoriserait l'esclavage des "Sarazins".

Voici ce qu'en écrit wikipedia :

« Romanus pontifex est une bulle pontificale fulminée le 8 janvier 1454 par le pape Nicolas V, écrite dans le contexte de l'essor de l'Empire ottoman, qui ferme aux chrétiens l'accès terrestre à l'Extrême-Orient et aux Indes1, et de la chute de Constantinople en 1453.
Elle concède au Portugal l'exclusivité du commerce avec l'Afrique2 et encourage Henri le Navigateur à soumettre au christianisme, éventuellement par la force, les « sarrasins et autres infidèles »3, comptant sur les progrès des conquêtes pour obtenir des conversions4. »

Ce "résumé" est fantaisiste.

Je n'ai pu me procurer la version originale en latin de cette bulle qui n'est, à ma connaissance, accessible sur Internet qu'en traduction anglaise. Mon ami monsieur Massimo Introvigne m'en a fourni un extrait en italien dont je retraduis un passage en français.

Le Pape concède certains territoires nouveaux inconnus (il tient à préciser qu'il le fait librement et sans demande préalable).

Il attribue ces territoires à un roi du Portugal (Henri dit le Navigateur) ainsi que tous les biens des Sarrazins et autres ennemis du Christ (il fallait donc qu'ils soient ennemis du Christ, il n'est nullement précisé une race). Il lui permet de réduire lesdits Sarrazins et autres ennemis du Christ et en tant qu'ennemis du Christ, à l'esclavage perpétuel (du moins si l'en croit le traducteur). La réduction des prisonniers de guerre (non chrétiens en l'occurrence) en esclavage faisait partie du droit de la guerre.

C'est au titre de l'autorité apostolique que Nicolas V attribue ces territoires et autoriserait la mise en esclavage des ennemis du Christ.

1) Contrairement à ce que l'on pourrait croire ce n'est pas de l'« augustinisme politique », mais usage de l'autorité apostolique.

2) Contrairement à ce que l'on dit, il n'est nullement fait mention de race. D'ailleurs Nicolas V mentionne les nombreuses conversions et baptêmes conférés comme un bon résultat des conquêtes portugaises précédentes et ne parle évidemment pas de mettre en esclavage les nouveaux baptisés qui n'étaient et n'avaient jamais été des ennemis du Christ.

3) Ce n'est pas la faute du Pape si les souverains laïcs ont ultérieurement pratiqué un trafic d'esclaves (et non une mise en esclavage fondée sur de tout autres critères).

Vatican II a rappelé cela :

36 « En effet, le Seigneur désire étendre son règne également avec le concours des fidèles laïcs ; son règne qui est règne de vérité et de vie, règne de sainteté et de grâce, règne de justice, d’amour et de paix [115], règne où la création elle-même sera affranchie de l’esclavage de la corruption pour connaître la liberté glorieuse des fils de Dieu (cf. Rm 8, 21). Grande vraiment est la promesse, grand le commandement donné aux disciples : « Tout est à vous, mais vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu » (1 Co 3, 23). »
36 « car aucune activité humaine, fût-elle d’ordre temporel, ne peut être soustraite à l’empire de Dieu. »


D'autre part, je rappelle que j'ai établi (dans un post précédent) que le Pape avait, selon le droit canon actuellement en vigueur, un empire immédiat sur l'ensemble des fidèles (donc des chefs d'États et des simples citoyens). C'est donc la soumission au Pape, représentant de Dieu sur terre, fondée sur la foi et la raison (donc respectueuse des droits universels de l'homme) qui fait la chrétienté.

Il paraît que Renan disait que la doctrine catholique était une construction faite de blocs de granit retenus entre eux par des crampons d'acier... Elle n'a changé, ni avant, ni après Vatican II.

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