8.7.13

Le Vatican n'a pas rejeté l' « augustinisme politique »

Lu sur le Salon beige (de monsieur Guillaume Bernard) :


« Avec doigté et diplomatie, les Souverains pontifes ont essayé de définir, à destination des titulaires du pouvoir politique, une « saine laïcité » (expression utilisée par Pie XII en 1958) acceptable pour l’Eglise catholique : rejetant l’augustinisme politique, elle s’appuie sur la distinction évangélique des domaines spirituel et temporel préservant, ainsi, les domaines de compétence, différents et légitimes, de l’Eglise et de l’Etat. Cette approche a été développée par l’Eglise à une époque où la laïcité perdait quelque peu son caractère agressif envers le catholicisme. En effet, plusieurs étapes sont généralement distinguées dans l’histoire de la laïcité. Après une période d’agressivité (laïcité de combat), un modus vivendi s’est peu à peu dégagé (laïcité-neutralité) pour aboutir, selon certains, à une certaine maturité et donc à la possibilité de mettre en place des relations non plus de défiance mais de collaboration entre le politique et le religieux : c’est la « laïcité positive » (le politique y trouvant un intérêt puisque le religieux contribue culturellement, au-delà du cultuel, à la solidité du lien social). »

On peut objecter à ce texte que les papes enseignent une doctrine unique, sans chercher à biaiser et sans rien sacrifier de celle-ci aux circonstances. Il est illégitime de croire trouver une évolution dans les doctrines des papes. Cela quant à la forme.



Quant au fond, l'expression "augustinisme politique" semble désigner la cité catholique, la « cité de Dieu » telle qu'en traite saint Augustin dans son fameux ouvrage du même titre.

Pris dans ce sens, le Vatican n'a pas "abandonné l'augustinisme politique".

Il a simplement rappelé l'ordre existant entre les différentes notions morales et juridiques universelles. Cet ordre avait pu être brouillé par l'histoire.

Voici comment, selon moi, on peut réordonner les notions de laïcité et de doctrine catholique :

L'État est laïc par essence. L'Église, donc les clercs ou encore plus précisément l'Église enseignante, est seule chargée de l'enseignement de la doctrine religieuse.

Les laïcs jouissent de l'autonomie nécessaire et suffisante pour  s'organiser. Ils ne peuvent avoir plus de droit en groupe (l'État) qu'ils n'en ont individuellement. En conséquence, l'État est laïc. En conséquence, il ne peut avoir pour mission d'enseigner une religion. Il s'immisce illégitimement dans des domaines qui ne sont pas les siens s'il se met à enseigner une doctrine religieuse (quelle quelle soit).

Mais l'État, comme tout laïc, peut professer une religion, dans la mesure où cette religion n'entre pas en contradiction avec la raison universelle de l'homme qui fonde son action. C'est pourquoi, une société laïque peut confesser la foi catholique et décider de s'organiser, les droits de l'homme étant saufs, selon la foi catholique en décidant librement d'écouter l'Église (donc, la religion catholique comme religion confessée par l'État est possible). C'est même pour la société politique une obligation morale (qui ne peut être une obligation juridique, mais qu'elle a la faculté d'adopter, dans le domaine d'appréciation libre. La société politique particulière édicte un ordre public qui lui est particulier dans le cadre d'un ordre public universel.).

Il n'y a donc aucun abandon de l'augustinisme politique, et encore moins sa condamnation. Il y a clarification.

Ce que j'écris ci-dessus n'est pas le fruit de mes propres réflexions, mais découle principalement de l'enseignement de Gilson sur les ordres de la connaissance, de Dignitatis humanæ, du Syllabus, de Quas primas, et des enseignements du cardinal Bertone, des notions d'ordre public absolu et d'ordre public relatif, des enseignements de l'Église sur la cléricature et la laïcité, des enseignements de Jean-Paul II sur la foi et la raison et sur l'ordre public ainsi que des enseignements de l'histoire, notamment de l'histoire de l'Ancien Régime. En feuilletant mon blog, on peut retrouver l'ensemble de la mise en ordre des concepts politiques, juridiques et moraux à la lumière de ces différents auteurs et textes (en tapant dans le moteur de recherches : "cardinal Bertone", "Dignitatis humanæ", "liberté religieuse", "ordre public", "syllabus", "droits de l'homme" etc.)

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