La laïcité est avant tout une notion négative. Les laïcs dans la doctrine chrétienne et juive sont ceux qui n'enseignent pas la religion. Ils n'enseignent pas les mystères de la religion, ils n'enseignent pas la foi, ils reçoivent cet enseignement des clercs ("clerc" : catégorie opposée à "laïc"). Les laïcs peuvent et doivent certes professer une foi (c'est la liberté religieuse, fondée sur la raison), ils doivent faire en sorte que leurs consciences épousent la vérité, mais ils ne sont pas chargés de l'enseigner.
Dans ce cadre les laïcs et les clercs forment l'Etat. L'Etat est une institution laïque que les familles qui le composent n'ont pas chargé et ne peuvent charger d'enseigner une religion, ni d'ailleurs aucune doctrine. Les familles peuvent et doivent enseigner leur foi à leurs enfants et doivent leur enseigner la nature, la morale et le droit naturel fondés sur la raison (article 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme). Les familles ont, de droit naturel, un droit/devoir prioritaire qui leur est donné par la génération à enseigner leurs enfants.
Ce n'est donc pas la laïcité, mais la raison universelle de l'homme qui est la solution aux problèmes sociaux. Que les citoyens soient chrétiens, Juifs, musulmans, athées ou adhérents de n'importe quelle autre croyance, ce qui forme le lien commun de la société, c'est la raison universelle de l'homme. "On lie les boeufs par les cornes et les hommes par les paroles" dit-on en droit des contrats. On peut prendre cette assertion comme une vérité morale (rencontre d'au moins deux volontés se liant l'une à l'autre), mais on peut le prendre aussi en un sens métaphysique, en un sens que ce qui lie les hommes entre eux est la raison et dans une société laïque seulement la raison (article 1er de la Déclaration universelle des droits de l'homme" :
"Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité."(1)
C'est la raison et la conscience de tous (la conscience est un jugement moral fondé sur la raison qui donne une conclusion sur la solution à donner, eu égard aux circonstances "ici et maintenant") qui fonde les décisions prises en commun dans les affaires de laïcs qui réunissent l'universalité des citoyens quelles que soient leurs croyances. La laïcité n'est donc pas une doctrine (elle en est la négation, n'en déplaise aux laïcistes), mais la raison universelle de l'homme, et elle seule donne les solutions intellectuelles notamment juridiques communes qui s'imposent à tous universellement (2) en vertu de cette raison universelle.
Comme souvent, voire toujours, faute de définition des termes du débat (débat de plus brouillé par les laïcistes et les fondamentalistes de tout bord), celui-ci finit en cul de sac et risque de dégénérer en bagarre générale.
(1) Ces deux mots sont évidemment soulignés par moi pour les besoins de mon exposé.
(2) Cela ne veut pas dire pour autant qu'un Etat ne puisse adopter une doctrine surnaturelle. A condition qu'il ne prétende pas l'enseigner (respect de la laïcité et de la liberté religieuse) et que cette doctrine n'ait rien de contraire à la raison, rien qui fasse violence à la raison, mais au contraire vienne aider, soutenir la raison. La raison, en effet, revendique des explications qu'elle ne peut donner, notamment sur l'au-delà. La confession de pareille doctrine surnaturelle est juridiquement possible et moralement, en un sens, réclamée par la raison. C'est la liberté religieuse de l'Etat.
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