2.8.08

Le positivisme juridique écarte la raison des débats

On sait que le "positivisme juridique" est une doctrine ne reconnaissant au concept de "justice" aucune valeur. Pas plus que le positivisme philosophique n'autorise la raison à se mêler de concept métaphysique (dont la notion de "justice" fait partie).

"Le XIXe siècle est le grand responsable du positivisme juridique. Si ses conséquences ont tardé à se faire sentir dans toute leur gravité, dans la législation, c'est dû au fait que la culture était encore imprégnée du passé chrétien et que les représentants de la pensée chrétienne pouvaient encore presque partout faire entendre leur voix dans les assemblées législatives. Puis devait venir l'Etat totalitaire de marque antichrétienne, l'Etat qui - par principe ou au moins de fait - rompait tout frein en face d'un droit suprême, pour dévoiler au monde le vrai visage du positivisme juridique. (Pie XII, Discours devant la Rote romaine, 1949)"

Cité par wikipédia v° "positivisme juridique".

Aujourd'hui où les Etats totalitaires ont plus ou moins disparu (en Occident du moins), le positivisme juridique n'en poursuit pas moins ses ravages et comme le Catoblépas, il engendre le volontarisme judiciaire.

Un arrêt de la Cour de cassation rapporté par les dépêches du jurisclasseur en est une nouvelle illustation.

Cass. 1re civ., 8 juill. 2008, n° 07-12.159, cassation partielle

Un femme accouche d'un enfant handicapé. Ses médecins ne l'ont pas avertie du handicap.

Elle assigne (avec son mari) les médecins, pour leur demander de prendre en charge les préjudices que leur ont causé la naissance de cet enfant.

L'action de "parents" aurait dû être accueillie, prétend la Cour, en vertu de l'article premier du premier protocole de la Convention européenne des droits de l'homme. Cet article protège la propriété privée.

En effet la "jurisprudence" antérieure à la loi de 2002 laquelle loi interdit ce genre d'action, devait profiter aux parents. La Cour ne tient aucun compte de ce qu'en France la jurisprudence n'a pas l'autorité de la loi et qu'elle ne lie jamais du juge de l'espèce qui peut juger contre une jurisprudence antérieure (article 5 du Code civil). La jurisprudence ne crée donc pas de droit pour les plaideurs. Peu importe que cette jurisprudence ("Perruche" pour ne pas la nommer) ne soit qu'une jurisprudence, elle a créé des droits, édicte la Cour française.

La Cour ne tient pas compte de la raison et de la justice, ni même de la loi positive.

En effet, les premiers responsables de venue au monde de l'enfant, quel qu'il soit, ce sont les parents. Le médecin qui n'a pas détecté le handicap n'est cause d'aucun préjudice. C'est l'évidence. L'article 5 du Code civil interdit à une jurisprudence de créer un droit général.

Finalement plus que le positivisme, nous sommes en présence de son fils : le volontarisme des juges, l'arbitraire qui ne tient compte ni des lois positives, ni de la raison, ni de la justice.

4 commentaires:

Vanessa a dit…

Pourquoi le positivisme aurait il pour fils le volontarisme des juges quand on sait que le positivisme est très attaché à la loi. Cet attachement et l'évolution postérieure à 1789 ne peuvent que se traduire par une méfiance à l'égard du pouvoir du juge car l'interpréation est une création, or il s'agit de préserver l'oeuvre législative de la patte de l'interprète pour le cantonner dans son rôle d'organe d'application. Non?. Le lien de filiation que vous établissez entre positivisme et augmentation du pouvoir du juge me taraude. Précisez vote pensée s'il vous plaît Merci beaucoup

Unknown a dit…

Madame ou mademoiselle,

Merci de votre commentaire.

Je n'ai pu me connecter à votre blog.

L'idée est la suivante : les juges, ainsi que tous les agents humains doivent d'abord servir la vérité et la justice.

Or la vérité et la justice ne sont que des mots pour les positivistes issus du kantisme.

Donc, ils en arrivent à dire que le juge doit appliquer la loi valable dans un société donnée sans se poser de question sur la vérité et la justice de son jugement.

Mais le juge "libéré" de la justice, s'aperçoit que la loi est souvent arbitraire parfois contradictoire ou lacunaire. Il s'affranchit donc de la loi ; mais dressé contre les notions métaphysiques par sa formation, il ne retrouve pas la notion de justice, et dès lors, juge selon son caprice.

Autement dit, remontant encore plus loin, si notre raison ne peut atteindre la vérité métaphysique (thèse essentielle du positivisme), ne reste que la volonté non informée par la raison. Reste un volontarisme pur qui est l'arbitraire pur détaché de la raison et par conséquent de la justice.

C'est pourquoi le volontarisme judiciaire est fils du positivisme. Et l'arrêt de la cour de cassation donné ici à titre d'exemple, est une illustration, un exemple de cet affanchissement judiciaire de la vérité, de la justice et finalement de la loi.

Espérant avoir été plus clair, et restant à votre disposition, je vous prie de croire Madame ou Mademoiselle à mes respectueux sentiments.

Vanessa a dit…

Monsieur Merlin merci beaucoup pour la réponse. Vous avez vite réagi je vous en remercie. Je venais de lire dans le cadre d'un cours que j'ai en doctorat,un extrait d'un livre de Chr. Grzegorzyck dans lequel il expliquait que le positivisme pouvait se déceler a plus ou moins forte dose dans nombre de doctrines notamment dans celle de l'Ecole de l'exégèse. Il leur trouvait un point commun dans l'attachement à la loi car pour le positiviste, l'essentiel du droit est la loi (d'où d'ailleurs l'attachement à l'idée d'autorité compétente et le lien fort avec le courant volontariste). Or,le pouvoir d'interprétation est le plus grand danger que l'on puisse faire courir au texte d'où mon idée que cela était contradictoire. Mais vous avez raison. Il n'empêche que tout cela est bien compliqué. Je me sens très perdue. Merci en tout cas pour votre réponse. Elle était claire. Au fait ne cherchez pas mon blog je n'en ai pas.

Unknown a dit…

Le droit étant avant tout une culture et non une science positive, il est normal que vous "nagiez".

Je crois que la clé du problème se trouve chez Kant et son épigone Marx d'une part et la doctrine catholique d'autre part. Kant dit les notions métaphysiques ne nous permettent pas de parvenir à la vérité. Seules les expériences mises en équations, seule l'analyse des conséquences des jugements et des loi est un critère rationnel admissible, jamais la métaphysique (soit tout ce qui est en dehors de l'expérience : justice, vérité, âme, bonté, bien, droit) En droit en conséquence, tenons-nous en aux faits et à l'autorité qui seules fondent le droit.

Alors que la doctrine catholique, selon moi, soutient la vérité des notions métaphysiques (bien commun, justice, vérité, droits de l'homme etc.)

En ce qui concerne la loi, les positivistes en font, dans un premier temps un absolu, puis rien par une conséquence intellectuelles de leurs principes, le juge s'affranchissant de tout on tombe dans le pur volontarisme.

Pour les catholiques la loi n'est pas un absolu, sauf le droit naturel (les dix commandements) et il hiérarchise les lois, 1 droit naturel, 2 loi divine positive (exemple le baptême), 3) loi positive ecclésiastique ou civile.

Cependant même la modeste loi positive humaine oblige en conscience dans la mesure où elle n'est pas contraire au droit naturel (bien trop général pour prévoir tous les cas). Car nous faisons partie d'une société et nous devons respecter les autorités qui représentent la volonté de Dieu.

Selon la doctrine catholique : La loi est une ordonnance de la raison en vue du bien commun promulguée par une autorité légitime (ou "revêtue du pouvoir législatif"). Car tous les êtres humains sont égaux et seule la volonté de Dieu peut fonder l'autorité. On voit le rôle tenu par la raison. Mais comme on ne peut tout examiner on doit avoir un préjugé favorable en faveur de la loi, même humaine.

Donc le juge, dans la perspective catholique, est tenu en conscience d'appliquer la loi même humaine, mais il doit le faire dans la mesure de l'intention du législateur qui ne peut être contraire au bien commun (justice, vérité), et doit l'appliquer au cas particulier en justice. Il existe aussi des tolérances pour un motif proportionné.

Pour l'instant tenez-vous en à votre cours, car je ne sais si mon exposé plairait à votre professeur.

Il m'a fallu des dizaines d'années pour me mouvoir dans cette matière et encore, j'ai loin d'avoir fini ma formation ;-). Car il s'agit avant tout d'une culture, donc ne vous découragez pas.

Bibliographie : le Naz "Traité de droit canonique", les quelques pages du début Letouzey et Ane éditeurs 1955 tome 1

Mon exposé vous permettra peut-être de prendre de la hauteur.

Sur le pouvoir du juge, le pouvoir actuel du juge est immense surtout dans une perspective volontariste, il devient arbitraire, tyrannique puisqu'il ne respecte plus aucune loi, en ce sens le positivisme à la Duguit est une protection. Mais l'interprêtation de la loi est parfois nécessaire, puisque le juge DOIT juger, même si la loi ne prévoit pas le cas qui lui est soumis (est lacunaire) voir les articles 4 et 5 du Code civil. Mais son pouvoir se limite au cas qui lui est soumis, car sa décision (serait-elle de la cour de cassation) ne s'impose pas dans les cas analogues ou même identiques postérieurs. La jurisprudence n'est pas une source de droit en droit français (article 5 du Code civil), du moins en théorie, car son autorité est EN FAIT assez grande (mais attention la théorie reste la règle !)