17.1.07

L'Inquisition contre le fanatisme

Ah, en voilà une titre provocateur ! L'Inquisition n'est-elle pas le modèle de toute "police de la pensée" et donc de tout fanatisme ?

Les sanctions extrêmement rigoureuses contre les "hérétiques", dont notamment la peine du feu nous font, à juste titre, horreur. Encore que la rudesse des moeurs de l'époque doivent nous inviter à ne pas juger avec notre mentalité.

Mes filles m'ont offert "Le Guide de l'Inquisiteur" Editions Les Belles Lettres dans la collection Les Classiques de l'Histoire de France au Moyen Age fondés par Louis Alphen et publiés sous le patronage de l'Association Guillaume Budé. (réédition 2006 de celle de 1926)

L'auteur du livre, écrit en latin est Bernardus Guidonis, évêque et inquisiteur.

Ce livre fut écrit environ en 1324. Le titre de "Manuel de l'Inquisiteur" est du XXème siècle, le vrai titre est "Méthode, Art et Procédés à Employer pour la Recherche et l'Interrogatoire des Hérétiques des Croyants et de leurs Complices."

Il semble qu'il ait été écrit alors que Guidonis allait quitter sa charge. Il aurait voulu laisser un résumé à son successeur pour l'aider dans sa tâche.

C'est, en quelque sorte, un manuel de police religieuse.

On sent chez Guidonis un esprit de traque, d'extirpation des fauteurs de troubles dans l'Eglise. Il est inquisiteur sans état d'âme. Il se livre avec détermination à sa tâche.

Que cherchait donc à extirper de la société ecclésiale Guidonis : l'hérésie, certes, mais encore la superstition et le fanatisme.

Ne s'embarassant pas pour son livre de données théoriques, il décrit cinq hérésies ou groupes d'hérétiques.

A titre d'exemple, il traite des "Spirituels" ou "Béguin. C'étaient des franciscains extrêmistes.

Saint François, mort en 1226, avait prescrit de ne faire aucune provision. Des franciscains avaient demandé à être dispensé de cette règle trop contraignante ; le pape avait accordé la dispense.

Les "Spirituels" n'acceptaient pas cette dispense. A la suite de cette révolte, en 1318, quatre frères Mineurs (franciscains) "Beguin" ou "spirituels" avaient été condamnés à Marseille et probablement brûlés comme hérétiques.

Les Béguins, révoltés par cette condamnation, concluaient : "Si le seigneur pape (...) approuve cette condamnation (...) il a perdu la puissance pontificale ; il n'est plus pape (...) le siège est vacant" (t. 1, p. 129) Ce que n'acceptait évidemment pas Guidonis qui agissait sur délégation du pape.

Il raconte aussi l'histoire d'un autre fauteur de trouble, chef d'une secte mystique, le nommé Dolcino et sa compagne Marguerite.

Dolcino se prétendait élu de Dieu et avait écrit des épîtres dans lesquelles, selon Guidonis, il déraisonnait abondamment (copiose delirans)

Guidonis décrit Dolcino :

"Ledit Dolcino a groupé dans sa secte et hérésie plusieurs miliers de personnes des deux sexes, surtout en Italie, Toscane et régions circonvoisines. Il leur a transmis une doctrine empestée et mu d'un esprit, non point de prophétie, certes, mais de fanatisme et de folie."

La définition de cet esprit par les mots de "fanatisme" et de "folie" était d'ailleurs exacte. Dolcino était vraiment un sectaire et un fanatique. Reste à savoir si la répression était adéquate et si livrer au bras séculier de pauvres bougres fanatiques était la réponse à leur fanatisme ?

La réponse, aujourd'hui est franchement "non". L'Eglise a d'ailleurs, renoncé définitivement à ces méthodes puisque l'Inquisition a été supprimée au début du XIXème siècle, après, d'ailleurs que l'Inquisition se soit notablement adoucie au fil du temps.

Quoiqu'il en soit, il est curieux de constater que les "Lumières" n'ont donc pas inventé les notions de 'fanatisme" et de "sectarisme", car elles se trouvaient déjà dans les documents... des inquisiteurs.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Vous lisez en latin ?

C'est quoi faire "des provisions" en l'occurrence?

Mon dieu que vous êtes savant !

Anonyme a dit…

L'horloge de votre blog avance d'une heure.

Unknown a dit…

Plus simple que vous ne le croyez, Marie, des provisions, c'est quand on va faire les courses et que l'on laisse dans le placard de l'huile, du sel, des pommes de terre etc.

Les franciscains voulaient faire totalement confiance en la Providence, il n'avaient donc aucune provision, le soir les placards devaient être vides.

C'était très contraignant, d'où la demande de dispense ; et la bisbille entre les "purs" qui voulaient faire comme saint François l'avait dit et les autres qui usaient de la dispense du pape. Les premiers furent scandalisés quand le pape accorda la dispense, tant et si bien que certains condamnérent le pape.

Je ne me trouve pas très savant, je suis au contraire très ignorant, mais j'aime ma religion. Je tâche de comprendre l'histoire.