2.4.09

Délai excessif : arrêt de la Cour de cassation du 25 mars 2009

Dans un arrêt du 25 mars 2009, la cour de cassation s'est penchée sur un pourvoir de l'Agent judiciaire du Trésor. L'Etat français avait été condamné par la Cour d'appel de Lyon pour n'avoir pas rendu la justice dans un "délai raisonnable".

C'est l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme qui prévoit que la justice doit être rendue dans un délai raisonnable, sans autre précision. Exactement un délai raisonnable d'être entendu par un tribunal.

L'agent judiciaire du Trésor représente les intérêts de l'Etat dans les affaires où des dysfonctionnements sont reprochés à l'autorité judiciaire.

"Attendu, selon l’arrêt attaqué (Lyon, 24 mai 2007), que le 2 juin 1987 A... X... a été tué lors de l’explosion et de l’incendie du port pétrolier de Lyon ; qu’une information judiciaire ouverte le 3 juin 1987 a été clôturée par un arrêt confirmatif de non-lieu du 10 juin 1997 ; que le pourvoi contre cet arrêt a été rejeté le 26 février 1998 ; que le 4 juin 1998, M. S... X..., fils de A... X..., a fait citer directement les responsables des sociétés Shell, Cogemi et Snig, occupantes du site, devant le tribunal correctionnel ; que par jugement du 27 janvier 2000 le tribunal correctionnel de Lyon a déclaré le directeur d’exploitation de la société Shell, coupable d’homicide involontaire, a alloué des indemnités aux victimes et a déclaré la société Shell civilement responsable ; que ce jugement a été confirmé par un arrêt de la cour d’appel de Lyon du 21 décembre 2000, le pourvoi contre cet arrêt ayant été rejeté le 5 février 2002 ; que M. S... X... a fait assigner l’agent judiciaire du Trésor en réparation de son préjudice pour déni de justice ;"

Dans cette affaire, l'instruction avait duré plus de dix ans. Elle s'était conclue par un non-lieu. Notons qu'une contradiction dans l'arrêt ne permet pas de connaîte la date de l'arrêt de cassation de rejet de pourvoi contre la décision de non-lieu. Il semble que ce soit la date du 26 février 1998 et non 1997.

Or l'ouverture des droits à cassation pour une partie civile face à non-lieu (refus de poursuivre, le juge prétendant qu'il n'y a pas lieu à poursuites) sont très limités. La partie civile avait vu son pourvoi rejeté quelques mois plus tard (26 février 1997 ou 1998, je prendrais 1998 comme plus vraisemblable).

La partie civile qui ne se décourageait pas, avait ensuite fait citer les responsables de l'accident devant le tribunal correctionnel. Mais elle ne l'avait fait que quelques mois plus tard. L'arrêt de rejet de pourvoi est du 26 février 1998 et la citation devant le tribunal correctionnel le 4 juin 1998. Soit trois mois environ.

L'agent judiciaire du Trésor a eu l'inconscience de se pourvoir en cassation en reprochant notamment à la Cour d'appel de n'avoir pas retranché les trois mois entre le rejet du pourvoi et la citation directe. Il fallait le faire !

Plus sérieusement, l'Agent judiciaire du Trésor reprochait à la Cour d'appel de ne pas s'être penchée sur les péripéties concrètes de l'affaire qui auraient pu, éventuellement, justifier la longueur de la procédure.

La Cour de cassation répond, en se fondant sur sa jurisprudence qui dispense les juges de se pencher sur les "détails de l'argumentation des parties". Elle rejette l'argumentation de l'Agent judiciaire. La longueur de la procédure, à compter d'un certain seuil raisonnable, est, de soi, un défaut ouvrant droit à réparation, indépendamment de la difficulté de l'affaire. C'est bien ainsi que la Convention européenne en dispose.

Les parties civiles n'ont pas eu droit à un article 700 du Code de procédure civile. L'application désordonnée de cet article par la jurisprudence conduit à se demander une réforme des moeurs judiciaires. Il semble n'être là que pour permettre aux juges de satisfaire leurs préférences sentimentales.

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