4.4.11

Nouvelle condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme sur les articles 526 et 1009-1 du code de procédure civile


Dans un arrêt rendu contre la République française le 31 mars 2011 (Chattelier c/ France Req. n° 34658/07), la Cour européenne des droits de l’homme condamne la France pour non-respect de l’article 6 § 1 de la Convention (droit à un procès équitable). Les articles 526 et 1009-1 établissent une irrecevabilité du recours de celui qui n'aurait pas exécuté les causes de la décision attaquée (1)

En réalité, cet arrêt valide en leur principe les articles 526 (relatif aux cours d’appel) et 1009-1 (relatif à la Cour de cassation) du code de procédure civile (ce dernier par analogie). Le raisonnement de la Cour est celui-ci : les buts poursuivis par les articles 526 et 1009-1 sont valables à condition de respecter une proportion entre les buts poursuivis (« assurer la protection du créancier, éviter les pourvois dilatoires, renforcer l'autorité des juges du fond, désengorger le rôle de la Cour de cassation » - termes de l’arrêt Annoni du Gussola du 14 novembre 2000) et le droit individuel à un procès équitable.

En l’occurrence de l’affaire Chattelier, le juge de la mise en état de la Cour d’appel avait jugé, de façon scandaleusement légère, que l’appelant avait fautivement refusé de régler les causes de la décision de première instance. Le conseiller en avait trouvé la preuve dans le fait que les époux Chattelier avaient fait l’objet d’un redressement fiscal important concernant des revenus d’années antérieures. (Le raisonnement du conseiller semble bien avoir été un raisonnement discriminant implicite : du fait de la tentative de soustraction au paiement de l’impôt sur le revenu, le justiciable n’avait plus droit à un recours. Le conseiller n’avait, en réalité, fait qu’appliquer le principe discriminatoire contenu dans les règles des articles 526 et 1009-1 du Code de procédure civile.)

La Cour européenne invalide la décision du conseiller, parce qu’elle manquait de base en fait. Mais elle valide les dispositions de ces articles prévoyant la radiation à condition que le principe de proportionnalité entre les buts poursuivis (qui sont des buts extrinsèques à l’exigence de justice et de droits de l’homme) et la protection des droits de l’homme (en l’occurrence, droit à un procès équitable).

Dans chacune des ces affaires, Annoni di Gussola, Desbordes-Omer et Chattelier il s’agit de personnes ayant contracté des emprunts, mais incapables de les rembourser par suite de leur insolvabilité (certaines personnes étant au Revenu minimum d’insertion). On remarque qu’il ne s’agit jamais de milliardaires ayant maille à partir avec leur employé de maison.

Cela démontre suffisamment que ces dispositions, prétendument instituées pour « une bonne administration de la justice », sont en réalité des règles qui s’opposent à une « bonne administration de la justice », c’est-à-dire au fonctionnement régulier (c'est-à-dire selon les règles des droits de l'homme) des services judiciaires, car le fonctionnement devient irrégulier au regard de l’égalité des êtres humains quelles que soient leur situation de fortune. Les riches seront dispensés, en pratique, de l’examen de proportionnalité entre l’irrecevabilité dû à la non-application de la décision critiquée et l’application de leurs droits fondamentaux à un procès équitable. Cela conduit à une discrimination fondée sur l’argent entre les êtres humains, et c’est la CEDH qui le valide !

La pensée juridique molle (voire totalitaire) des juges, conduit à l’aggravation des inégalités de conditions entre les riches et les pauvres. Les pauvres sont asservis à une règle dont les riches peuvent facilement se libérer. La règle de droit fonctionne à rebours de la restauration de l'égalité.

Ces règles injustes aggravent ce fait que les pauvres sont moins libres que les riches. La "justice", y compris la CEDH, fonctionne à rebours. La liberté, c’est, entre autres, de ne pas être empêché d’agir et de pouvoir agir (les trois éléments constitutifs de la liberté, sont l’autonomie, l’immunité et la capacité d’action). Il serait intéressant d’attirer l’attention des juges sur non seulement l’article 6 § 1er de la Convention, mais encore les articles 5 et 14 de la même convention. Nous n’omettrons pas de regretter en conclusion, que, pour l’instant, la Déclaration universelle des droits de l’homme ne soit pas directement applicable en droit interne, alors qu’elle est mentionnée par la Convention (1ère phrase), ce qui rend en l'occurrence moins facile le recours au principe d'égalité des êtres humains.

(1) Ce qui a d'ailleurs conduit un juge un jour à me condamner parce que j'avais exécuté la décision querellée, ce qui prouvait, alors même que j'avais exécuté avec réserves expresses, selon ce juge que j'avais acquiescé à la décision ! Une décision digne du père Ubu, mais une violation grave des droits de l'homme.

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