En quel sens Alleanza Cattolica, dans l’étude, la diffusion et l’application du magistère privilégie-t-elle la doctrine sociale ?
- Avec l’encyclique Caritas in veritate Benoît XVI nous a rappelé opportunément deux choses. Premièrement : la doctrine sociale de l’Eglise, qui n’est pas autre chose que la théologie morale sociale, n’est pas née avec le Pape Léon XIII (1810-1903) ni avec la moderne « question sociale » mais avec l’Evangile et la « tradition apostolique » elle-même. Elle est aussi ancienne que l’Eglise. Deuxièmement : la doctrine sociale de l’Eglise ne s’occupe pas seulement des problèmes du travail, des travailleurs et des usines – comme le veut la même illusion d’optique qui veut la faire naître, de façon erronée, avec Léon XIII – mais de tous les problèmes de la société. L’encyclique Caritas in veritate demande justement que les problèmes de bioéthique – l’avortement, l’euthanasie – soient le sujet propre de la doctrine sociale de l’Eglise, qui est socio-politique et non seulement socio-économique. Mais le jugement sur l’histoire fait aussi partie de la doctrine sociale.
Même si le magistère s’est occupé de pratiquement tous les continents et de tous les pays – sans remonter au corpus de Léon XIII (1810-1903), comment oublier la très riche masse de textes de Jean-Paul II (1930-2005) ? Il a consacré une attention particulière à l’histoire de l’Europe. A partir du moment où l’Europe est devenue « Occident », Magna Europa, par l’installation d’Européens dans des pays comme les Etats Unis, le Canada, l’Australie, les nations hibérico-américaine, soit par son influence dominante – elle a exercé dans le monde une hégémonie culturelle qui n’a été discutée que depuis les dernières décennies, son histoire a eu et a encore une importance mondiale. Par de multiples côtés, sa crise est la crise de l’humanité entière.
L’Europe a été une civilisation chrétienne tant qu’elle a réussi à maintenir cet équilibre, sur lequel le Magistère insiste, entre la foi et la raison, auquel correspond un équilibre entre personne et société. Cet équilibre a été construit de façon pénible, et le message évangélique a réussi à harmoniser ce qu’il y avait de meilleur entre la foi d’Israël et la philosophie grecque, entre le droit romain avec son sens aigu de la personne et les apports germaniques qui insistaient sur la communauté de vie et de tradition, la gemeinschaft (distincte de la gesellschaft, qui est la « société » au sens juridique). En particulier, comme l’enseigne l’encyclique Fides et ratio de 1998 de Jean-Paul II, « la rencontre du christianisme avec la philosophie […] ne fut ni immédiate ni facile » (n° 38), mais – par un processus de plusieurs siècles – arriva à construire cette « harmonie fondamentale de la connaissance philosophique et de la connaissance de foi » (n° 42) qui culmine par beaucoup de côtés avec saint Thomas d’Aquin (1224-1274), lequel pour cette raison « est toujours proposé par l’Eglise comme un maître de pensée » (n°42). Une pensée, on peut l’ajouter, encore vivante et vigoureuse pour celui qui s’en approche directement, et à qui ne rendent pas pleinement justice les compilations de la scolastique tardive et de la « néo-scolastique ».
(à suivre)
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