On observera que l'argumentation de la Cour aussi bien que celui la partie plaignante était historique, au moins en partie. Or ce n'est pas d'histoire qu'il s'agit mais de droit et même de droit fondamentaux. Les arguments historiques ne font que brouiller le débat. Sans tomber dans le laconisme de la cour de cassation française, il serait bon d'élaguer dans les arguments.
Le raisonnement de la CEDH est, semble-t-il, le suivant : l'enseignement est obligatoire, l'enseignement d'Etat se doit de respecter les consciences, or exhiber un symbole religieux revient à violer la conscience des parents athées désireux de donner un enseignement athée à leurs progéniture. Donc il faut que l'enseignement ne soit donné sous aucun symbole religieux.
C'est le raisonnement laïciste. En d'autres termes, il faut que l'enseignement soit athée pour qu'il soit neutre. L'esprit humain étant fait pour affirmer, on ne peut sortir de cette contradiction.
En réalité le texte (article 9 de la Convention) sur la liberté religieuse pourrait encore mieux fonder le droit pour les Italiens d'exposer des crucifix dans les classes.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. »
Si les Italiens ne peuvent "manifester leur religion", il n'y a plus de liberté religieuse. L'ordre public est athée. Rien dans le "2" de l'article 9 ne peut fonder l'interdiction du crucifix.
Le vrai problème est en réalité l'existence d'un enseignement "public" d'Etat, alors que l'enseignement est du ressort des familles. Si une famille veut donner un enseignement athée à ses enfants, elle doit pouvoir le faire sans imposer pour cela l'enseignement athée aux autres familles. C'est donc le financement du système éducatif étatique par les impôts qui est injuste (de façon analogue : financement d'un culte par l'Etat).
L'Etat n'a pas à enseigner, ni une religion, ni l'athéisme. S'il le fait, il sort de son rôle.
Prenant la législation sur l'école "publique" (en fait école privée ouverte par l'Etat) comme une pure donnée de fait, malgré donc l'injustice et l'atteinte à la laïcité que constitue l'école d'Etat, il est bien manifeste que la liberté du peuple italien d'exposer un crucifix dans les salles de classe ne peut être violée au nom du laïcisme. Aucun droit de l'homme ne peut être invoqué pour en violer un autre (article 30 du la déclaration universelle des droits de l'homme). La majorité du peuple italien ne peut se voir imposer une conviction philosophique, c'est la démocratie.
Dans ce cadre nécessairement injuste qu'est l'enseignement d'Etat, c'est aux athées à faire preuve de tolérance (article 26 de la déclaration universelle des droits de l'homme). Du moment que l'éducation aux droits de l'homme est assurée, la présence du crucifix doit être tolérée par les autres convictions religieuses ou philosophiques.
Cependant, le vrai problème de fond est ailleurs.
Il faudrait encourager partout dans le monde la privatisation de la fonction d'enseignement afin que cette fonction, privée par nature, soit restituée aux familles. Ce droit naturel des parents à donner une éducation à leurs enfants est transcrit dans le droit positif article 2 du protocole n° 1 (1) de façon très imparfaite, car le rôle subsidiaire de l'Etat en matière d'éducation devrait y être énoncé, or il ne l'y est pas. Ce rôle subsidiaire de l'Etat devrait amener au démantèlement des systèmes d'éducation d'Etat (article 26 de la Déclaration universelle in fine) par l'institution du "bon scolaire".
(1) « Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction. L'Etat, dans l'exercice des fonctions qu'il assumera dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, respectera le droit des parents d'assurer cette éducation et cet enseignement conformément à leurs convictions religieuses et philosophiques. »
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