Est-il vrai que l’Eglise est favorable à l’entrée de la Turquie en Europe ?
Comme je pratique un peu l’italien, j’ai tenté d’aller voir sur le site de La Stampa l’interview du cardinal Bertone par Mario Tosatti. Hélas, le texte a disparu, au moins je n’ai pas pu le trouver malgré bien des efforts et du temps perdu.
Je me suis donc rabattu sur la traduction française par le site « benoitseizeetmoi » de « beatriceweb » consultable ici
L’idée de Béatrice d’aller voir par elle-même l’original est une excellente idée puique l’on constate que les titre de l’ensemble de la presse mondiale (sur leurs sites Internet au moins en français et en italien) titre « le Vatican favorable à l’entrée de la Turquie en Europe », ce qui serait un changement par rapport aux anciennes déclaration de Benoît XVI, opposé à cette entrée, celui-ci ayant dit, si mes souvenirs sont bons que la Turquie est un pays charnière et non européen (mais là encore le moteur de recherche du site du Vatican ne fonctionne plus aussi bien qu’avant !). D’ailleurs il était aussi abusif de dire que Benoît XVI était opposé à l’entrée qu’aujourd’hui de dire qu’il y est favorable.
Le pape lors de son voyag en Turquie a déclaré au corps diplomatique selon un article du Figaro du 29 novembre 2006, que l'on peut lire ici :
« Il est du devoir des autorités civiles de tout pays démocratique de garantir la liberté effective de tous les croyants et de leur permettre d'organiser librement la vie de leur propre communauté », a rappelé le Pape au corps diplomatique à Ankara. »
Pour ce qui est de sa compétence, la Saint-Siège demande à la Turquie de respecter la liberté religieuse.
Notons tout de suite que le cardinal Bertone du Vatican n’est pas le Vatican, il est le secrétaire d’Etat. Donc lorsqu’il s’exprime, il n’exprime pas l’opinion du Vatican. L’Eglise n’est pas un gouvernement laïque où les membres du gouvernement exprimeraient une politique dont tous seraient solidaires. Et une société dans laquelle les fidèles devraient épouser toutes les opinions des autres, même celle du pape d’ailleurs.
A titre d’exemple je donne ici un extrait de l’interview de Mgr DiFalco sur un autre sujet, mais donne l’esprit des institutions de l’Eglise :
« Que pensez-vous de cette prise de position de Mgr Bertone ?
J’ai eu une réaction de surprise : cette déclaration arrive un peu tard, au moment où le Da Vinci Code est traduit et diffusé dans le monde entier. Chacun est libre de donner son point de vue sur ce livre, mais nous ne sommes plus à l’époque de l’Index et du Saint-Office qui interdisait certaines lectures. La position du cardinal Bertone n’engage en rien l’Église catholique.
Ne craignez-vous pas qu’une telle réaction renforce les accusations portées par le Da Vinci Code contre l’Église ?
Non, ce livre est bien trop rocambolesque pour que les déclarations de Mgr Bertone puissent l’accréditer d’une quelconque façon. Cette prise de position ne relève pas d’un communiqué officiel. De même que ce que je dis n’engage que moi. »
extrait d’une interview visible ici
De même dans le droit canon prévoit-il qu’un cardinal n’engage le pape que s’il est dûment mandaté par lui :
« Can. 358
Le Cardinal à qui le Pontife Romain a commis la charge de le représenter dans une célébration solennelle ou dans une assemblée comme légat a latere, c’est-à-dire comme son alter ego, et de même le Cardinal à qui le Pontife Romain a confié une charge pastorale déterminée comme son envoyé spécial, n’ont compétence que pour les affaires que leur a confiées le Pontife Romain.»
Extrait du site jesusmarie.com
A contrario, hors ces cas, le cardinal n’engage pas le pape.
Les membres de l’Eglise sont profondément égaux entre eux :
« Can. 208
Entre tous les fidèles, du fait de leur régénération dans le Christ, il existe quant à la dignité et à l’activité, une véritable égalité en vertu de laquelle tous coopèrent à l’édification du Corps du Christ, selon la condition et la fonction propres de chacun. »
Dans les questions laïques, et les questions de politique internationales sont laïques, le cardinal n’a pas plus de pouvoir que le simple fidèle.
Donc la présentation médiatique est déjà biaisée et même totalement fausse.
De plus la traduction de Béatriceweb démontre que le cardinal s’est rapidement exprimé et a donné son sentiment personnel. En disant en substance « Pourquoi pas ? » Car il ne peut juger de l’opportunité de l’entrée de la Turquie en Europe. Il dit en substance que l’on peut toujours négocier pour le bien commun européen ou mondial. C’est son avis personnel.
Il fait probablement une allusion à la liberté religieuse, sans aucunement dire que les progrès de la Turquie l’on menée à un point acceptable.
Une nouvelle fois nous avons donc une manipulation médiatique en vue d’utiliser le prestige de l’Eglise, laquelle n’a pas compétence dans ces matières :
« Nous ne faisons pas de politique, a cependant précisé le père Federico Lombardi, directeur du bureau de presse du Saint-Siège, mais nous voyons favorablement le chemin de la Turquie vers l'Union européenne. » Le Saint-Siège « n'a pas le pouvoir ni la compétence pour intervenir sur les points précis regardant l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, a-t-il ajouté. Cependant, il voit positivement et encourage le chemin de dialogue et d'insertion de la Turquie dans l'Europe sur la base des valeurs communes ».
(même article du Figaro référencé ci-dessus)
Lorsque le directeur du bureau de presse s’exprime, c’est alors qu’il est vraiment mandaté.
Et il est mandaté pour dire « nous ne faisons pas de politique », même pas internationale. Inutile donc de tirer à soi le prestige de l’Eglise, ce n’est même pas licite.
Bref nous voici face à un nouveau bidonnage mondial.
Les catholiques sont définitivement libres d'avoir leurs opinions éventuellement contradictoires, il leur est seulement demandé de rester bien polis et aimables surtout entre eux.