15.7.12

Document : l'ordonnance de référé condamnant la Collection Lambert

Voici les extraits significatifs de l'ordonnance de référé du Tribunal de grande instance de Paris sur la présomption d'innocence des prévenus.

TRIBUNAL DE GRANDE  I N S T A N C E  DE  PARISAssignation du 21 Juin 2012ORDONNANCE DE REFERE rendue le 12 juillet 2012par Marie MONGIN, Vice-Président au Tribunal de Grande Instance
de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Estelle LAFAYE, Greffier.
DEMANDEURS
Monsieur X
représenté par Me Jérôme TRIOMPHE, avocat au barreau dePARIS
Monsieur XY
représenté par Me Jacques TREMOLET DE VILLERS, avocat aubarreau de PARIS
Monsieur XYZ
représenté par Me David DASSA LE DEIST, avocat au barreau dePARIS
Monsieur XXreprésenté par Me Pierre-Marie BONNEAU, avocat au barreau deTOULOUSE, substitué par Me David DASSA LE DEIST, avocat
au barreau de PARIS
DEFENDEURSAssociation LA COLLECTION LAMBERT EN AVIGNON
5 rue Violette
84000 AVIGNON
représentée par Me Agnès TRICOIRE, avocat au barreau de
PARIS
Monsieur ZZreprésenté par Me Christian BEUCHER, avocat plaidant aubarreau d'ANGERS, Me Caroline GARNERO, avocat postulant au
barreau de PARIS
DEBATS
A l'audience du 28 Juin 2012, tenue publiquement, présidée par
Marie MONGIN, Vice-Président, assistée de Estelle LAFAYE,
Greffier,
Nous, Président,
Vu l'autorisation d'assigner en référé d'heure à heure devant nous,
accordée le 11 juin 2012 à , X, XY, XYZ, XX ;Vu 1'assignation qu'ensuite de cette autorisation et par acte en date
du 21 juin suivant, ces requérants ont fait délivrer à l'association
"LA COLLECTION LAMBERT" et à ZZ,
directeur de la publication du site internet http://www.dustdistiller.
com, par laquelle il nous est demandé :
- à la suite de la diffusion le 4 juin 2012 d'un communiqué de
presse de l'association "LA COLLECTION LAMBERT en
Avignon" intitulé «Affaire du Piss Christ d'Andres Serrano -
communiqué de la Collection Lambert en Avignon», mis en ligne
sur le site dont Christophe LE GAC est directeur de la publication,
communiqué portant atteinte à la présomption d'innocence dont ils
bénéficient en vertu de l'article préliminaire du Code de procédure
pénale et, au visa de l'article 9-1 du Code civil ;
-de condamner, sous astreinte, l'association défenderesse et
ZZ à publier, respectivement sur les sites
internet http:/www.collectionlambert.fr/ et http://www.dustdistiller.
com, un communiqué judiciaire,
-d'ordonner, sous astreinte, la publication d'un communiqué
judiciaire dans les journaux VAUCLUSE MATIN et LA
PROVENCE dans la limite de 5 000 euros par insertion,
-de condamner solidairement les défendeurs à verser à chacun des
demandeurs la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les écritures oralement développées par l'association LA
COLLECTION LAMBERT en Avignon, aux termes desquelles il
est soutenu que les quatre demandeurs, poursuivis devant le
tribunal correctionnel d'Avignon, sont membres de groupements
ayant approuvé les faits pour lesquels ils sont poursuivis, qu'ils ont
été formellement reconnus, que rien dans ce communiqué ne porte
atteinte à la présomption d'innocence et, qu'en outre,
l'appréciation des propos doit être faite en prenant en considération
la circonstance qu'ils émanent d'une partie civile ; l'association
défenderesse s'oppose aux demandes, estime que la présente
procédure est abusive et sollicite à ce titre, la condamnation de
chacun des demandeurs à lui verser une somme de 2 500 euros en
réparation de son préjudice, outre celle de 2 500 euros sur le
fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les écritures de ZZ qui confirme avoir diffusé le communiqué de presse litigieux sur le site internet dont il est directeur de la publication, mais l'avoir retiré dès réception de la présente assignation, il conteste l'atteinte alléguée, demande que soit constaté le caractère abusif de la présente action et sollicite lacondamnation de chacun des demandeurs à lui verser une somme
de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 1000
euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure
civile ;
Après avoir entendu les conseils des parties le jeudi 28 juin 2012 en notre cabinet, portes ouvertes, et leur avoir indiqué que l'ordonnance serait rendue par mise à disposition au greffe, le 12 juillet suivant ;MOTIFS
Attendu qu'à la suite de la dégradation de l'oeuvre photographique
d'Andres SERRANO, "Piss Christ", exposée à Avignon par
l'association LA COLLECTION LAMBERT en Avignon, et des
poursuites pénales engagées devant le tribunal correctionnel de
cette ville, à l'encontre des demandeurs pour ces faits, l'association
défenderesse a diffusé le 4 juin 2012, soit la veille de la première
audience à laquelle les demandeurs étaient cités à comparaître, un
communiqué de presse ;
Que ce communiqué, intitulé «AFFAIRE DU PISS CHRISTD'ANDRES SERRANO - COMMUNIQUE DE LA COLLECTIONLAMBERT EN AVIGNON», après avoir rappelé que l'exposition de cette oeuvre depuis le mois de décembre 2011 s'était déroulée sans incident jusqu'à ce que, au mois d'avril 2012, une pétition puis une manifestation, organisée le 16 avril 2012 par une "association catholique intégriste d'extrême droite" devant les portes du musée, demandent le retrait de la photographie «PissChrist» de l'exposition, se poursuit ainsi : «Le lendemain, l'irréparable avait eu lieu : quatre manifestants de la veille, sympathisants ou membres du groupuscule nationaliste catholique d'extrême droite Renouveau Français, X, XY, responsable du Renouveau Français, XYZ et XX, ont pénétré dans le musée. Ils seront formellement identifiés tant par les services de police que par le personnel du musée. Munis d'un marteau pour perpétrer leur acte, ils ont menacé les gardiens qui tentaient de les appréhender en pointant un tournevis sur la tempe de l'une des gardiennes. En dépit de la protection renforcée pour le « Piss Christ», deux oeuvres d'AndresSerrano ont été vandalisées, «Piss Christ », pourtant protégée au préalable par la direction du musée avec une épaisse plaque de plexiglas, et « Soeur Jeanne Myriam », ce qui démontre la force, la détermination et l'entraînement de ces individus. Ils se sont ensuite rapidement enfuis... La Collection Lambert en Avignon et Andres Serrano, parties civiles, se félicitent de la diligence de l'enquête du parquet d'Avignon qui a conduit à la prochaine comparution des 4 prévenus. Certains ont demandé le renvoi de l'affaire initialementfixée au 5 juin, notamment pour permettre à leurs avocats parisiens de solliciter le bénéfice de l'aide juridictionnelle. La Collection Lambert en Avignon et Andres Serrano ne s'opposeront pas à cette demande de renvoi afin que chacun des prévenus soit dûment assisté, dans le respect de la procédure pénale. La Collection Lambert, et Andres Serrano lors de l'audience de plaidoirie dont ils attendent la fixation, par la voix de leur conseil, Me Agnès Tricoire, feront valoir le préjudice subi du fait de cesactes violents, le courage du personnel ainsi exposé à la vindicte aveugle de 4 nervis, et la fragilité des oeuvres ainsi victimes d'une colère totalement illégitime, illégale, et sans fondement. Si les oeuvres, que l'artiste a le droit de créer librement et que la Collection Lambert en Avignon a pour mission d'exposer, créent un débat, il ne saurait être toléré, dans une société démocratique, que certains s'arrogent le droit d'y mettre un terme par la for ce et la destruction. La Collection Lambert Avignon fera égalementvaloir son préjudice économique, et l'artiste fera valoir l'atteinteà son droit moral, à son honneur et à sa réputation. En effet, cesdeux oeuvres qui font partie de la liste des chefs d'oeuvres donnéspar le collectionneur Yvon Lambert à l'Etat, venaient d'êtreexpertisées par la maison de vente Christies : si la photographie« Soeur Jeanne Myriam » a été estimée à 25 000 euros, le « PissChrist » est estimé quant à lui à 250 000 euros. » ; Que ce communiqué se termine par le rappel de l'échec de l'action en référé engagée par «L'AGRIF (Alliance Générale contre le Racisme et pour le respect de l'Identité Française et Chrétienne) qui avait demandé, lors des ces événements, au Tribunal de grande instance d'Avignon d'ordonner notamment le retrait de « Piss Christ » du site internet de la collection Lambert.»
Attendu que la présomption d'innocence est un droit consacré par
l'article préliminaire du Code de procédure pénale et par l'article
6-2 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales, qui a pour objet, entre autres, de garantir
1' impartialité de 1' autorité judiciaire en interdisant qu' une personne
sur qui pèsent des soupçons d'avoir commis une infraction, puisse
comparaître devant ses juges après avoir été publiquement
présentée comme coupable de l'infraction qui lui est reprochée ;
que l'exigence d'impartialité de l'autorité judiciaire, garantie d'un
procès conforme à la justice et à l'équité, impose que cette
présomption s'applique, ainsi que le précise l'article 9-1 du Code
civil, dès qu'une personne fait "l'objet d'une enquête ou d'uneinstruction judiciaire" et jusqu'à ce que les juridictions répressives
soient dessaisies par une décision irrévocable ;
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Que l'atteinte à cette présomption d'innocence, dont l'article 9-1
du Code civil prévoit les conditions de la réparation, n'est
caractérisée qu'à la double condition que l'existence de l'enquête,
de l'instruction ou des poursuites, soit rappelée dans le texte
litigieux, à moins qu'elle ne soit notoire, et que les propos
incriminés contiennent des conclusions définitives manifestant un
préjugé tenant pour acquise la culpabilité de la personne concernée
pour les faits objets de l'enquête, de l'instruction ou des
poursuites ; que seule l'analyse du texte incriminé permet de
caractériser l'atteinte sans que soient prises en compte la qualité de
l'auteur des propos incriminés ou les charges pesant sur la
personne qui bénéficie de cette présomption d'innocence ;
Attendu qu'en l'espèce, le communiqué litigieux rappelle la
procédure pénale engagée contre les demandeurs qui sont
nommément désignés ; que, faisant le récit en employant le mode
indicatif, des faits qui leurs sont reprochés, ce communiqué
indique qu"'ils ont pénétré dans le musée " "munis d'un marteaupour perpétrer leur acte, ils ont menacé les gardiens qui tentaientde les appréhender en pointant un tournevis sur la tempe de l'unedes gardiennes ", qu' "en dépit de la protection renforcée pour le"Piss Christ" deux oeuvres d'Andres Serrano ont été vandaliseesce qui démontre la force, la détermination et l'entraînement ce cesindividus. ", qu'"ils se sont ensuite rapidement enfuis.." ;
Que ces propos constituent l'expression de conclusions définitives
et dépourvues d'équivoque de la culpabilité des demandeurs
nommément désignés et poursuivis devant le tribunal correctionnel
d'Avignon pour répondre de ces faits, caractérisant l'atteinte la
présomption d'innocence dont ils bénéficient sans que la qualité de
partie civile de l'association LA COLLECTION LAMBERT,
auteur de ce communiqué de presse, ait une quelconque incidence
sur l'atteinte commise ;
Que l'association défenderesse qui a pris l'initiative de rédiger un
communiqué de presse destiné, par nature, à être rendu public et
Christophe LE GAC qui a mis en ligne l'intégralité de ce
communiqué sur le site internet http://www.dust-distiller.com ,
dont il est directeur de la publication, sont responsables de cette
atteinte, au sens de l'article 9-1 du Code civil ;
Qu'en réparation, les demandeurs sollicitent la publication d'un
communiqué judiciaire sur le site internet de l'association LA
COLLECTION LAMBERT, sur celui de Christophe LE GAC,
ainsi que dans deux journaux régionaux ayant fait état de ce
communiqué ;
Attendu que si la publication d'un tel communiqué sur les sites
internet de l'association LA COLLECTION LAMBERT, et sur le
site http://www.dust-distiller.com qui a publié ce texte, est de
nature à réparer l'atteinte commise, il en va différemment
s'agissant des demandes de publication d'un tel communiqué dans
les journaux LA PROVENCE et VAUCLUSE MATIN ;
Que l'assignation fonde ces dernières demandes, par le fait que cesorganes de presse "ont rendu compte de l'audience de renvoi et ontdivulgué les noms des prévenus", soit sur des faits distincts de
ceux qui font l'objet de la présente procédure et qui sont sans lien
avec le respect de la présomption d'innocence ; que si LA
PROVENCE a fait état du communiqué de presse litigieux dans
son édition datée du mercredi 6 juin 2012, ce journal s'est abstenu
de reproduire les propos portant atteinte à la présomption
d'innocence et, l'article consacré à cette affaire a pris soin de
préciser que les quatre personnes renvoyées devant le tribunal
étaient des "suspects" et qu'ils contestaient les faits qui leur étaient
reprochés ;
Attendu, en conséquence, que sera ordonnée la publication d'un
communiqué judiciaire sur le site internet de l'association LA
COLLECTION LAMBERT et sur le site www.dust-distiller.com,
dans les conditions précisées dans le dispositif ; qu'il parait
opportun pour assurer l'exécution de cette mesure de l'assortir
d'une astreinte ;
Attendu que l'équité commande que soit allouée, à chacun des
demandeurs, la somme de 500 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par mise à disposition au greffe,
contradictoirement et en premier ressort,
Disons que l'association LA COLLECTION LAMBERT en
Avignon, dans un communiqué de presse en date du 4 juin 2012,
a porté atteinte à la présomption d'innocence dont bénéficient
X, XY, XYZ et ZDisons que ZZ, en reproduisant ce communiqué de presse sur le site internet dont il est directeur de la publication http://www.dust-distiller.com, a également porté atteinte à la présomption d'innocence de X, XY, XYZ et Z,Condamnons l'association LA COLLECTION LAMBERT en
Avignon à publier sur le premier écran de la page d'accueil de son
s i t e  i n t e r n e t  a c c e s s i b l e à l ' a d r e s s e
http://www.collectionlambert.fr, le communiqué suivant :
«Par ordonnance en date du 12 juillet 2012, le juge des référés dutribunal de grande instance de Paris a jugé que le communiquéde presse de l'association LA COLLECTION LAMBERT enAvignon en date du 4 juin 2012, intitulé "Affaire du Piss Christd'Andres Serrano ", portait atteinte à la présomption d'innocencedont bénéficient X, XY, XYZ et Z»
Disons que cette publication devra intervenir le jour suivant la
signification de la présente décision, en caractères de taille 12,
sous le titre «COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE» en lettres
majuscules, pendant une durée continue de 15 jours, sous astreinte
de 500 euros par jour de retard ou de manquement ;
Condamnons ZZ, à publier sur le premier écran
de lapage d'accueil du site internet http://www.dust-distiller.com,
le communiqué suivant :
«Par ordonnance en date du 12 juillet 2012, le juge des référés dutribunal de grande instance de Paris a jugé que le communiquéde presse de l'association LA COLLECTION LAMBERT enAvignon en date du 4 juin 2012 intitulé "Affaire du Piss Christd 'Andres Serrano ' ', portait atteinte à la présomption d 'innocencedont bénéficient X, XY, XYZ et Z »Disons que cette publication devra intervenir le jour suivant la
signification de la présente décision, en caractères de taille 12,
sous le titre «COMMUNIQUÉ JUDICIAIRE » en lettres
majuscules, pendant une durée continue de 15 jours, sous astreinte
de 500 euros par jour de retard ou de manquement ;
Nous réservons la liquidation de l'astreinte,
Condamnons solidairement l'association LA COLLECTION
LAMBERT en Avignon et ZZ à verser à chacun
des demandeurs la somme de 500 euros sur le fondement de
l'article 700 du Code de procédure civile
Rejetons les autres demandes,
Condamnons l'association LA COLLECTION LAMBERT en
Avignon et ZZ aux dépens de la présente
procédure ;
Fait à Paris le 12 juillet 2012
Le Greffier, Le Président,
Les ploutocrates sont en face de pauvres diables obligés de plaider avec l'aide juridictionnelle. Les ploutocrates espéraient que les pauvres ne pourraient pas se défendre. D'ailleurs, ils ne le peuvent pas vraiment puisqu'ils n'obtiennent que 500 € chacun d'indemnité d'article 700 du code de procédure civile alors que ce référé, très dur et très technique, avait été précédé d'une requête pour l'assignation à jour fixe. L'AGRIF, elle, a été condamnée à 3 000 € d'indemnité fondée sur article 700 du code de procédure civile au profit de la richissime "collection Lambert", toujours au nom de l'équité et des situations économiques des parties prévue dans l'article 700.

J'observe aussi que pour une assignation urgente du 21 juin, une audience du 28 juin, l'ordonnance est du 12 juillet, soient 3 semaines. L'audience correctionnelle prévue pour le 19 juillet se tiendra-t-elle dans une ambiance suffisamment sereine, alors que la réparation ne pourra avoir eu lieu du fait des délais puisque la publication réparatrice devrait durer 15 jours ? Il semble d'ailleurs que en correctionnelle, la première audience de renvoi il y a quelques mois, avait donné lieu à des débordements augurant mal de l'impartialité des débats. Que vaudront, en tout état de cause, des débats du 19 juillet alors que la présomption d'innocence continuera à être bafouée ?

La "Fondation Lambert" prétend que le fait que les personnes soupçonnées aient, selon elle, participé à la manifestation serait une sorte de preuve. A mon avis, c'est l'inverse. Personne de sensé prévoyant une action de ce genre ne se ferait voir à la manifestation. En revanche, une vengeance...

Je rappelle enfin que la "Fondation Lambert" viole la liberté religieuse et les droits fondamentaux de l'homme par son Piss-Lambert-Serano. Ainsi que l'a rappelé le Pape, la profanation est un attentat contre la liberté religieuse.


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