La nouvelle ordonnance sur la filiation laquelle va entrer en vigueur le 1er juillet 2006 abolira la distinction entre enfants « légitimes » et enfants « naturels ».
Un des premiers à avoir prôné cette abolition est Cambacérès en 1793, voilà plus de deux cent dix ans !
Cambacérès préside la commission qui doit rédiger un projet de Code Civil, présenté le 07 août 1793 à la Convention. Ce projet fait suite à divers projets d’Ancien Régime qui n’ont jamais vu le jour et à la décision de la Convention de rédiger un Code.
Dans sont rapport de présentation du projet Cambacérès écrit « si je n’avais à vous présenter que mon opinion personnelle, je vous dirais : tous les enfants indistinctement ont le droit de succéder à ceux qui leur ont donné l’existence ; les différences établies entre eux, sont l’effet de l’orgueil et de la superstition ; elles sont ignominieuses et contraires à la justice. Dans un gouvernement basé sur la liberté, des individus ne peuvent pas être victimes des fautes de leur père. L’exhérédation est la peine des grands crimes : l’enfant qui naît en a-t-il commis ? Et si le mariage est une institution précieuse, son empire ne peut s’étendre jusqu’à la destruction de l’homme et des droits du citoyen. Mais ce n’est pas de mes propres pensées que je veux vous entretenir : c’est le résultat de la discussion du comité, dont il faut vous rendre un compte.
(…) « il ne restait plus au comité qu’à régler les droits de successibilité des enfants légitimes ; mais, en consacrant un principe incontestable, nous avons estimé qu’il devait souffrir quelques modifications déterminées par l’état actuel de la société et par la transition subite d’une législation vicieuse à une législation meilleure.
Ainsi, lorsque le père ou la père seront décédés sans testament, l’enfant né hors le mariage aura une portion égale à celle des autres enfants co-partageants ; » (2)
J’admire le style et la modération et la profondeur de pensée !
Il propose au nom de cette commission un projet de loi à insérer dans le futur code :
Article 1er : « les enfants naturels actuellement existants, nés de père et mère non engagés dans les liens du mariage, seront admis aux successions de leurs père et mère, ouvertes depuis le 14 juillet 1789. »
Selon le site http://mapage.noos.fr/eprunaux/index.htm, ce premier projet ne sera pas voté en raison des oppositions des montagnards extrémistes dont Fabre d’Eglantines qui trouvent le projet trop juridique et pas assez « philosophique » et veulent l’institution d’une commission de six philosophes !
On sait que le Code Civil de Napoléon fut beaucoup plus restrictif. Il reprendra l’expression d’enfant « naturel » (et non « né hors du mariage. ») et il édictera
« article 756 : Les enfants naturels ne sont point héritiers ; la loi ne leur accorde de droits sur les biens de leur père ou mère décédés, que lorsqu’ils ont été légalement reconnus. Elle ne leur accorde aucun droit sur les biens des parents de leur père ou mère. »
On mesure ici la régression. Ils ne sont pas héritiers. Il ne sont pas les petits enfants de leurs grand parents. Et leur réserve, s’ils ont été reconnus et dans ce cas seulement, n’est que d’un tiers de celle des enfants « légitimes ».
« article 757 du Code Napoléon : « le droit de l’enfant naturel sur les biens des père et mère décédés, est réglé ainsi qu’il suit : Si le père ou la mère a laissé des descendants légitimes, ce droit est d’un tiers de la portion héréditaire que l’enfant naturel aurait eu s’il eut été légitime (…) »
(1) http://mapage.noos.fr/eprunaux/fr/vie-poli/code-civ/cod-civi.htm
(2) Nouveau rapport sur les articles d’appendice titre IV du livre 1er, concernant les Enfants nés hors mariage, présenté au nom du comité de législation, par CAMBACERES, député de l’Hérault ; imprimé par ordre de la Convention Nationale. 1792