3.12.06

L'Europe et le christianisme selon Benoît XVI dans son discours de Ratisbonne

"Cet intime rapprochement mutuel ici évoqué, qui s'est réalisé entre la foi biblique et le questionnement philosophique grec, est un processus décisif non seulement du point de vue de l'histoire des religions mais aussi de l'histoire universelle, qui aujourd'hui encore nous oblige. Quand on considère cette rencontre, on ne s'étonne pas que le christianisme, tout en ayant ses origines et des développements importants en Orient, ait trouvé son empreinte décisive en Europe. À l'inverse, nous pouvons dire aussi : cette rencontre, à laquelle s'ajoute ensuite l'héritage de Rome, a créé l'Europe et reste le fondement de ce que, à juste titre, on appelle l’Europe. "

A dit Benoît XVI à Ratisbonne.

[quote]Avant de parvenir aux conclusions auxquelles tend ce raisonnement, il me faut encore évoquer brièvement la troisième vague de déshellénisation, qui a cours actuellement. Au regard de la rencontre avec la pluralité des cultures, on dit volontiers aujourd'hui que la synthèse avec l'hellénisme, qui s'est opérée dans l'Église antique, était une première inculturation du christianisme qu'il ne faudrait pas imposer aux autres cultures. Il faut leur reconnaître le droit de remonter en deçà de cette inculturation vers le simple message du Nouveau Testament, pour l'inculturer à nouveau dans leurs espaces respectifs. Cette thèse n'est pas simplement erronée mais encore grossière et inexacte. Car le Nouveau Testament est écrit en grec et porte en lui-même le contact avec l'esprit grec, qui avait mûri précédemment dans l'évolution de l'Ancien Testament. Certes, il existe des strates dans le processus d'évolution de l'Église antique qu'il n'est pas besoin de faire entrer dans toutes les cultures. Mais les décisions fondamentales, qui concernent précisément le lien de la foi avec la recherche de la raison humaine, font partie de la foi elle-même et constituent des développements qui sont conformes à sa nature.[/quote]

Le lien entre culture européenne est infrangible : en ce que notamment cette culture établit un lien entre la foi et la recherche de la raison humaine, et que les décisions ecclésiales qui rendent ce lien infrangible font partie de la foi.

Remarque incidente pourquoi pas "raison humaine" ? au lieu de la locution "recherche de la raison humaine" qui est effectivement employée par Benoît XVI ? Parce qu'il est impossible de définir autrement que "recherche" du rationnel, la tension vers ce "rationnel", le rationnel étant sujet à constants approfondissements ou rectifications. Fin de la remarque incidente.


L'esprit grec qui est devenu l'esprit européen, qui a donné la culture européenne est donc nécessairement lié au christianisme. C'est le corollaire selon moi de ce qu'il est impossible de briser le lien entre culture grecque et foi, si l'on veut garder la foi chrétienne.

Le développement de la foi implique nécessairement, par la nature même de la foi, l'adoption de la culture grecque, c'est-à-dire, la recherche de la vérité par la raison. En d'autres termes, il n'est pas possible d'avoir la foi et de renoncer à l'usage de la raison et cela dans les questionnements fondamentaux, dont le principal semble bien être "pourquoi en est-il ainsi ?"

[quote]Depuis longtemps, l'Occident est menacé par cette aversion pour les interrogations fondamentales de la raison et il ne pourrait qu'en subir un grand dommage. Le courage de s'ouvrir à l'ampleur de la raison et non de nier sa grandeur – tel est le programme qu'une théologie se sachant engagée envers la foi biblique doit assumer dans le débat présent. « Ne pas agir selon la raison, ne pas agir avec le Logos, est en contradiction avec la nature de Dieu » a dit Manuel II à son interlocuteur persan, en se fondant sur sa vision chrétienne de Dieu. Dans ce grand Logos, dans cette amplitude de la raison, nous invitons nos interlocuteurs au dialogue des cultures. La retrouver nous-mêmes toujours à nouveau est la grande tâche de l'Université.[/quote]

Et le dialogue des cultures qui est impossible si l'on s'en tient au positivisme, redevient à l'ordre du jour si l'occident ne renonce plus à traiter les grands questions au moyen de la raison, sans d'ailleurs négliger l'apport des sciences et de l'esprit moderne, lequel ne peut constituer qu'un socle pour les questionnements plus élevés. Car les cultures non-européennes attendent, de la part des Européens, des réponses rationnelles à leurs questionnements "métaphysiques" que le positivisme est incapable de donner, ou plus précisément, qu'il se refuse à donner.

Benoît XVI appelle ainsi la culture européenne et donc chrétienne à réinvestir par l'usage de la raison les questions fondamentales posées par la philosophie et la théologie.

Reste à se demander si selon Benoît XVI, l'intellectualisme thomiste est toujours la réponse ? A mon avis oui, puisqu'il permet de se poser la question au moyen de la raison, se poser la question des "pourquoi ?" et non plus seulement du "comment ?"

Cependant Benoît XVI ne tranche pas la question, il semble qu'il s'en tienne à ce précepte adressé à la culture européenne de revenir, de croire à la raison, de la croire capble de répondre à des questions fondamentales, celles qui répondent à "pourquoi ?"

Les citations sont issues du "discours de Ratisbonne" du 12 septembre 2006, traduction Zenit, consultable ici :

http://www.zenit.org/french/

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