24.10.06

Le projet de loi de Pascal Clément.Des mesures pour les riches exclusivement

Il semble que le projet de loi présenté aujourd’hui mardi 24 octobre 2006 au Conseil de ministres par Pascal Clément prévoie des sanctions contre les magistrats. Le Conseil d’Etat qui a été conçu par Napoléon pour être le conseil juridique du gouvernement a émis un avis défavorable au premier projet qui prévoyait la possibilité de mettre en œuvre la responsabilité des magistrats avant toute voie de recours (appel, cassation) et cela lorsque le magistrat aurait méconnu les règles fondamentales de la procédure pénale ou civile (affaires entre particuliers)

Ces sanctions seront seulement d’interdire pendant cinq ans à un magistrat de siéger seul en qualité de juge aux affaires familiales, de juge d’instruction, de juge unique correctionnel etc.

Ces restrictions conseillées par le Conseil d’Etat aboutiront dans la plupart des cas à un statu quo, par rapport à ce qui se passe aujourd’hui. En effet, il est illusoire de croire que celui des victimes d’Outreau qui est mort en prison aurait pu mettre en œuvre la responsabilité des magistrats. Aller en appel, c’est déjà onéreux. C’est aussi dangereux, car cela peut indisposer la Cour. Dans l’affaire d’Outreau, les innombrables appels n’ont servi à rien, de même d’ailleurs que la Cour de Cassation. Ce sera donc à partir du rejet du pourvoi que la responsabilité des magistrats pourra être mise en cause. Question : faudra-t-il mettre en cause tous les magistrats, soit, selon les cas, environ neuf ?

Dans les affaires civiles, aller en appel va devenir impossible, ou plus précisément très onéreux. Si le magistrat prend la précaution de vous condamner à payer une forte somme, vous ne pourrez plus aller en appel puisqu’il faut exécuter la décision de première instance. Si vous êtes insolvable, certes vous pouvez le plaider, avec tout ce que cela implique de risque judiciaire... (La Cour est surchargée, on connaît ce plaideur, un casse pieds) Si vous ne pouvez pas payer et vous payer un avocat, tant pis pour vous. Si en appel vous êtes condamné à des milliers d’euros d’indemnité de plaidoirie, plus des indemnités pour appel abusif, plus des dommages-intérêts, destinés à vous empêcher d’aller en cassation… vous n’aurez qu’à payer et à servir de banquier gratuit (les agios sont à votre charge) à votre adversaire de mauvaise foi, avec le risque de son insolvabilité.

Aller en cassation, certes, c’est possible, il faudra replaider, donc payer l’avocat pour faire juger éventuellement que vous ne pouvez pas payer. Si vous avez oublié une pièce ou que votre adversaire est retors, vous pouvez encore être privé en fait de la voie de recours.

Car évidemment si vous êtes riche, vous paierez (un chèque qui ne vous privera de rien au nieuveau de votre vie quotidienne), si vous êtes pauvres vous plaiderez (un dossier, un avocat, un adversaire qui vous pourrira, un risque judiciaire, des délais etc).

Bref, comme d’habitude cette responsabilité des magistrats ne pourra être mise en œuvre que si vous avez les moyens financier de le faire. Ce qui fera que si vous êtes pauvre le risque pour le magistrat de voir sa responsabilité mise ne œuvre sera négligeable, alors qu’il sera considérable si vous avez de l’argent. D’où, malgré la présence de magistrats de conscience, le risque sera plus grand si vous êtes un pauvre que si vous êtes un riche.

Donc cette mesure est surtout en faveur des riches et des chanceux qui courront moins le risque de voir leurs droits bafoués, tant mieux pour eux, les pauvres eux souffriront… et crèveront comme celui qui est mort en prison.

Enfin, si l’on voulait vraiment favoriser la justice on supprimerait ces obstacles aux voies de recours. Car on dit aux victimes de la justice : vous n’avez qu’à faire appel, mais en même temps on leur rend l’appel quasi-impossible. Et si la victime se plaint on lui dira : vous n’aviez qu’à faire appel. On se fout du monde et surtout des pauvres et des malchanceux.

Pour les pauvres la situation sera pire qu’aujourd’hui : on leur dira, vous n’avez pas fait appel, vous êtes fautif.

Malheur aux vaincus, malheur aux pauvres ! c’est la devise de Chirac, de Clément et du Conseil d’Etat.

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